2008-2011, niveau de vie en baisse pour un Français sur deux

Revenus par Mathieu Lapprand

Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, les 50% de Français les plus pauvres ont perdu de 120 euros à 390 euros de revenus annuels jusqu’en 2011. Pendant ce temps, les 10% de la population les plus riches ont gagné 1 795 euros.

Si l’augmentation des inégalités, depuis le début des années 1990, était alimentée par la hausse continue des hauts revenus, dorénavant ce sont les plus pauvres qui décrochent. C’est le constat dressé par l’Observatoire des inégalités (www.inegalites.fr) sur la base de l’enquête « Revenus des français », réalisée par l’Insee. Depuis quarante ans, les indicateurs de l’institut de statistiques montrent un recul des inégalités entre 1970 et le début des années 1990, puis une reprise forte de ces inégalités sur les quinze dernières années et plus particulièrement dans la dernière décennie.

Le niveau de vie est calculé en rapportant l’ensemble des ressources d’un foyer (impôts déduits) au nombre d’unités de consommation du ménage (les membres de ce foyer –le modèle est similaire à celui du foyer fiscal). La période 2001-2011 aura ainsi vu les revenus des 10% des Français les plus pauvres augmenter en moyenne de 0,9%, tandis que les 10% les plus riches auront bénéficié d’une hausse de 16,4% de leur niveau de vie. L’écart de revenus entre les deux déciles extrêmes a donc augmenté de 12,1%. Le reste de la population, sur la même période, a perçu une augmentation entre 6,6% et 9,7%.

Mais depuis le début de la crise, ce ne sont plus seulement les 10% les plus pauvres qui sont exposés à des baisses de revenus, mais bien la majorité des Français. Le niveau de vie médian en 2008 était de 19 700 euros par année. Ce niveau est descendu à 19 600 euros en 2011 (Insee Première, septembre 2013). Pour les 40% de la population les plus pau-vres, les baisses du niveau de vie constatées vont de 300 euros à 390 euros, soit de 25 euros à 33 euros par mois pour des revenus inférieurs à 1 400 euros par mois.

« Un moteur majeur des tensions sociales »

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié le 5 février dernier son baromètre annuel de suivi de l’évolution de l’opinion des Français à l’égard de la santé, de la protection sociale et des inégalités sociales. Il montre que « les Français perçoivent de plus en plus la montée des inégalités sociales » : 90% des Français estiment que les inégalités ont augmenté ces cinq dernières années, contre sept sur dix en 2000. Selon ce baromètre, 42% des personnes consultées estiment que ce sont les inégalités de revenus qui sont les plus répandues et que les inégalités d’accès aux soins sont les plus inacceptables (22%), devant les inégalités de revenus (19%) et de logement (16 %).

L’Observatoire des inégalités indique que « la situation s’est probablement dégradée depuis 2011 du fait de la progression du chômage ». Et l’association de s’alarmer des conséquences dramatiques de ces évolutions : « On passe d’un régime de progrès mal partagé à un régime au sein duquel les différentes catégories sociales s’éloignent les unes des autres. Cela est très différent et constitue un moteur majeur des tensions sociales. »

Une analyse qui rejoint celle développée par Force Ouvrière, pour qui l’accroissement des inégalités gangrène le pacte républicain sur lequel repose la société française.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante