19 janvier 2023 : paroles de manifestants

InFO militante par Ariane Dupré, L’inFO militante

© F. BLANC

Le projet de reculer l’âge légal à 64 ans ne passe pas. Ce 19 janvier marquait le coup d’envoi de la mobilisation contre la réforme des retraites. Salariés du privé, fonctionnaires, étudiants... A chacun ses raisons de manifester.

Valérie, 54 ans, chargée de qualité-sécurité chez GRT Gaz

Quand je suis rentrée chez GRT Gaz dans les années 1990, j’ai choisi la sécurité de l’emploi. Il y avait une retraite un peu plus tôt aussi. A l’époque, il était mentionné qu’avec deux enfants, que je partirai à 58 ans. J’ai tout fait : 33 ans à bosser comme une malade, sans interruption, à me taper des heures sans compter. Mais de réforme en réforme, l’âge de la retraite de ne cesse de reculer. Ça a été 62 ans, maintenant il faudrait travailler jusqu’à 64 ans ?! Logiquement, j’aurai tous mes trimestres pour partir dans trois ans et de demi. Mais qu’est-ce que ça va donner si l’âge légal recule encore de deux ans ? Plus j’approche de la retraite, plus elle s’éloigne. Si la réforme passe, je ne me vois pas continuer comme ça. Je passe trois heures par jour dans le bus et le train pour aller travailler. C’est ultra fatiguant. Ce n’est pas de la mauvaise volonté. Mais à 54 ans, ça devient au-dessus de mes forces. Mon travail s’est dégradé : on vit une très grosse réorganisation, depuis janvier, j’ai changé de direction et je suis placardisée. A un certain âge, on sent bien qu’on ne compte plus sur nous ! Je me mobilise pour défendre nos droits à la retraite. Avancer des économies nécessaires à réaliser est un faux prétexte. Ils n’ont qu’à taxer le Cac 40, augmenter les cotisations !

.

Céline, 47 ans, enseignante en maternelle

Je manifeste car je refuse qu’on recule l’âge de la retraite. C’est une question de protection des gens, de choix de société. Que vont devenir les ouvriers, les aide-soignantes, les Atsem, tous ceux qui sont utiles et ont des métiers difficiles ? Il faudrait les faire travailler jusqu’à 64 ans ? A soixante ans, ils sont déjà usés. Je trouve cette réforme très injuste. Ils ne se rendent pas compte de ce que c’est, la pénibilité. Mon père était chauffeur-livreur. A 50 ans, il s’est retrouvé au chômage et n’a plus retrouvé que des petits boulots où il s’est usé le dos… Moi, j’aime enseigner. Là, je sais que je dois cotiser pendant 43 ans. Je ne serai pas à la retraite avant 67 ans. Et franchement, je ne vois pas travailler deux ans de plus. Déjà, à 47 ans, je suis fatiguée. En maternelle, il faut être très attentive aux enfants, on en a 25 ou 30 toute la journée. Il y a aussi tous les gestes : tu te baisses pour faire leurs lacets, il faut bouger les tables, les casiers. A la fin de la journée je suis crevée.

Christophe, 41 ans, éboueur

Avant, j’étais chef de chantier dans le bâtiment. C’est un boulot dur, il n’y avait pas d’horaire. Je suis rentré à la ville de Paris comme éboueur depuis 2 ans et demi pour retrouver des horaires plus stables : je travaille de 6 heures à 13 h 45. A 41 ans, ça va. Mais s’ils repoussent l’âge de la retraite, je ne vois pas comment je vais pouvoir continuer à travailler. Comme je m’occupe notamment des encombrants, je porte beaucoup de choses lourdes, des canapés, des meubles. Il y en a plein sur les trottoirs à Paris, surtout pendant les soldes… A mon âge, j’ai la force. Mais je vois des collègues plus âgés qui sont en arrêt-maladie car ils ont des problèmes de dos, de jambes. Je manifeste car je refuse qu’on travaille deux ans de plus. Je n’ai pas envie de finir avec des problèmes de santé.

Ange et Youn, étudiants

Nous manifestons car cette réforme est profondément injuste. Pour nous, cette histoire de dette des retraites, qui nécessiterait de faire travailler les gens jusqu’à 64 ans est artificielle. Surtout quand on compare aux 150 milliards d’euros d’aides aux entreprises. C’est fou de faire payer les salariés. Certains d’entre nous ont dans leur famille des ouvriers, des agriculteurs et des caristes. Ces gens-là travaillent dur, la pénibilité de leur travail n’est absolument pas reconnue. Et ils devraient travailler deux ans de plus ? Nous ne voulons pas de cela.

Ariane Dupré Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération