1914-1918 : taxer les profiteurs de guerre

Histoire par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Fabrique de canons Krupp en 1915.

Dans toutes les guerres, certains en profitent pour s’enrichir, tels les marchands de canons. Ils ne sont pas les seuls. Durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a décidé de taxer les super bénéfices engrangés par les plus riches.

Quand ils partaient en permission les poilus étaient scandalisés par l’enrichissement des « planqués de l’arrière ». Dès le 17 février 1915, La Dépêche s’en fait l’écho : Pourquoi en certains endroits, des soldats exténués de fatigue ont-ils dû payer un litre de vin un franc cinquante ?  [*]. Les plus politisés dénoncent ouvertement les marchands de canons. L’Humanité l’évoque aussi, d’autant que les députés socialistes proposent un projet de loi à la Chambre des députés pour taxer les profits de guerre mi-1915. Le gouvernement va finir par déposer un projet de loi en janvier 1916. L’Italie a déjà pris une telle mesure, ainsi que le Royaume-Uni. La France et l’Allemagne suivront à l’été 1916.

Le 1er juillet 1916, les députés français votent une loi qui institue une contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre. La loi permet alors de taxer les gains des industriels qui ont bénéficié des marchés de guerre du ministère des Armées, mais aussi ceux des intermédiaires, des commerçants, grossistes et financiers qui s’en mettaient plein les poches. La loi parle même d’intermédiaires à l’affût et de courtiers peu scrupuleux. La loi du 1er juillet 1916 impose une surtaxe de 5 % à 30 %. Mais devant une opinion publique scandalisée et les premiers mouvements de rébellion dans les tranchées, la loi du 31 décembre 1917 fait passer le taux entre 50 % et 80 %.

Une forte résistance patronale

Le patronat, avec l’aide des députés de droite, combat l’obligation de déclaration écrite et le contrôle de l’administration fiscale, allant jusqu’à déclarer qu’il s’agit d’une  inquisition insupportable. Pire encore dans le cynisme, les patrons se déclarent indignés de payer plus d’impôts alors que certains y échappent, comme les paysans et les ouvriers des arsenaux. Les premiers sont la chair à canon des tranchées et les seconds (hommes et femmes) produisent les armes de la défense du pays !

Ainsi, un député de droite, le marquis de Dion, fondateur de la firme automobile de Dion-Bouton, parle de cette loi comme inquisitoriale et vexatoire. Finalement, 70 000 contribuables seront impactés dans le département de la Seine, 16 000 dans celui du Rhône, 14 000 en Seine-Inférieure, 13 400 dans les Bouches-du-Rhône. Et cela n’aurait rapporté que 800 millions de francs quand les emprunts de guerre s’élevaient à 32 milliards.

 

Alfred Krupp, 1812-1887
Le nom de Krupp est synonyme de marchand de canons. Sidérurgiste allemand, patron paternaliste, il construit dès 1843 le premier fusil en acier. En 1847, il produit les premiers canons en acier forgé et devient deux ans plus tard le fournisseur officiel de l’armée prussienne, lui permettant ainsi de battre les Danois, les Austro-Hongrois puis les Français en 1870.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération