Quand Bercy montre que les économies cassent la croissance et l’emploi

50 milliards par Mathieu Lapprand

Selon le propre outil de simulation économique de Bercy, l’ensemble des mesures d’économies proposées par le gouvernement pour répondre aux injonctions européennes de réduction des dépenses publiques pourrait entraîner la suppression de 60 000 emplois d’ici à 2017.

La rapporteure générale du Budget, la députée du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault, a lancé un pavé dans la mare en publiant le 18 juin son rapport sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2014. Alors que les discussions parlementaires ont débuté quelques jours plus tard, le lundi 23 juin, son rapport aura donné du grain à moudre aux députés contestant la politique d’austérité à tous crins du gouvernement. Si la rapporteure déclare soutenir le gouvernement dans ses orientations de réduction des déficits par la baisse des dépenses publiques, elle met en garde ses collègues contre les effets récessifs des mesures préconisées.

Ainsi estime-t-elle nécessaire d’« articuler les mesures d’économies et les mesures de relance au cours des trois prochaines années, de manière à garantir que les effets récessifs soient suffisamment compensés pour ne pas hypothéquer la reprise économique ». Et la députée s’est procuré quelques éléments à même d’étayer son propos.

En commission des finances, le 11 juin dernier, la députée a demandé à Christian Eckert, le secrétaire d’État chargé du Budget, la transmission à la commission de simulations réalisées par Bercy sur le système Mésange (Modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie). Si le secrétaire d’État a botté en touche en séance, la députée s’est elle-même déplacée à Bercy pour y chercher l’information désirée. S’appuyant sur l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finance, Valérie Rabault a donc obtenu les simulations qu’elle souhaitait partager avec ses collègues.

« LA SUPPRESSION DE 250 000 EMPLOIS À L’HORIZON 2017 »

La rapporteure indique donc dans son rapport que « selon les prévisions établies par le ministère des Finances et des Comptes publics [...], le plan d’économies de 50 milliards d’euros proposé par le gouvernement pour la période 2015 à 2017, soit une réduction des dépenses de plus de 2 points de PIB, aurait ainsi un impact négatif sur la croissance de 0,7% par an en moyenne entre 2015 et 2017, et pourrait entraîner la suppression de 250 000 emplois à horizon 2017 ». Le même logiciel estime également, selon son rapport, que « l’impact récessif du plan d’économies sera contrebalancé par les effets positifs des mesures de relance programmées dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité et du CICE. [...] Ce pacte aurait pour effet, hors financement, de rehausser l’activité de 0,6 point à horizon 2017 et de créer 190 000 emplois ». Les propres outils dont dispose le gouvernement indiquent donc que d’ici ) à la fin du quinquennat de François Hollande, sa politique aura coûté la bagatelle de 0,1 point de croissance et 60 000 emplois. Mais au nom de la sacro-sainte réduction des déficits, on ne change évidemment pas une politique qui perd.

La députée remet sévèrement en cause les hypothèses du gouvernement concernant la consommation des ménages. Car selon ce dernier, la hausse de la consommation « serait soutenue par la baisse des cotisations salariales au niveau du Smic, par la réduction de l’impôt sur le revenu en bas de barème et par l’amélioration du marché de l’emploi, attendue à la suite des mesures d’offre prises en faveur des entreprises ». Or la rapporteure indique que cette « analyse ne prend pas en compte les effets récessifs induits par le gel du point d’indice des fonctionnaires et la non-revalorisation pendant un an de certaines prestations sociales et notamment des retraites supérieures à 1 200 euros par mois. Ce sont, en définitive, plusieurs milliards d’euros qui “manqueront” à la consommation des ménages et que ne viendront pas totalement compenser les mesures de bas de barème d’impôt sur le revenu ». Elle rappelle en conséquence « l’importance des contreparties à demander en termes d’investissement et d’emploi »... Contreparties que tant le patronat que le gouvernement ont refusé de formaliser.

C’est donc aujourd’hui des rangs mêmes de la majorité parlementaire que vient la contestation de la politique économique d’austérité. « Le temps du Parlement est venu », précisent certains députés de la majorité qui ont déposé, contre l’avis du gouvernement et de leur groupe, des amendements au collectif budgétaire. Nul doute que le rapport de Valérie Rabault sera au cœur des discussions parlementaires.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante

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