Le passage en force du 49.3 pour adopter la réforme des retraites, le discours d’Emmanuel Macron sur France 2 et TFI le 22 mars banalisant la contestation et demandant en substance aux syndicats de tourner la page aura ravivé la colère des militants dans la France entière. Mobilisation énorme
, monde impressionnant
, en province, ces mots revenaient en boucle chez les militants FO ce 23 mars en cette 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
Là où l’exécutif mise sur l’essoufflement, c’est l’inverse qui s’est produit. Dans les grandes, moyennes ou petites villes, les manifestations intersyndicales ont battu des records : 280 000 à Marseille, record « historique » à Bordeaux avec 110 000 manifestants, 75 000 à Lille. Ou encore 40 000 à Caen, 15 000 à Reims et à Périgueux, et même 2500 manifestants à Privas en Ardèche… A Nantes, FO a recensé 80 000 manifestants, soit plus que le 7 mars.
Il y a eu énormément de monde dans les rues de Nantes, ça débordait de partout !
apprécie Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD FO de Loire-Atlantique. On sent que la colère est là, particulièrement depuis le recours 49.3 pour faire passer le texte. Le discours arrogant d’Emmanuel Macron a mis de l’huile sur le feu. Il ne veut pas reculer sur cette réforme ? Les salariés ont réagi en manifestant massivement
analyse-t-il. Dans le cortège nantais, les agents de la centrale de Cordemais (80 % de grévistes) ou les salariés de l’entreprise Manitou, grévistes de la première heure étaient présents.
Même écho à Marseille : le cortège était impressionnant, il y a eu encore plus de monde que le 7 mars dernier. Il a fallu attendre plus d’une heure avant de pouvoir démarrer !
témoigne Franck Bergamini, secrétaire général de l’union départementale FO des Bouches-du-Rhône. En dehors des salariés du privé et des industries électriques et gazières, d’autres agents du secteur public ont grossi les rangs à Marseille, comme le syndicat de Cerema, établissement sous tutelle du ministère de la Transition écologique. Comme Michel Le Roc’h, Franck Bergamini estime que l’intervention d’Emmanuel Macron n’a fait qu’attiser la colère des manifestants, face au mépris
du chef de l’État.
Etudiants et salariés non syndiqués entrent de plus en plus dans la danse
Après trois mois de contestation massive demandant le retrait de la réforme des retraites, le recours au 49.3 pour faire passer le texte ne passe décidément pas. Et dans toutes les régions. Dans le Finistère, malgré un temps maussade, le nombre de manifestants a bondi : 30 000 à Brest, 15 000 à Quimper. Ça monte d’un cran
observe Catherine Creach, secrétaire générale de l’UD FO du Finistère. A Brest, il y a eu encore plus d’étudiants dans le cortège. Les slogans des jeunes reflètent un fort sentiment de dégoût et soulignent mépris qu’ils ressentent de la part d’Emmanuel Macron depuis le 49.3
. A Cholet dans le Maine-et Loire, où FO a recensé 4 500 manifestants, pour la première fois, la jeunesse a rejoint le mouvement. Un lycée a été bloqué. Les organisations syndicales ont apporté du soutien, mais les jeunes ont construit eux-mêmes leur mouvement. C’est un signal fort, car ils se mobilisent habituellement peu dans notre ville !
relève Amélie Martineau, secrétaire de l’UL FO de Cholet. D’autres salariés rejoignent les cortèges. Au Mans, où 18 000 manifestants ont battu le pavé le 23 mars, le fait qu’Emmanuel Macron n’entende pas revenir sur cette réforme a agacé les gens et les a fait sortir. Nous avons eu plus de salariés non syndiqués dans le cortège
constate Loïc Boyard, secrétaire général de l’UD FO de la Sarthe. A Niort, où 15 000 personnes ont manifesté, Jocelyne Baussant, secrétaire générale de l’UD FO des Deux-Sèvres constate elle aussi de nouveaux salariés dans le cortège, des gens que je n’avais encore jamais vus en manifestation
. Pour elle, la colère gagne du terrain : La manière dont le chef de l’État s’est adressé aux gens a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il y a une colère incroyable, chez les jeunes comme chez les anciens. Un ras le bol du mépris et de l’arrogance. Tout le monde veut obtenir le retrait de la réforme !
.
Les blocages et les grèves de terrain continuent
En parallèle des manifestations monstres dans la France entière, les UD et les intersyndicales locales ont organisé d’autres actions le 23 mars : opération escargots le matin, blocage de lieux stratégiques comme à Nîmes dans les zones industrielles, ou à Lille : nous avons bloqué l’incinérateur de déchets ménagers de Roncq. Comme c’était la seconde fois de la semaine, ça a un peu agacé les forces de l’ordre qui nous ont délogés à 8 h 00. Nous sommes alors partis en opération escargot via l’A 22 et A1, jusqu’à Seclin ou nous sommes restés jusqu’à 16 h 00. Notre blocage a perturbé jusqu’à la frontière avec la Belgique !
raconte Karine Welcame, responsable de l’UL FO de Lille. A Morlaix, la voie ferrée de la gare TGV a été bloquée pendant une heure avec les cheminots. De nombreux barrages filtrants ont été organisés, notamment près de Niort, à l’entrée de l’autoroute A83, à proximité d’un centre routier. A Marseille, après la manifestation, les militants FO sont allés rejoindre les militants au dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer, en soutien aux grévistes réquisitionnés.
Loin « d’être terminé »
D’autres actions étaient prévues ce vendredi 24 mars : à Caen, FO a appelé à un rassemblement dès 7 heures en centre-ville, pour une action allant de la préfecture à l’hôtel de ville. A Marseille, l’UD des Bouches du Rhône programmait ce même jour une action dans la grande zone commerciale de Plan-de-Campagne. A Angers, si FO et son représentant à Biopole, qui traite les déchets de l’agglomération angevine, ont été contraints de débloquer le site après le référé gagnant lancé par la métropole, ce vendredi, les éboueurs entrent en grève. C’est donc loin d’être terminé
indique Catherine Rochard, Secrétaire générale de l’UD FO de Maine-et-Loire.
Après trois mois de lutte, les actions de terrain perdurent dans toute la France pour obtenir le retrait de cette réforme. Les participants sont très motivés, et prêts pour la suite des grèves et de manifestations !
prévient Gilles Besson, secrétaire général de l’UD du Gard. Un très bon signe pour la 10e journée de mobilisation du mardi 28 mars.