On n’insulte pas le crocodile quand on a les pieds dans l’eau.
Un proverbe africain adressé à Alexandre Bompard, P-DG de Carrefour, lors de l’assemblée générale des syndicats FO des hypermarchés Carrefour. Près de 400 militants se sont donné rendez-vous fin janvier à La Chapelle-sur-Erdre, à proximité de Nantes. Nos AG se tiennent toujours en janvier afin de préparer les négociations annuelles qui débutent habituellement en février. Mais cette année elles ont été reportées en mars
, explique André Terzo, délégué national adjoint FO chez Carrefour Hypers. Compte tenu du plan de réduction des effectifs annoncé le 23 janvier 2018 par le P-DG de Carrefour, l’AG s’est transformée en tour de chauffe pour le rassemblement prévu le 8 février devant le siège national de Carrefour à Massy.
Se succèdent à la tribune les délégués des hypermarchés mais également des représentants des multiples secteurs qui composent la galaxie Carrefour : la logistique, les sièges, les ex-Dia et les Carrefour Market. Des mondes qui ont peu d’occasions de se croiser. Alexandre Bompard aura réussi à faire converger vers une même direction les salariés et les délégués des différentes entités de Carrefour
, lance à la tribune Jean-Marc Robin, délégué syndical central chez Carrefour Market, devant une salle chauffée à blanc.
Une responsabilité historique
La veille du rassemblement du 8 février, des bus feront route de la France entière vers Massy pour transporter salariés et militants qui refusent les licenciements, les fermetures de magasins et le passage en location-gérance. La FGTA FO, organisatrice de cette journée de mobilisation, attend 2 500 personnes. Au top des régions qui envoient le plus de monde, la région Est-Centre et les Hauts-de-France. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, des actions locales sont également dans les tuyaux.
Nous avons une responsabilité historique auprès des salariés
, a martelé durant l’AG Dejan Terglav, secrétaire général de La FGTA FO. Nous avons découvert ce plan avec stupeur car si nous le savions à destination de la Bourse, nous ne le savions pas aussi flou.
Le secrétaire général reproche à la direction de Carrefour de minimiser un plan de transformation qui comporte encore trop de non-dits.
Côté hypermarchés, dont cinq établissements passeront en location-gérance, les directeurs des magasins ont expliqué à leurs salariés que seuls ceux qui travaillent dans les sièges sont concernés par les suppressions de postes. Du coup, certains salariés pensent qu’il ne leur arrivera rien. Nous, on se bat pour eux et on se bat pour qu’ils se battent pour eux
, confie une déléguée de Saran (45).
Disparition de l’encadrement
Les Carrefour Market ont déjà fait l’expérience de la location-gérance. Depuis 2011, presque quatre-vingt-dix d’entre eux sont passés sous ce statut. Selon les cas, les salariés ont perdu entre un mois et deux mois et demi de salaire sur l’année. À Blois, un magasin est passé sous ce statut en juillet 2016, raconte une déléguée. Et depuis il a encore changé de repreneur. Tout le personnel d’encadrement a été retiré, il ne reste plus que le directeur. La fille qui travaille à l’accueil est complètement débordée parce qu’elle doit tout gérer toute seule.
Quant aux délégués syndicaux, ils n’ont tout simplement plus le droit d’intervenir sur le magasin.
Pour les 273 magasins ex-Dia qui seront vendus ou fermés s’ils ne trouvent pas de repreneurs, Cyril Boulay, DSC, rappelle qu’en six ans l’enseigne de proximité a perdu 10 000 emplois, tandis que le transfert en 2011 des magasins ED vers l’espagnol Dia a rapporté 4 milliards d’euros aux actionnaires de Carrefour. Rendez l’argent, car aujourd’hui nous en payons les conséquences
, c’est l’un des messages que les salariés du groupe transmettront à leurs dirigeants le 8 février à Massy.
Carrefour a annoncé le 25 janvier son intention de supprimer 1 233 emplois en Belgique, soit près de 11 % de son effectif dans le royaume. La grève s’est rapidement étendue à quarante-cinq hypermarchés.
On a vu les clients interrompre leurs courses et les rideaux se fermer, racontent des militants FO venus soutenir leurs camarades belges à Mons le 27 janvier. Le 8 février, ce sera au tour d’une délégation de syndicalistes belges (SETca-FGTB) de venir soutenir leurs collègues français, devant le siège du distributeur à Massy.