1539 : l’ordonnance de Villers-Cotterêts

Histoire par Christophe Chiclet, L’inFO militante

C’est sous le règne de François 1er que la France se dote d’un corpus législatif qui sera à l’origine d’un centralisme juridique, administratif, linguistique, mais aussi très antisocial, contre les corporations d’artisans et l’évolution des salaires des travailleurs de l’époque.

C ’est le 25 août 1539 que le roi François 1er (1494-1547) signe les ordonnances de Villers-Cotterêts. Il s’agit du plus ancien texte législatif encore en vigueur en France. Fort de 192 articles, il est intitulé « Ordonnance générale sur le fait de justice ». Il a été rédigé par l’avocat Guillaume Poyet (1473-1548), chancelier du roi de 1538 à 1545.

Ces ordonnances sont une œuvre de transformation judiciaire tandis que le royaume de France passe du Moyen Âge à la Renaissance. C’est sans doute le premier acte de centralisation du royaume.

Villers-Cotterêts codifie la justice, la rationalise et la laïcise. Ainsi les tribunaux ecclésiastiques ne restent compétents que sur les questions relatives à la foi. Cette ordonnance est surtout connue pour son application de la langue française dans le royaume, cela contre le latin, mais aussi contre les langues dites « régionales ». L’article 110 stipule :  langue maternelle françois et non autrement.

Aux origines du centralisme

C’est par cette ordonnance que le français devient la langue exclusive de tous les documents administratifs et juridiques. Cela constitue une attaque directe contre le pouvoir de l’Église, laquelle utilisait le latin, incompréhensible par 95 % du peuple.

Les articles 50 à 55 organisent l’état civil. Les curés sont obligés de tenir l’état civil, c’est-à-dire le registre des baptêmes (donc des naissances) et des décès. Ce registre ne s’applique pas aux Juifs et aux chrétiens excommuniés.

Si cette ordonnance est une avancée face au pouvoir de l’Église, elle signe aussi un recul des libertés. Elle réduit les prérogatives des villes et par ailleurs ses derniers articles portent sur l’interdiction faite aux artisans et autres compagnons de constituer des coalitions, soit l’interdiction de toute expression des travailleurs de l’époque. À la suite des guerres et des épidémies, les bras manquaient dans le royaume et les artisans étaient en position de force. Les salaires avaient augmenté depuis la seconde moitié du XVe siècle. Mais alors qu’aucun système fiscal n’est véritablement établi et que les plus riches ne payent pas d’impôts, François Ier, qui a besoin d’argent pour ses mécénats, ses stratégies de conquêtes guerrières et autres remboursements de lourds emprunts, va pressuriser le peuple, augmentant notamment la taille et la gabelle et exerçant simultanément une pression sur la masse salariale, tandis que les prix grimpent. Cette ordonnance sera en partie balayée en 1792 par la Révolution.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération