Une onzième journée de mobilisation en onze semaines, et une participation toujours puissante des travailleurs, jeunes et retraités déterminés à gagner le retrait
de la réforme des retraites, avec l’intersyndicale ! Aux journalistes qui l’interrogeaient sur l’essoufflement tant espéré par l’exécutif de ce mouvement social historique, Patricia Drevon, secrétaire confédérale FO dans le carré de tête du cortège parisien a fait une réponse sans ambiguïté, jeudi 6 avril : Est-ce qu’on peut parler d’essoufflement au bout de onze jours de mobilisation, avec deux millions de personnes dans la rue ? Ca ne s’est jamais vu !
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Un constat partagé, de Paris (400.000) à Bordeaux (60.000), de Brest (18.000 manifestants) à Toulouse (150.000) ou Mulhouse (5000), en passant par Machecoul (500), petite ville où avait lieu une manifestation pour la toute première fois.
Les 360 cortèges recensés en France, y compris dans les villes petites et moyennes, ont rassemblé à un niveau quasiment semblable au 28 mars : deux millions de personnes, selon l’intersyndicale. Et les rangs des manifestants conservent leur caractère inédit, avec une présence importante de non-syndiqués. Laquelle continue de traduire le rejet, par la grande majorité des Français, d’un recul de deux ans de l’âge de départ en retraite. Dans les cortèges FO, l’accélération du calendrier de la réforme Touraine, et la suppression des régimes spéciaux, ne passent toujours pas, non plus.
La réponse aux appels de l’intersyndicale continue de dépasser les bastions syndicaux traditionnels
Au Puy-en-Velay (Haute-Loire), où le cortège parti à 10h30 comptait 7.000 manifestants, la présence des non-syndiqués, remarquée dès le 19 janvier, est restée au plus haut ce 6 avril. Ces travailleurs viennent de petites entreprises où il n’y a pas forcément d’implantations syndicales. La réponse aux appels à se mobiliser de l’intersyndicale continue de dépasser largement les bastions syndicaux traditionnels. Ca en dit long, à la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites !
, commentait Pascal Samouth, secrétaire général de l’UD FO 43, au milieu des rangs fournis de militants FO issus du secteur privé, de la Santé, de l’Enseignement.
Même observation à Montpellier dans l’Hérault, où le cortège a rassemblé 12.000 manifestants dont 3.000 FO, avec une présence remarquée d’Unité SGP FO, des hospitaliers venus en force
mais aussi de militants des caisses de la Sécurité sociale, de Pôle emploi, du secteur privé. Les non-syndiqués sont toujours bien présents ! Ca rend optimiste. Pour le retrait, on continue !
, résumait Franck Mary-Montlaur, SG de l’UD FO 34. Ici, les demandes d’adhésion restent élevées, et souvent conclues à l’issue d’appels téléphoniques de salariés qui souhaitaient initialement savoir comment se déclarer grévistes
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A Montauban (7.500 manifestants) dans le Tarn-et-Garonne, les non-syndiqués sont particulièrement présents dans les rangs FO
, remarquait aussi Eliane Teyssié, secrétaire de l’UD FO 82, qui attribuait leur choix notamment à l’excellente playlist FO, qui ne comporte que des chansons sur les retraites, françaises, non-politisées. Ils ont beaucoup participé, chanté, crié. On a ressenti leur colère, et une grande énergie qui nous motive
, précisait la militante. Quand le cortège est passé devant la préfecture, cette détermination s’est exprimée dans la stridence du concert de sifflets, adressés aux représentants de l’État.
Soutien des Français et des petits patrons
L’accueil de la population reste inchangé aussi, appuyait la militante. De la part des passants, depuis les balcons, beaucoup d’encouragements sont adressés au cortège. Le ressentiment des Français à l’égard de cette réforme injuste ne faiblit pas
. De retour de la mobilisation d’Amiens (12.000 manifestants) dans la Somme, Jean-Jacques Leleu, secrétaire général de l’UD FO 80, faisait le même constat : Il y a une parfaite compréhension dans la population de la réforme, et des raisons de notre mobilisation. Nos explications ont porté. Ce soutien renforce la détermination des camarades
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A Toulouse (150.000 manifestants), en Haute-Garonne, Serge Cambou rappelait l’inédit de ce soutien inchangé des Français : C’est la première fois, pour une aussi longue mobilisation, que l’UD n’a reçu aucune lettre de protestation. Pas une seule depuis le 19 janvier. Même les patrons de terrain nous soutiennent
, constatait le secrétaire général de l’UD FO 31.
Dans la soirée, une enquête Fiducial-Ifop rendue publique appuyait son propos : plus de six petits patrons sur dix contestent la réforme, explique-t-elle, après avoir interrogé un millier de responsables d’entreprise de moins de vingt salariés. Et ces résultats, note-t-elle, sont similaires à ceux de l’enquête qu’elle a menée mi-mars auprès des Français : 68% s’y déclaraient opposés à la réforme des retraites.
Du jamais-vu : huit mobilisations en une journée en Loire-Atlantique
Et le mouvement se renouvelle. Ce 6 avril, Machecoul (7.500 habitants) a vu défiler ses travailleurs, et rejoint la liste des multiples communes de Loire-Atlantique se mobilisant contre la réforme des retraites. C’est la première fois que huit mobilisations sont organisées le même jour. Cette démultiplication est à la mesure du caractère historique du mouvement social contre cette réforme injuste et illégitime, contre l’attitude provoquante de l’exécutif qui refuse d’entendre les travailleurs. Dans les petites villes aussi, ils ont envie de s’exprimer !
, commentait Adrien Leclerc, secrétaire général adjoint de l’UD FO 44.
Au total, celle-ci a dénombré 70.000 manifestants, entre Nantes (50.000), Saint-Nazaire (12.000), Ancenis (2.700), Châteaubriant, Clisson, Guérande, Pontchâteau et Machecoul (500). Chez Manitou (manutention tout-terrain) à Ancenis, l’intersyndicale constituée autour de FO, majoritaire, avait appelé à la grève ce jeudi 6 avril et à poursuivre le mouvement vendredi et samedi.
Permanence des opérations de barrage filtrant ou bloquant
Organisés dès le petit matin, les barrages, filtrants ou bloquants, ont préparé les mobilisations. Au Sud d’Amiens (Somme), les militants FO ont bloqué dès 6 heures (et jusqu’à 14 heures) le rond-point à l’entrée de la zone commerciale de la Vallée des Vignes, obligeant les camions d’approvisionnement à rebrousser chemin. A Mondeville (Calvados), on les trouvait bloquant le rond-point du site de Decathlon. A Tarbes (Hautes-Pyrénées), ils ont pris le contre-pied, en organisant dès 6h30 une opération péage gratuit
, évidemment saluée. A Chambéry (Savoie), ils ont empêché le ramassage des ordures ménagères sur toute l’agglomération. A Monistrol-sur-Loire (Haute-Loire), ils ont organisé, dès 7h30, un barrage filtrant, avec distribution de tracts, à l’entrée de la zone industrielle, avant de rejoindre la manifestation du Puy-en-Velay, les compteurs de vitesse coincés à 49-3 kilomètres/heure. Comme l’annonçaient les pancartes collées aux voitures. Et la liste n’est pas exhaustive. Le peuple dit non aux 64 ans
: sur le pont de Savines (reliant les deux rives du lac de Serre-Ponçon dans les Hautes Alpes), les militants FO ont réaffirmé leur refus de la réforme, en installant une banderole de… 18 mètres de long.
Tout un symbole et démontrant que le refus de la réforme est toujours présent, dans la Manche, le 7 avril, l’Union départementale FO a participé, en intersyndicale, à une opération de blocage de l’accès aux parkings du Mont Saint Michel.
Dans le secteur de l’Energie, les baisses de charge ont atteint ce 6 avril la puissance cumulée d’environ treize centrales nucléaires. Dans le groupe EDF, le taux de grévistes reste stable, autour de 30% des effectifs présents
, se félicitait Alain André. Mais le secrétaire général de la fédération FO Energie et Mines s’alarmait aussi de l’arsenal répressif en train de se déployer contre les grévistes, pour casser les piquets de grève
. A la Compagnie nationale du Rhône (CNR), qui exploite le fleuve et ses barrages hydroélectriques, des salariés-grévistes – dont des militants FO – étaient convoqués (vendredi 7 avril à 14h) au tribunal judiciaire de Carpentras (Vaucluse), accusés d’occupation illicite de site
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Mais il en faudra plus pour entamer la détermination résolue à gagner le retrait de la réforme des retraites. Jeudi-soir, l’intersyndicale a appelé à une douzième journée de mobilisations et de grève le 13 avril, la veille du jour où le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision sur la validité de la réforme. Et, dans son communiqué, l’intersyndicale soutient toutes les actions et initiatives intersyndicales de mobilisations, y compris le 14 avril
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