Bis repetita ? Dès le 3 septembre, l’exécutif a annoncé la couleur par la voix de la Première ministre : la procédure du 49.3 pourrait être utilisée certainement
pour faire passer les projets de lois budgétaires qui seront présentés fin septembre. Cela comprend le projet de loi de finances (pour le budget de l’État) pour 2024 (qui sera présenté le 27 septembre) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) jusqu’en 2027, fixant notamment le niveau de déficit public jusqu’à cette date, et rejeté l’an dernier par le Parlement, pourrait aussi être concerné à l’automne.
L’utilisation comme l’an dernier de cet article constitutionnel sur des textes budgétaires (le gouvernement l’a utilisé dix fois en 2022 pour les projets de lois budgétaires de 2023, sans compter le 49.3 utilisé pour faire passer la réforme des retraites adossée à un PLFRSS), permet au gouvernement qui engage alors devant l’Assemblée sa responsabilité (au risque de l’adoption d’une motion de censure) de mettre fin aux débats et de faire adopter un texte sans vote. On ne peut pas laisser un pays sans budget
a tenté d’argumenter début septembre le nouveau ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, concédant l’absence de majorité absolue à l’Assemblée.
En ce début septembre, le ministre rappelait la recherche en cours d’économies dans les comptes publics, cela à hauteur de dix milliards d’euros en 2024… Ce serait moins que prévu initialement (quinze à seize milliards d’euros « identifiés ») pour cause de bonnes nouvelles sur le plan macroéconomique
. Mais retournement de situation : le 14 septembre, le gouvernement est revenu sur ses propres annonces, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, remettant en selle la recherche d’économies à hauteur de 16 milliards d’euros.
Une croissance très incertaine
Estimée à 1% par le gouvernement, la prévision de croissance sur 2023 sera en réalité de 0,9% a d’ores et déjà indiqué l’Insee qui précisait le 7 septembre que fin 2023, l’acquis de croissance pour 2024 serait modeste
. Le gouvernement qui comptait bâtir le projet de loi de finances sur une prévision de croissance de 1,6% du PIB en 2024 vient d’ores et déjà de réviser cette estimation à la baisse, à 1,4%.
Ces dernières semaines, l’Insee a alerté aussi sur un contexte fait d’incertitudes à l’orée de 2024. L’inflation va certes refluer mais moins vite qu’annoncé et rester forte. Exemple pour l’alimentaire, domaine qui en décembre serait encore de 7,1% d’inflation sur un an quand l’inflation sur l’énergie serait à 7,3%. L’inflation globale serait de 4,2% en décembre sur un an, 5% sur l’année 2023. … Conséquences de ces hausses des prix qui s’affirment depuis deux ans : des reculs de la consommation des ménages, le moteur de la croissance. En juillet la consommation alimentaire des ménages a reculé ainsi de 0,9% et les autres domaines de consommation restaient atones. En matière de prix de l’alimentaire, le gouvernement, indique le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, demande aux industriels de jouer le jeu de la baisse des prix
. En vain globalement pour l’instant.
La montée en flèche des recettes de la TVA, cet impôt proportionnel, donc injuste, qui pèse sur toute achat, donne une idée du poids de l’inflation sur les dépenses des ménages. En 2022, par l’envolée de l’inflation, les recettes brutes de la TVA s’établissaient à près de 273 milliards d’euros, en hausse de 30 milliards d’euros par rapport à 2021. La TVA a représenté pour le budget de l’État un apport de recettes à hauteur de 171 milliards d’euros, soit dix-neuf milliards de plus qu’en 2021. L’inflation c’est un impôt sur les pauvres
lançait début septembre Bruno Le Maire.
Des ménages très inquiets de la situation
Derrière cette formule qui se veut choc, la réalité des travailleurs modestes, actifs ou retraités, qui ont de plus en plus de mal à faire face à leurs dépenses par leurs salaires, pensions et minima sociaux. Des travailleurs qui revendiquent donc plus que jamais avec FO des revalorisations substantielles, notamment par un coup de pouce au Smic, par l’ouverture de négociations dans les branches et les entreprises, par l’activation des clauses de revoyure, par la remise en place de l’échelle mobile des salaires, par la hausse des pensions et une revalorisation massive des minima sociaux, par l’arrêt de réforme (Assurance chômage, retraites…) qui abaissent les droits. Mais le gouvernement est pour l’instant resté sourd aux demandes auxquelles il pourrait apporter une réponse, entre autres concernant le Smic ou encore la demande de conditionnalité de l’aide publique aux entreprises à des retours en matière d’emploi et de salaires. Tandis que cette aide publique, faite entre autres d’allègements de cotisations sociales et autres crédits d’impôts, est estimée à 165 milliards d’euros par an.
Le gouvernement, en revanche n’hésite pas à tailler dans les droits des travailleurs, traquant toute source d’économie, même minime. A titre d’exemple, cet été, par une circulaire du 25 juillet, il a fait connaître sa décision de supprimer en 2024 les chèques vacances aux retraités modestes de la fonction publique de l’État. Décision que la fédération générale des fonctionnaires FO conteste.
Alors que le gouvernement montre sa volonté d’un axe d’austérité sur la dépense publique en 2024, l’Insee alerte concernant un climat des affaires s’est dégradé, tout comme celui de l’emploi et tout comme la confiance des ménages lesquels sont donc aux prises avec l’inflation. L’indicateur d’opinion des ménages est ainsi toujours très inférieur, et même historiquement inférieur, au niveau qu’il avait entre 1987 et décembre 2022. Indicateur qui ne cesse de reculer depuis la fin de la pandémie.
Les ménages qui se déclarent inquiets sur l’avenir de leurs finances personnelles et inquiets de l’évolution de l’inflation (la fin du bouclier tarifaire sur les énergies participe inquiétude) estiment que ce n’est pas le moment de faire des achats importants. Ils soulignent encore leurs inquiétudes concernant le niveau de vie futur en France et marquent aussi leurs craintes sur les perspectives d’évolution du chômage
. Ce positionnement qui s’ancre fait craindre un impact persistant sur la consommation et donc sur la croissance. Donc par effet retour, sur l’emploi, les salaires…
Fiscalité des entreprises : Toutes les promesses ont été tenues
C’est dans ce contexte national, —avec en toile de fond un contexte international difficile
notamment économique, reconnaît Bruno Le Maire—, que le gouvernement au nom d’un désendettement à marche forcée d’ici 2027 et du recul du déficit public à 2,7% du PIB à cette date (4,4% en 2024), a d’ores et déjà annoncé la couleur budgétaire à venir. Baisse de la dépense publique à tous les étages (État, sécurité sociale, collectivités territoriales) mais poursuite de la baisse de la fiscalité, notamment celle des entreprises. A rappeler encore que la règle européenne inhérente au Pacte de stabilité et de croissance, fixant notamment un seuil maximum au déficit public, soit 3% du PIB (et la dette à 60% du PIB), devrait faire son retour —modifiée ou non— en 2024.
L’objectif explique Bruno Le maire est donc de réaliser des économies sur la dépense publique tout en réindustrialisant et en visant de devenir la première puissance décarbonée en Europe
. Le gouvernement prévoit entre autres de modifier la fiscalité en matière d’énergie fossiles, soit une suppression des avantages fiscaux, dont certains aux ménages. Les entreprises auraient des incertitudes, notamment quant à la suppression totale de l’impôt de production CVAE (repoussé à 2027 contre une suppression en deux temps sur 2023-2024) ? Qu’elles soient rassurées, appuie Bruno Le Maire. Ces inquiétudes sont inutiles quand depuis 2017, On n’a fait preuve d’une telle constance y compris pendant la crise covid sur la baisse des impôts des entreprises. Toutes les promesses ont été tenues
. Effectivement. La fiscalité des entreprises a reculé de dix milliards d’euros en cinq ans. Quant à la CVAE, après sa suppression partielle (soit quatre milliards d’euros cette année), une suppression progressive aurait lieu d’ici 2027 avec une baisse d’un milliard d’euros dès 2024. Le reste (environ 3,5 milliards d’euros) d’ici 2027.
L’appui des réformes structurelles à l’austérité
Contraste… S’il se défend de toute axe d’austérité en 2024, les pistes d’économies envisagées y font toutefois fortement penser ! A titre d’exemples... Baisse de crédits (4,8 milliards d’euros) pour les missions du budget général de l’État, suppression de 15 000 contrats aidés, économies dans le domaine de la Santé (a priori à hauteur de 1,5 milliard d’euros)... Déjà, les arrêts maladie que le gouvernement juge trop nombreux et trop coûteux sont visés, les montants des franchises médicales (sur les médicaments et consultations) sont menacés d’un doublement, l’Ondam hospitaliser (plafond de l’évolution des dépenses) se situerait autour de 3% quand les acteurs de la santé évaluent la hausse nécessaire à 5% minimum... Visant une réduction drastique de la dépense publique, le gouvernement fait savoir encore qu’il compte s’appuyer sur les économies induites par la réforme sur l’assurance chômage et celle sur les retraites et poursuivra les réformes structurelles (emploi, logement). Une austérité que FO ne peut accepter.