1905 : La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat

Histoire par Christophe Chiclet

Séparation de l’Eglise et de l’État : manifestation devant Notre-Dame des Champs.

La France a été le premier État moderne à inscrire la séparation de l’église et de l’État dans le marbre de sa constitution. La laïcité à la française reste encore de nos jours un exemple quasi unique dans le monde.

Cette loi, voulue par le « petit père Combes » et votée à l’initiative d’Aristide Briand, prend ses racines dans les tréfonds de l’histoire de France : les guerres de religion, les lumières contre l’obscurantisme, la Révolution française de 1789, l’affaire Dreyfus, la montée des idées républicaines et sociales.

De la Saint-Barthélémy (1572) à la révocation de l’édit de Nantes (1685), la France s’est déchirée et massacrée pendant plus d’un siècle. La Révolution française a mis fin aux privilèges de la noblesse, mais aussi d’un clergé qui s’opposait à l’émancipation du peuple en particulier dans le domaine de l’éducation. La première séparation date du 18 septembre 1794 quand le budget de l’Église constitutionnelle est supprimé. Mais en 1802, Napoléon signe le concordat avec le pape et rétablit le catholicisme comme religion d’État. L’Église de France, en particulier sa hiérarchie, prend ouvertement fait et cause pour les régimes antirépublicains (royauté, empire) puis contre toutes les nouvelles idées socialistes. Les droites ont eu très peur des révolutions de 1848, en particulier celle de juin et dès 1850, elles imposent la loi Falloux qui proclame la liberté d’enseignement au profit de l’église. Mais à la fin du XIXe siècle, les Républicains, Radicaux et Radicaux-socialistes accèdent au pouvoir. D’autant que l’affaire Dreyfus (1894-1906) va rouvrir les cicatrices entre les milieux réactionnaires-catholiques et les adeptes des avancées de la Révolution française, désormais largement influencés par le socialisme. C’est Émile Combes qui sera un des symboles de la bataille pour la laïcité. Né dans une famille modeste du Tarn, médecin installé en Charente, radical-socialiste, Franc-maçon, il est le président du groupe de la « Gauche Démocratique » au Sénat et ministre de l’instruction publique et des cultes en 1895. En tant que Président du conseil (Premier ministre) de juin 1902 à janvier 1905, il va lancer une vaste campagne anticléricale : fermeture de 3 000 écoles congrégationnistes en juillet 1902, rupture des relations diplomatiques avec le Vatican en mai 1904 et interdiction totale d’enseigner aux congrégations en juillet 1904.

De la laïcité

Les fondements théoriques de la loi de 1905 viennent essentiellement des planches et du travail en loges des Frères du Grand Orient de France, obédience majoritaire en France, largement athée ou agnostique, très influente chez les radicaux et radicaux-socialistes de la IIIe République.

Mais cette loi promulguée le 9 décembre 1905 [1] n’est pas une loi d’exclusion et de mise au ban des catholiques. Sa première phrase est : « La République assure la liberté de conscience ». C’est aussi cette introduction qui lui vaudra le soutien total des protestants et des juifs [2]. Par ailleurs, la République ne reconnaît, ne salarie ni de subventionne aucun culte. La loi de séparation contient donc des dispositions libérales : respect de la liberté de conscience, du libre exercice des cultes et de l’organisation interne des religions. Désormais être adepte d’une religion ou être athée relève d’un choix individuel. Il ne doit pas non plus être demandé de service public aux différents cultes et les services publics de l’État ne doivent porter aucune marque de caractère religieux. Le Vatican menace d’excommunier les députés et sénateurs qui ont voté la séparation. La belle affaire pour la plupart ! Ce n’est qu’en 1923 que la hiérarchie catholique française va accepter la laïcité, mais pour mieux se ranger à 80% derrière Pétain. En 1946, la constitution de la IVe République qualifie la France de « République laïque » et indique que l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l’État. C’est d’ailleurs sur le terrain scolaire que les milieux cléricaux tentent encore de nos jours de saper la laïcité.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Votée à l’Assemblée nationale par 341 voix contre 233 et au Sénat par 181 contre 102.

[2Ce qu’il reste des protestants après l’exil de dizaines de milliers d’entre eux après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, se divise en deux courants : calvino-swingliste et luthérien, réunifiés en 2013. A l’époque la communauté juive est très majoritairement ashkénaze. La minorité séfarade est constituée des « Juifs du pape », et de ceux venus d’Italie, d’Espagne et du Portugal. Les Séfarades deviendront majoritaires en France à l’indépendance du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie.

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