21 septembre : la détermination s’exprime

Retraite par Valérie Forgeront, Evelyne Salamero

© F. BLANC
Article publié dans l’action Réforme des retraites, FO dit stop !

Au cœur du cortège et du rassemblement FO le 21 septembre à Paris : des jeunes, des moins jeunes, des retraités, des salariés du public ou du secteur privé… Ils étaient 15 000 venus dire Stop à la réforme des retraites. Paroles de manifestants.

Martine, Vivianne, Michel, Jean-Louis : « tout est injuste dans ce projet »

Ils défilent ensemble, derrière la banderole de leur Union départementale FO, l’Isère. Martine, 57 ans et Viviane, 44ans sont institutrices. Michel, 62 ans, travaille dans le secteur de la formation professionnelle. Jean-Louis, 63 ans est retraité, ancien professeur des écoles. Françoise, 70 ans est elle aussi retraitée, ancienne institutrice. Tous le clament d’une même voix : « tout est injuste dans le projet » de réforme des retraites pour l’instant présenté. « Quel est le sens de concevoir un même système, universel par points, pour tout le monde alors que tous les corps de métiers sont différents avec des spécificités et contraintes différentes ? » Ces militants pestent contre un projet truffé « d’incertitudes » mais qui par les grands axes déjà dévoilés à travers le rapport du Haut-Commissaire, Jean-Paul Delevoye, leur laisse à penser que « le but d’amener à un recul du niveau des retraites mais aussi à un rôle de plus prégnant des fonds de pensions dans la retraite ». Qu’ils soient actifs ou retraités, ces cinq militants redoutent la disparition de la solidarité jusqu’à présent inhérente au système des retraites. « Par le système universel par points, il est à craindre que les personnes qui ont eu des accidents de la vie ne puissent faire valoir leurs droits sur la base d’une carrière complète ! »

Nicolas et Sylvain : « nous aussi on va se battre » pour les retraites

Nicolas, 36 ans et Sylvain, 40 ans, chacun père de jeunes enfants, sont salariés du secteur de la métallurgie en Loire-Atlantique, à Saint-Nazaire. Nicolas travaille chez Figeac Aéro, Sylvain, chez Airbus. Ce 21 septembre, ils sont venus grossir les rangs de la manifestation FO avec d’autres camarades de Loire-Atlantique. « Ce projet de réforme des retraites constitue le dossier essentiel de l’année » au plan social et syndical insiste Nicolas et « il faut que le gouvernement recule ». Faut-il encore discuter du projet de réforme avec le gouvernement ? « Je pense qu’il faut y aller mais avec un vrai cahier de revendications. La CFDT, elle, accompagne le projet » déplore Sylvain. « Mon père s’est battu pour le système de répartition… Nous aussi on va se battre pour préserver ce système. Il faut que tout le monde s’en sorte et puisse dans l’avenir avoir une retraite qui permette de vivre ». Nicolas et Sylvain fustigent un projet de réforme assorti « d’incertitudes. Pour l’instant on ne sait pas du tout ce qu’il en serait du niveau des retraites ». Quel que soit le système appuie Nicolas « allonger la durée de cotisation pour la retraite n’est pas une bonne solution ». Alors qu’il a « commencé à faire des simulations pour ses droits à la retraite avec le système actuel », celles affichées par le rapport Delevoye dans le cadre du projet de réforme sont douteusement « très optimistes » face à d’autres simulations, « pessimistes », émanant d’un collectif indépendant en lien très étroit avec FO. Sont-ils inquiets pour l’avenir des droits à la retraite de leurs enfants ? Certes mais « comment saurait-on aujourd’hui ce qu’il en sera de la vie et des droits dans 50 ans ! Actuellement, les jeunes de 18-25 ans sont persuadés qu’ils n’auront pas de retraite. Ils sont pessimistes. C’est bien sûr navrant. La diminution des droits à la retraite c’est le chemin que prennent toutes les sociétés aux politiques ultra-libérales ». Or, pour Nicolas et Sylvain, il faut prendre un chemin inverse et donc défendre les droits des salariés.

Céline, à 72 ans la dame de cœur se mobilise

Céline, 72 ans, fonctionnaire retraitée de la Poste, habite Meulan en région parisienne. Ce petit bout de femme, pétulante, travaillait au sein d’un magasin d’approvisionnement de La Poste. Elle a progressé dans sa carrière en passant explique-t-elle « plein de concours ». En retraite depuis l’âge de 60 ans, cette ancienne adhérente FO perçoit une pension de 1208 euros brut ou 1112 euros net. Une fois ôtés le loyer (623 euros pour 23m2), les charges pour l’énergie et autres dépenses contraintes… « Il me reste pour vivre entre 360 et 380 euros par mois ». Celle qui a fui très jeune la Pologne confie, attristée, « ma retraite ne me permet pas de payer une cotisation syndicale. Chaque mois, tout est calculé au centime près ». Céline qui vit sans internet et sans TV se tient au courant de tout et en particulier des combats sociaux. « En 1995, j’avais fait grève pour la défense de la Sécurité sociale, j’y ai laissé un mois de paie. » Depuis elle a participé à de nombreuses autres manifestations dont celles de protestation à la loi Travail (loi El Khomri). En décembre dernier, alors qu’éclate une forte contestation sociale, Céline manifeste. Elle est encore sous le choc de « tant de misère vue dans les rues de Paris… ». L’actuel projet sur les retraites, elle le combattra. Pour la retraitée « ce projet par points, ce n’est que de l’injustice ! Comment feraient les personnes qui vivent déjà dans la précarité ? Elles plongeraient encore davantage dans les difficultés ? ». Céline qui sait ce que vivre chichement veut dire ne peut accepter le discours de certains libéraux consistant à faire de la capitalisation la solution à venir pour que chacun se construise sa propre retraite. « Les plus riches le peuvent mais pas les autres, les modestes, les pauvres. C’est un très gros effort la capitalisation et comment fait-on quand on n’a pas un sou ? Prôner le système de la capitalisation cela veut dire que l’on accepte de faire un tri entre les gens. D’un côté les riches, de l’autre les pauvres. C’est tout sauf de la solidarité et c’est inacceptable ». Et la retraitée qui ne mâche pas ses mots en appelle au bon sens, message en direction des faiseurs de projets de tout poil… « Il faut savoir que tout le monde n’a pas un gros salaire ou ne travaille pas dans les start-up modernes… Et quoi qu’il en soit, dans notre société, il faut des gens pour planter des patates, aussi ! »

Fabienne : « on ne peut accepter une précarité des droits »

Fabienne, 40 ans, est aide-soignante depuis 2009 dans un hôpital du Lot-et-Garonne. Ce 21 septembre elle manifestait à Paris ses inquiétudes quant au projet de réforme des retraites. Des inquiétudes alimentées aussi par la nouvelle loi de transformation de la Fonction publique qui fait la part belle au recrutement exacerbé de contractuels et créé la possibilité des ruptures conventionnelles à l’instar du système en vogue dans le privé. « Si on écoutait le gouvernement, bientôt il n’y aurait plus de fonctionnaires. On comprend qu’il essaye de nous virer par tous les moyens. Comment sera-t-il possible alors à l’avenir d’afficher une carrière complète ? » Pour Fabienne le projet sur les retraites consistant pour le secteur public à prendre en compte pour le calcul non plus les six derniers mois de la carrière mais les 25 dernières années « relève d’une injustice totale ». Craint-elle un recul des droits à la retraite pour les générations futures ? « Déjà notre génération s’interroge, alors celle de nos enfants… C’est pire » lance-t-elle. « On ne peut accepter une installation de la société dans la précarité des droits, du niveau de vie... Ce n’est plus possible. Déjà c’est malheureux de constater que certaines personnes qui ont travaillé tout leur vie ne perçoivent actuellement que quelques centaines d’euros de retraite. Qu’en serait-il alors avec ce projet ? »

Murielle : « je ne veux pas travailler jusqu’à 70 ans »

Murielle travaille à Marseille (Bouches du Rhône) au Conseil départemental. Fonctionnaire, militante FO, elle est née en 1965 (54 ans) et a commencé à travailler à 17 ans. « Et je n’ai pas envie de travailler jusqu’à 70 ans ! », c’est ce que lui fait craindre le projet présenté de réforme des retraites. « Par ce projet, les femmes risqueraient encore d’être les plus pauvres car ce sont toujours elles qui sont le plus touchées par des carrières hachées » déplore la militante soucieuse aussi des droits des ceux qui vont venir en matière de retraite. « Je m’inquiète pour mon fils. Aura-t-il une retraite ? » Murielle l’affirme haut et fort « oui bien sûr il faut combattre ce projet » et d’ailleurs elle « regrette que d’autres syndicats n’aient pas manifesté avec FO ce 21 septembre ».

Sabrina, Sovatha, Serge, Maxime : « tous ensemble on est plus fort »

Ils sont venus de Bordeaux (Gironde). Sabrina, 38 ans, Sovatha, 40 ans et Serge 46 ans sont collègues. Ils travaillent chez Enedis (ex ERDF et filiale d’EDF) Ils manifestent avec Maxime, le benjamin du groupe du haut de ses 27 ans. Lui travaille chez GRDF (gaz réseau distribution France). Dans le projet pour une réforme des retraites, tous les éléments les inquiètent. « La valeur du point, l’histoire de l’âge pivot… Alors 62 ans, 64 ? 65 ? Il n’y a que du flou des incertitudes dans ce projet mais on sent bien que ça serait une réforme pour amener les droits vers le bas ! » Pour ces quatre militants FO, les ingrédients présentés pour ce projet constituent une « trahison par rapport au contrat social actuel sur les retraites ». Par ailleurs s’insurgent-ils au plan des discussions avec le gouvernement « il n’est jamais plus question de négociations mais de concertation. C’est un gros problème ! » Ces travailleurs du secteur de l’Energie affirment leur détermination. « Nous sommes prêts à faire grève et s’il faut, à agir sur la production » indique Serge souhaitant une extension de la contestation contre le projet sur les retraites. « Il faut une convergence des métiers. Tous ensemble on est plus fort. Le peuple c’est nous et on ne peut se laisser imposer un projet qui détruirait nos droits ». Maxime, le plus jeune du petit groupe est tout aussi déterminé. « Ce projet est aberrant alors il nous faut défendre ce qui a été conquis par les anciens. S’il faut faire grève, je ferai grève et je tiendrai pour gagner, pour préserver nos droits ! »

Alain, 63 ans : « prêt à me mobiliser, encore »

Alain est venu de Calais (Pas-de-Calais). A 63 ans, intermittent du spectacle à la retraite et militant FO, il tient à bout de bras une pancarte sur laquelle il a écrit son message à la jeunesse : « futurs retraités, rejoignez les manifs avant de vous faire définitivement plumer ». Le projet sur les retraites, il le déplore. Père d’une fille de 32 ans, il s’inquiète pour elle, pour ses droits. « On ne sait pas du tout où l’on va pour l’instant avec ce projet » lance Alain. « Je suis prêt à me mobiliser encore ». Pour celui qui perçoit actuellement 1400 euros par mois de retraite et qui murmure-t-il « doit vivre dès le 22 du mois avec ce qui reste, 50 euros » il faut « parvenir à fédérer, ne rejeter personne et qu’il y ait plusieurs syndicats à s’opposer à ce projet comme FO le fait. Quoi qu’il en soit, il faut continuer à se battre tant que l’on a pas obtenu le retrait du projet ».

Claire, Jérémy : « on a lancé des opérations d’informations sur les marchés »

Claire, 45 ans, travaille dans un magasin La Halle. Jeremy, 39 ans, est salarié de l’Afpa (formation professionnelle). Tous les deux, militants FO habitent Valence dans la Drôme. Le projet de réforme des retraites ils le contestent et fermement. « On ne peut accepter qu’au final l’âge de départ à la retraite soit repoussé, encore. Quant à une pseudo-égalité entre salariés induite par une telle réforme, ce qu’affiche le gouvernement, comment y croire ? Une telle réforme augmenterait au contraire les inégalités. Le fossé entre riches et pauvres se creuserait. Et que dire en cas d’accident de la vie pour un salarié ! » Pour Claire et Jéremy, « alors qu’il n’existe plus de carrières linéaires, créer un tel système par points équivaut au système marche ou crève ». Dans le cortège, ces deux militants « regrettent qu’il n’y ait pas pour l’instant une vraie unité syndicale dans le combat contre ce projet alors qu’il y a en revanche une unité au sein de FO ». Claire, venue avec sa fille, adolescente, se dit « prête à faire une grève longue pour les retraites. Ces dernières années, j’ai déjà fait plusieurs grèves, dont contre la loi El Khomri alors… Le combat pour la retraite, c’est tout aussi important. Et puis la défense des droits à la retraite, c’est aussi celle de notre salaire différé ». Inquiétude, pointe d’humour face au projet retraite… « Je ne voudrais pas que ma fille ait à me nourrir un jour » lance Claire. Alors Elle et Jérémy ont déjà commencé à agir. « Nous avons réalisé des opérations d’informations sur les marchés, à Valence mais aussi à l’échelon des unions locales FO du département. Des discussions, des tracts… On communique et on communique encore au plus près de la population pour informer les gens sur ce que l’on sait déjà du projet et de ses dangers ».

Nathalie : « je suis prête à faire grève le temps qu’il faudra »

Nathalie, 46 ans, travaille près de Valenciennes (Nord), dans la métallurgie. Pour elle, il ne fait aucun doute qu’il va être dur, « très, très, très dur », de faire reculer le gouvernement. Mais, elle est prête à aller à la grève, « le temps qu’il faudra, on mangera des pâtes, ce n’est pas grave ça ». Aujourd’hui, la gravité des choses est ailleurs : « On ne connaît plus notre avenir. Avant on se disait “je travaille encore quinze ans, vingt ans et j’aurai ma retraite“. On savait à quoi s’attendre, combien on aurait de pension. Maintenant, on ne sait plus combien de temps on va travailler et, pire, on ne sait même pas si on aura de quoi vivre au bout, et même si il y aura quelque chose, parce que nous ça passera peut-être encore, mais nos enfants, ils vont vivre dans la misère. Alors oui, je suis prêtre à continuer à me battre jusqu’au bout. » Après un instant plongé dans ses pensées, elle ajoute : « je pense aussi à nos aïeux qui se sont battus pour nous et qui ne se sont pas dit “oh ben ça ne marche pas, on arrête“. Ils se sont battus à mort, donc on doit faire la même chose. »

Maxime, Jérémy et leur mère : « Il faut s’y prendre aujourd’hui »

Ils sont jeunes, très jeunes, mais portent déjà la banderole de la Savoie, aux côtés de leur mère. A la question « vous êtes venus pour soutenir votre maman ou parce que vous vous sentez concernés ? », Maxime, 15 ans, en apprentissage, répond d’abord timidement, mais très honnêtement : « un peu des deux. On est là aussi pour notre futur. » Il ne sait pas encore vraiment ce qu’il veut faire plus tard, confie-t-il, ni s’il trouvera facilement un emploi, mais il sait déjà très bien qu’il n’aura peut-être pas de quoi joindre les deux bouts quand il sera vieux. Son grand frère, Jérémy, 18 ans, en bac pro, complète : « Le droit à la retraite ça commence tôt. Il faut s’y prendre aujourd’hui pour préparer notre avenir après notre emploi. Beaucoup de choses, de lois, changent en ce moment, pas forcément dans le bon sens. » C’est en chœur, qu’ils répondent un grand « Ah oui ! » quand on leur demande s’ils sont prêts à rester mobilisés. Leur mère, 46 ans, est infirmière depuis vingt ans, en Ehpad. Elle confirme que la détermination est intergénérationnelle : « Les conditions sont très difficiles donc la question de la retraite ça pèse encore plus, alors oui, il va falloir continuer à se battre, parce que sinon on va finir par travailler en déambulateur ! ».

Régis : « l’union fait la force, ce n’est pas nouveau »

Régis, 45 ans, père de trois enfants, est délégué syndical FO chez Kéolis Bordeaux Métropole (transport urbain). « Nous sommes là aujourd’hui pour défendre nos régimes de retraite, contre tout ce que le gouvernement est en train de mettre en place, parce qu’on pense aussi, surtout, à nos enfants, pour qu’ils ne se retrouvent pas à devoir aller travailler à soixante-dix ans. », explique-t-il. Le militant ajoute : « Bien sûr, il va falloir d’autres mobilisations que celle-ci. Aujourd’hui FO manifeste, la CGT appelle mardi prochain. J’espère que cela va déboucher sur une mobilisation plus grande encore, l’union fait la force, ce n’est pas nouveau. »

Anne-Marie : « je ne veux pas transmettre un monde moins bon que celui dont j’ai hérité »

Anne-Marie, 58 ans, enseignante, grand-mère depuis peu, manifeste derrière la banderole de l’union départementale FO du Gard. Elle qui n’est pas directement concernée par l’actuel projet de réforme, n’en tenait pas moins à être présente. « Je veux dire aux jeunes que je ne souhaite pas leur transmettre un monde qui soit moins bon que celui dont moi j’ai hérité, un monde qui me semblait avoir des valeurs de solidarité entre les générations, dans lequel on reconnaissait aussi les spécificités de chaque travail. », explique-t-elle. Et elle ajoute : « Cet individualisme vers lequel on dirige notre société et les jeunes générations me semble devoir se retourner tôt ou tard. En attendant, Je suis là pour faire un relais. »

Margot : « Il faut se battre pour garder çà, au moins çà »

Margot, 27 ans, agent d’entretien de la ville de Marseille et sa collègue ont la voix cassée à force de slogans, mais n’en répondent pas moins volontiers aux questions. « J’ai peur de ne pas avoir de retraite à la fin de ma carrière et je n’ai pas encore d’enfants, mais je compte en avoir et pour eux aussi j’ai peur, bien qu’ils ne soient pas encore là. Et j’ai des nièces, des neveux, et ils comptent aussi », confie Margot. « Je recommencerai autant de fois qu’il le faudra. Je serai là chaque fois. », dit -elle. Sa copine est tout aussi sûre d’elle : « on manifestera et on fera grève autant qu’il le faudra. Si on laisse faire, nous, la retraite, on n’en aura pas, jamais. Donc il faut se battre pour garder nos acquis. Nos grands- parents se sont battus pour les avoir. Il faut garder ça. Au moins ça. »

 

Le 21 septembre 2019 à Paris, pour sauver les retraites et contre le projet de réforme des retraites. Photos : F. Blanc

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Dans l’action Réforme des retraites, FO dit stop !