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Le Tour numérique

Le site Strava permet à de nombreux pros de rendre publiques les données de leur capteur de puissance SRM. © Strava

Très tôt adoptés par le peloton, les nouveaux outils numériques sont aujourd’hui devenus omniprésents, au point que les coureurs ne peuvent plus s’en passer.

Les cyclistes sont des nomades. Engagés toute l’année sur des courses organisées un peu partout en Europe, voire dans le monde, parfois en stage au soleil et en équipe quand ils ne sont pas en compétition, les coureurs restent parfois de longues semaines loin de chez eux. C’est donc naturellement qu’ils se sont très tôt tournés vers les nouveaux outils de communication. Dès la fin des années 2000, tout le peloton utilisait Skype pour rester fréquemment en contact avec femme, enfants et amis. Et, par extension, tout ce que la nouvelle technologie permettait a rapidement été adopté : sites Internet d’abord, puis pages Facebook, comptes Twitter, etc.

À tel point que le peloton est aujourd’hui sur-connecté. La plupart des coureurs professionnels sont inscrits sur tous les réseaux sociaux possibles, et surtout ils y sont très actifs afin d’informer en continu leurs proches et leurs fans. Leurs équipes ne sont pas en reste : elles se sont très vite emparées de ces outils, développant des techniques de communication adaptées pour élargir leur notoriété. Les courses, elles, ont été un peu plus longues à s’y mettre. Mais aujourd’hui on ne trouve plus beaucoup d’épreuves qui ne retranscrivent le déroulement de la course en direct sur leur compte Twitter, souvent agrémenté de photos ou de vidéos.

Les données, un enjeu cycliste

Au-delà de cet aspect communicationnel, d’autres nouveautés permises par la technologie ont aujourd’hui pris une grande importance dans le sport cycliste. Ainsi, tous les coureurs pro ont adopté le SRM, un capteur de puissance placé au milieu du guidon, sous leurs yeux. Ce petit écran, directement relié au pédalier, permet de mesurer en temps réel la vitesse, la pente de la route, les pulsations cardiaques et surtout la puissance, exprimée en watts... Ces fameux watts sont aujourd’hui une obsession. Ils sont en effet considérés comme étant la mesure la plus fiable pour évaluer sa condition physique ou ses capacités : là où la fréquence de pédalage, la vitesse moyenne ou le rythme cardiaque sont dépendants des conditions extérieures, une puissance exprimée en watts est toujours identique, qu’il pleuve ou qu’il vente, en montée ou en descente. Il est ainsi de plus en plus courant d’entendre un coureur dire qu’il a « gagné quelques watts » après un entraînement.

Le symbole Dimension Data
L’an dernier, le Tour de France annonçait une petite révolution : la signature d’un contrat avec Dimension Data, une entreprise de géolocalisation. En plaçant un GPS sur leurs vélos, on devrait dès ce Tour 2016 pouvoir suivre en temps réel la position de tous les coureurs en course : fini le temps où l’on se demandait où était passé untel dans l’ascension d’un col, on pourra désormais le savoir instantanément. Dimension Data est par ailleurs un nom à retenir, puisque c’est devenu le nom de l’équipe sud-africaine qui s’appelait jusqu’ici MTN-Qhubeka. Un symbole de l’importance prise par les nouvelles technologies dans le cyclisme. n

La précision des watts serait même, pour certains, la solution face au dopage. Julien Pinot et Frédéric Grappe, les deux entraîneurs de l’équipe FDJ, militent ainsi depuis plusieurs années pour la création d’un passeport physiologique, ou passeport de puissance. Cette solution consisterait à collecter les données de chaque coureur (puissance, rapport poids-taille, etc.) au fil des ans, afin de pouvoir déceler d’éventuelles anomalies dans les évolutions de ces données, forcément à peu près stables sur le temps long. Par exemple, si un coureur stagne à une puissance de 350 watts sur un effort long pendant des années, puis bascule à 400 watts (soit ce que les meilleurs coureurs du Tour de France développent dans les cols) en à peine quelques semaines, il y aurait une anomalie sanctionnable.

Strava, plate-forme transparence ?

D’ores et déjà, de nombreux pros n’hésitent pas à rendre publiques les données issues de leur SRM. Beaucoup le font sur Strava, un site qui permet à n’importe quel cycliste, du cyclotouriste du dimanche à Christopher Froome, de publier en ligne ses données – au choix : puissance, vitesse, rythme cardiaque, etc. Une sorte de réseau social centré sur la performance, qui permet aux amateurs de comparer leurs sorties d’entraînement avec celles de certains pros. Cette saison, Strava a même « innocenté », en quelque sorte, un coureur. Fin mars, Arnaud Démare a remporté Milan-San Remo, l’une des plus importantes classiques du calendrier. Mais quelques minutes à peine après son succès, plusieurs coureurs l’ont accusé d’avoir triché dans l’une des difficultés du final, la Cipressa, en s’accrochant à sa voiture après une crevaison, ce qui lui aurait permis de rouler à 70 km/h sans fournir aucun effort. En diffusant sur Strava les données de son SRM au cours de la classique, comme il le fait après chaque course, le sprinteur français a levé certains doutes : impossible de savoir s’il s’est accroché ou non à une voiture ; en revanche, il n’a pas dépassé les 52 km/h dans cette bosse (sur une portion plate) et ne s’est jamais arrêté de pédaler. Suffisant pour couper court à la polémique. De ces données rendues publiques par les coureurs eux-mêmes au passeport physiologique, la crédibilité du cyclisme passe-t-elle par l’open data, c’est-à-dire la libre publication des données en tout genre ?

Un capteur de puissance, installé sur le guidon, permet de mesurer la vitesse en temps réél.