TTIP et Ceta : deux accords dont plus de six Français sur dix ne veulent pas

Libre-échange par Nadia Djabali

Le TTIP et le Ceta étaient inscrits au menu du sommet européen des 28 et 29 juin à Bruxelles. Deux accords de libre-échange qui suscitent de plus en plus la défiance des citoyens européens.

Mixte ou non mixte ? C’est la question qui a agité Bruxelles concernant, le traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada (Ceta). Signé en septembre 2014 par l’ensemble des états de l’UE, l’accord doit encore être ratifié par ces 28 États-membres avant d’entrer en application. Jusqu’au 5 juillet, la Commission européenne estimait que le texte relevait du non-mixte. Par conséquent il ne devait pas passer devant les 28 parlements nationaux mais seulement devant le Parlement européen. Mais les pressions de La France et de l’Allemagne ont contraint la Commission de faire machine arrière.

TTIP, Ceta : même combat

L’enjeu de la procédure de ratification est important, le Ceta étant la version canadienne du traité de libre-échange transatlantique (TTIP) négocié entre l’Europe et les États-Unis. Il en est également une préfiguration, tant par son contenu que par la méthode utilisée par la Commission européenne. Si la commission s’était passée de l’assentiment des parlements pour le Ceta, elle aurait bien pu réitérer l’opération pour le TTIP.

Les deux accords ont notamment pour objectif la suppression des droits de douane et des barrières non tarifaires. Ces dernières sont constituées de l’ensemble des mesures permettant à un pays de protéger son marché (normes techniques ou sanitaires ou règlementation favorisant les entreprises locales et nationales) afin d’éviter la concurrence extérieure déloyale ou misant sur le "moins disant".

L’Argentine condamnée

Autre similitude entre le Ceta et le TTIP, le mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs (ISDS en anglais). Une entreprise pourra poursuivre un pays devant une cour arbitrale si elle estime qu’une décision ou une nouvelle réglementation met en cause ses intérêts.
Force Ouvrière dénonce ce mécanisme qui permet à un tribunal privé de remettre en cause les choix politiques d’un État s’ils entrent en conflit avec les intérêts d’une multinationale.

En 2015, un tribunal arbitral international a condamné l’Argentine à verser près de 400 millions d’euros à Suez environnement. En cause, la renationalisation en 2006 du service de l’eau de Buenos Aires.

Discordances des voix

De plus en plus nombreuses, des voix discordantes se font entendre dans différents pays de l’Union. Notamment en France où un sondage, publié la veille de l’ouverture du sommet, indique que les Français sont largement préoccupés par les deux traités : Huit Français sur dix estiment que le Ceta et le TTIP remettent en question les lois ou « normes » françaises protégeant la santé, la qualité de l’alimentation, l’environnement, et le climat. Plus de six Français sur dix souhaitent que la France mette fin à ces deux projets de traité.

C’est dans ce contexte de défiance, agité par les résultats du référendum britannique, que s’est ouvert le sommet européen de fin juin. Jean-Claude Juncker, président de la Commission a demandé aux États membres qu’ils confirment le mandat de négociation de la Commission pour le TTIP.

Soufflant le chaud et le froid, la position française est assez absconse. François Hollande et Manuel Valls affirment depuis plusieurs semaines que la France ne signera pas le traité en l’état. En visite à Belleville-sur-Mer le 26 juin, Le Premier ministre a enfoncé le clou : « Dorénavant, aucun accord de libre-échange ne doit être conclu s’il ne respecte pas les intérêts de l’Union. »

Pourtant, à l’instar des 27 autres États membres de l’Union européenne, la France a reconduit sans hésiter le mandat de négociation du TTIP de la Commission. Cette dernière pourra donc mener dans la plus grande discrétion le 14e round, qui doit se tenir en juillet 2016.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante