Travail : y a-t-il un pilote dans le drone ?

Robotique par Clarisse Josselin

« Hexacopter Multicopter DJI-S800 on-air credit Alexander Glinz » par Alexander Glinz — photo by Alexander Glinz / uploaded by Joadl. Sous licence CC BY-SA 3.0 at via Wikimedia Commons.

Depuis l’autorisation en mai 2012 d’utiliser des drones civils dans le ciel aérien français, ces petits appareils commencent à être expérimentés dans divers secteurs professionnels : énergie, transports, agriculture, bâtiment… Un progrès technologique mais aussi un risque pour l’emploi des salariés.

Le dispositif de sécurité de la conférence sur le climat Cop21, qui se tiendra début décembre à Paris avec une centaine de chefs d’État, intégrera des drones pilotés par les forces de l’ordre. Début octobre, le ministère de l’Intérieur a aussi annoncé le lancement prochain d’expérimentations autour de drones-radars pour surveiller le trafic automobile.

Les drones civils commencent à s’imposer dans plusieurs secteurs professionnels avec trois atouts : précision, rapidité d’intervention et coût réduit. Ces robots, équipés d’appareils photo HD, de caméras thermiques ou de lasers, permettent notamment la modélisation en 3D et des relevés topographiques d’une extrême précision.

Le conseil départemental des Hautes-Alpes compte acquérir son premier drone début 2016. Il permettra de surveiller l’état des digues, ponts et barrages ou encore d’inspecter les falaises afin d’éviter les éboulements sur les routes exposées. Avec 2 500 euros par jour, le coût sera quatre fois inférieur à celui des hélicoptères utilisés jusqu’à présent.

Ces outils se développent aussi dans l’agriculture, pour suivre les animaux ou la croissance des plantes. L’Agridrone, un outil développé par la société Airinov en partenariat avec les chercheurs de l’INRA, permet par exemple de connaître la biomasse ou le taux de chlorophylle d’une parcelle.

ERDF, qui gère le réseau électrique moyenne et basse tension, s’intéresse aux drones depuis 2013 pour la détection d’incidents ou la maintenance des lignes, sans nécessiter de coupure de courant ni craindre les températures élevées. « Ils sont surtout utilisés dans des zones peu accessibles, explique Bernard Gégout, délégué central FO chez ERDF. Ils permettent de s’approcher au plus près et de conserver des images. C’est encore expérimental, mais cela fait partie des nouveaux métiers à venir. »

La SNCF possède déjà une équipe dédiée de quinze personnes. Les drones sont utilisés pour surveiller les voies et leurs abords : végétation, falaises, intrusions, diagnostics post-tempête… Ils permettent aussi d’inspecter l’état des ponts ou des toitures de gares.

« Le défaut qui a conduit à l’accident de Brétigny n’aurait pas été détecté par un drone, ni par un système électronique »

« Le développement des drones est à mettre en relation avec les nouveaux modes de production de plus en plus automatisés à la SNCF, dans une logique de rentabilité, réagit Christophe Jocquel, secrétaire fédéral FO Cheminots. Contre le vandalisme, c’est un plus, on ne peut pas tout surveiller. Mais nous sommes circonspects sur d’autres applications. Le défaut qui a conduit à l’accident de Brétigny n’aurait pas été détecté par un drone, ni par un système électronique. Pour la maintenance, rien ne remplace l’inspection humaine. »

Dans le bâtiment en revanche, le drone prend déjà des allures de « Big Brother ». Sur le chantier de construction d’un stade de basket à Sacramento, en Californie, des drones ont chaque jour cartographié en 3D l’avancée des travaux, à l’insu des salariés, selon Technology Review. Les promoteurs ont pu comparer ces données avec les prévisions des architectes et identifier au quotidien les équipes responsables d’éventuels retards.

Au Japon, le drone est même devenu un géologue 2.0, selon le site Futura Sciences. Pour les travaux de terrassement, la société Komatsu a recours à des pelleteuses et bulldozers sans chauffeurs. Les engins se déplacent d’après une modélisation en 3D transmise par des drones, sous la surveillance tout de même d’un opérateur.

Dans ses « Réflexions sur l’impact du numérique sur le travail », parues en septembre dernier, la confédération FO prône le principe de précaution. Si la robotisation peut « permettre d’améliorer les conditions de travail et d’en réduire la pénibilité », elle se doit d’être « maîtrisée, encadrée, puis évaluée » pour éviter la destruction des emplois, la suppression des qualifications, la réduction des rémunérations et surtout « l’anéantissement de l’identité même du salarié ».

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante