TTIP : 8e cycle de négociations

La lettre électronique @ ctualités Europe – International n°26 par Secteur International Europe

Consultation publique et ISDS
Le 8e cycle de négociations du TTIP s’est tenu début février après la publication par la Commission Européenne des résultats de la consultation publique lancée en juillet 2013. Cette consultation, majoritairement suivie avec plus de 150 000 réponses, a fait l’objet d’une analyse par la Commission européenne début janvier mais elle n’en a fait que peu de publicité. Souhaite-t-on étouffer des résultats trop gênants ? En effet, si 97 % des consultés se sont exprimés contre le mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs (RDIE, ISDS en anglais), et si ce volet a été absent des négociations faute de consensus des États, la Commission Européenne ne revient pourtant pas sur sa volonté de mettre en place ce système d’arbitrage qui permettra aux entreprises de mener des actions en justice devant un tribunal d’arbitrage lorsque celle-ci estimera que ses intérêts économiques sont remis en question par une législation ou une réglementation. Et ce, au mépris des normes en vigueur et des droits des travailleurs… C’est ainsi par exemple que se prévalant de la charte européenne de l’énergie, l’entreprise suédoise Vattenfall poursuit l’Allemagne devant un tribunal d’arbitrage suite à la décision prise par le gouvernement allemand de sortir du nucléaire. Cette même entreprise avait déjà poursuivi l’Allemagne devant un tribunal d’arbitrage en 2009 suite au projet d’implantation d’une centrale au charbon sur les rives de l’Elbe à Hambourg, procédure au bout de laquelle l’Allemagne, afin de ne pas se voir infliger une amende trop lourde, était revenue sur ses exigences environnementales…

Quelques chiffres sur les procédures d’arbitrage dans l’Union Européenne…
Un rapport publié en décembre montre que sur la période allant de 1994 à 2014, 127 cas ont été présentés devant un tribunal d’arbitrage à l’encontre d’un État de l’Union Européenne. La Pologne s’est vu infliger la plus grosse amende avec 2 milliards d’euros, frais de justice et d’arbitrage compris. La République Tchèque s’est vue attaquer à 26 reprises. 60 % des cas concernaient l’environnement.

Les États-Unis ont poursuivi jusqu’ici dix fois des pays d’Europe, à savoir la Pologne, la Roumanie, la République Tchèque, la République Slovaque et l’Estonie. 46 de ces 127 cas sont toujours en cours et seulement 18 ont été rejetés ou interrompus. Enfin, seulement 48 % des amendes sur ces 127 cas ont été rendues publiques pour un total de 30 milliards d’euros.

Risque supplémentaire de cet accord
Les nouveaux accords du type UE-Canada, TTIP, UE-Chine ou trans-pacifique (TPP) sortent du cadre bilatéral pur et élargissent le périmètre des pays couverts et donc du nombre d’investisseurs concernés par l’accord en question. La possibilité de recours devant un tribunal d’arbitrage n’en est alors que proportionnellement croissant. Et le risque in fine est de miner la capacité des États à réguler dans l’intérêt des droits des travailleurs, des droits des citoyens et de l’environnement.

Convergence réglementaire
Sujet phare de ce huitième cycle de négociations : la convergence réglementaire, ou comment faire en sorte que les normes de l’Union Européenne et des États-Unis concordent ? La question est ici d’harmoniser les normes afin de renforcer les échanges commerciaux. Les normes sont en effet vues comme des entraves au commerce dans une multitude de domaines. Les négociateurs de la Commission européenne et des États-Unis veulent créer un Conseil de coopération réglementaire qui supervisera le débat permanent sur la mise en cohérence normative et sur ses modalités. Ce Conseil réunirait des techniciens et des experts qui pourront, ou pas, demander l’avis des parlementaires européens et des États membres en dernier ressort. L’objectif de ce Conseil est d’harmoniser la réglementation à venir. Selon le texte proposé par la Commission européenne, des représentants du secteur privé y disposeraient d’un accès privilégié, renforçant ainsi le pouvoir du secteur privé sur le pouvoir politique. Ce huitième cycle a par ailleurs abordé les questions de régulation et de normalisation en matière d’énergie et de matières premières, de marchés publics, de protection des cultures pour les denrées alimentaires et les indications géographiques protégées, ainsi que les régulations en matière de durabilité, de suppression des barrières douanières, de compétitivité et de PME.

Sur la question de la convergence réglementaire, rappelons que les États-Unis font partie des pays qui ont ratifié le moins de conventions de l’Organisation Internationale du Travail et qu’ils n’ont pas ratifié la convention 87 sur la liberté d’association. A voir les procédures développées devant les tribunaux d’arbitrage, il y a fort à parier que cette convergence réglementaire n’ira pas forcément en faveur des droits des travailleurs…

Le prochain cycle de négociations aura lieu en avril aux États-Unis. Lors de son congrès de février 2015 à Tours, Force ouvrière a rappelé son exigence de l’arrêt immédiat de ces négociations qui risquent de conduire à une harmonisation par le bas des normes européennes.

Secteur International Europe Le secteur International Europe est chargé de la coordination des relations internationales de la Confédération et de sa représentation au niveau international.

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