[Livre] A qui profite le deal ? : le service public à l’épreuve du privé

Culture par Michel Pourcelot

Services publics délégués au privé : à qui profite le deal ?, livre-enquête d’une journaliste indépendante, révèle d’étranges contrats dont bénéficie le privé dans le cadre de délégations de service public, une notion déjà bien mise à mal ces derniers temps.

Pour elle, tout a commencé sur une aire d’autoroute alors qu’elle... C’est là qu’Isabelle Jarjaille, jeune journaliste indépendante installée à Rennes, en vient à s’intéresser aux sociétés d’autoroutes et, chemin faisant, aux délégations de service public (DSP) car comme elle rappelle les autoroutes ne sont pas « privatisés ». En fait, seuls leurs profits le sont. Ce sont des contrats de concession, sous la forme d’une délégation de service public. Les sociétés concessionnaires sont devenues privées quand l’État s’en est retiré en 2005. Depuis, elles entretiennent le réseau, et se rémunèrent avec les péages. Avec des hausses de dividendes faramineuses. De fil en aiguille, Isabelle Jarjaille s’est également penchée sur les contrats signés par les collectivités locales, domaine ne manquant pas de surprises. Son enquête a donné lieu à un livre intitulé Services publics délégués au privé : à qui profite le deal ? et publié le 27 mars aux éditions Yves Michel.

Le bourreau des finances de Béthune

En effet, tout cela marche à tous les étages, de l’échelon national au local. La journaliste a été, par exemple, regarder sous terre, du côté des parkings souterrains, comme celui de Béthune où chaque année, la Ville paie 400 000 euros de compensation à l’exploitant du parking souterrain de la Grand’Place, Q-Park. Exploitant qui de plus encaisse les recettes du stationnement payant. Motif ? Un contrat bizarrement négocié en 2005, avec des incohérences stupéfiantes selon la Voix de l’Artois. Isabelle Jarjaille a relevé les compteurs en surface : sur le million de places de stationnement réglementées que compte la France, plus de la moitié sont gérées par des entreprises privées, le plus souvent au détriment des finances publiques. La journaliste tient cependant à préciser qu’elle ne déconseille ou dis que les délégations de service public sont automatiquement mauvaises. Ce n’est pas une fatalité que de recourir au privé. Et heureusement, puisque certaines collectivités de taille moyenne n’ayant pas les moyens de gérer tous les services en direct n’ont pas d’autres choix que de déléguer. Et il semble que l’on fasse beaucoup pour que cela arrive. Isabelle Jarjaille souligne que les élus et les agents doivent prendre le temps de lire l’intégralité des contrats qu’ils signent. Ce sont des vrais choix politiques qui impliquent généralement les populations sur des décennies. Certaines concessions vont jusqu’à 40 ans. Pour reprendre un argumentaire célèbre, nos enfants continueront à payer.

 

Services publics délégués au privé : à qui profite le deal ?, d’Isabelle Jarjaille, publié le 27 mars aux éditions Yves Michel, 168 pages, env. 16 euros.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante