Acte III de décentralisation (cinquième analyse)

InFOéco n° 81 du 22 avril 2014 par Pascal Pavageau

La loi n°2014-58 du 27 janvier 2014, dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », constitue le premier texte de l’acte III de décentralisation.

Une analyse détaillée de cette loi a été réalisée par Force Ouvrière. Celle-ci est jointe à cette circulaire.

Comme nous l’indiquions dans les inFOéco précédents [1], l’acte III de décentralisation se caractérise par :

  • des transferts à la carte de l’État vers des collectivités territoriales différentes et selon des répartitions entre les collectivités, définies et choisies par les élus des collectivités territoriales de façon différentes d’une région à l’autre à travers des Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ;
  • un nouveau désengagement important de l’État ;
  • une différenciation du droit et de la déclinaison des lois et des politiques publiques nationales d’une région à l’autre ;
  • et la mise en œuvre d’une « République des territoires » autour des régions et des métropoles au détriment des départements et des communes, menacés de suppression.

Dès 2012, Force Ouvrière a fait part de son opposition à cette vision qui attaque l’égalité républicaine. Au travers les consultations officielles [2], des réunions de concertation avec le gouvernement, ou encore par courriers au Président de la République et au Premier ministre [3], Force Ouvrière s’est prononcée contre ce projet de loi.

e projet de loi initial, très complexe et réussissant l’exploit de ne satisfaire personne, a été « découpé » en trois textes début 2013. La première loi, du 27 janvier 2014, traite des compétences entre collectivités territoriales (libres désormais de se les transférer entre elles) et instaure, de façon autoritaire, les métropoles.

En janvier 2014 également, le gouvernement a (encore) changé d’avis en décidant de regrouper les deux projets de lois à venir en un seul texte. Avec les annonces du Premier ministre lors de son discours de politique générale le 8 avril 2014 sur la fusion des Régions d’ici 2017 et la suppression des Conseils généraux à horizon 2012, il n’est pas certain que, finalement, un troisième texte ne soit pas nécessaire (y compris pour revenir, ce qui serait positif, sur la clause dite de compétence générale).

Toujours dans l’incohérence inhérente à cette réforme, cette première loi ouvrant l’acte III n’est pas vraiment une loi de décentralisation : en effet, les transferts annoncés de l’État vers les collectivités ne sont pas intégrés dans ce texte (ils devraient l’être dans la deuxième loi, notamment à destination des Régions). En revanche, ce texte met en place la « République des territoires » selon des transferts entre collectivités, de façons différentes d’une région à l’autre.

En réalité, l’acte III de décentralisation comprendra beaucoup d’autres textes législatifs que les deux évoqués : la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi Alur) ou encore les textes sur les rythmes scolaires instaurent déjà des transferts de missions. Il en est de même des projets de lois sur la biodiversité ou sur la transition énergétique.

Au-delà du fond et de ses orientations condamnés par Force Ouvrière, cet acte III de décentralisation est complexe, touffu, sans cohérence d’ensemble et peu lisible.

Comme détaillé dans l’analyse jointe, pour Force Ouvrière, la loi du 27 janvier 2014 et l’acte III de décentralisation qu’elle initie, remettent en cause l’indivisibilité, la cohérence, la lisibilité, l’unicité et, du coup, l’égalité républicaine, c’est-à-dire l’égalité de droit.

ANALYSE Force Ouvrière LOI n°2014-58 du 27 janvier 2014 « MODERNISATION DE L’ACTION PUBLIQUE TERRITORIALE ET AFFIRMATION DES MÉTROPOLES »

La réforme territoriale de l’acte III de décentralisation a été lancée à l’automne 2012 par le Président de la République et le gouvernement. Considérée comme l’une des priorités du quinquennat mais régulièrement retardée, cette réforme a été élaborée pendant plus d’un an afin de procéder à la consultation des élus. Pour un résultat qui ne satisfait finalement personne…

Elle pourrait prendre une réelle dimension, dangereuse et destructrice, si les annonces du Premier ministre du 8 avril 2014 se concrétisent, avec notamment la fusion des Régions (passage de 22 à moins de 11 en France métropolitaine) d’ici 2017 et surtout avec la suppression des Départements à horizon 2021. Ce qui, au passage, imposera une modification de la Constitution, sauf s’il ne s’agit que de supprimer les conseils départementaux (ex conseils généraux) en maintenant l’échelon administratif du Département.

Force Ouvrière s’oppose à cette casse de l’organisation de la République, annoncée pour répondre à des calculs politiciens et surtout pour faire des économies (illusoires, les besoins publics étant nombreux et décuplés du fait de ces suppressions d’échelons) du fait du cadrage du pacte budgétaire européen d’austérité.

Prologue :

Les lois du XIXe siècle (loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux, loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes) ont pendant longtemps été les seules formant le droit des collectivités locales. Après les lois de 1982 et 2003, l’objectif fixé par le Président de la République lors de son discours de clôture des états généraux de la démocratie territoriale le 4 octobre 2012 était celui d’un « acte III de la décentralisation » fondé sur « quatre principes : confiance, clarté, cohérence, démocratie ».

A ce stade, selon cette première loi, la réforme n’apparaît toutefois pas comme une nouvelle vague de décentralisation, car il reste peu de compétences à transférer. Si un acte de décentralisation est conçu comme un ensemble de dispositions législatives qui présentent entre elles une logique commune de transférer des missions de l’État vers un même niveau de collectivités, cette première loi n’en constitue pas un élément.

En tout état de cause, « pas plus la réforme de 2003 malgré sa prolixité sur le terrain constitutionnel que celle de 2010 n’ont retrouvé le souffle qui avait animé la décentralisation de 1982/1983 » [4].

D’une part, pour la doctrine, la réforme de 2003 n’a pas constitué un texte porteur d’un droit des collectivités territoriales renouvelées, mais davantage « une sorte d’échafaudage à peu près inutile » [5]. La révision se contente en effet surtout de consacrer des principes existants (organisation décentralisée de la République, pouvoir réglementaire des collectivités locales, autonomie financière des collectivités locales, péréquation) ou d’en affirmer certains dont la portée a été largement réduite par la loi organique de 2004 (principe de la part déterminante des ressources fiscales parmi les ressources des collectivités) ou par la jurisprudence (principe de la compensation financière des transferts de compétences de l’État vers les collectivités [6]).

D’autre part, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités locales fut certes présentée comme un nouvel acte de la décentralisation, mais aussi, par ses détracteurs, comme l’acte I de la « recentralisation ». Deux autres textes étaient restés à l’état de projet, l’un sur le renforcement de la démocratie locale, l’autre (un projet de loi organique) sur l’élection des membres des conseils de collectivités et d’EPCI.
La loi du 16 décembre 2010 s’inscrit dans la logique de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) [7], qui vise à réduire les structures et institutions, et surtout à réaliser les économies budgétaires. Dans cet objectif, la loi supprime les financements croisés et met un terme à la fameuse clause générale de compétence, laquelle représente environ 10% des dépenses des collectivités locales.

De même, la création des conseillers territoriaux aurait dû réduire les dépenses locales (et l’action de la puissance publique, voire la démocratie) : le conseiller territorial aurait dû se substituer au conseiller régional et au conseiller général pour siéger dans les deux assemblées (conseil général et conseil régional). En conséquence, le canton était représentatif du département et de la région, la représentation de la région disparaissant car les conseillers étaient alors des élus cantonaux. Finalement, les conseillers territoriaux ont été supprimés par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Rappelons que Force Ouvrière s’est fortement opposée, dès 2010, à ce concept de « conseiller territorial » [8].

Acte III, scène 1 : le « triple C » : Complexe, Contradictoire, Cacophonique

Depuis 2012, la réflexion sur l’organisation territoriale a déjà comporté trois phases : une consultation des élus, des réunions départementales et des rencontres à Paris les 4 et 5 octobre 2012.

Il faut noter que la concertation avec les organisations syndicales fut quasi inexistante de la part du gouvernement ou du parlement depuis cette date. Cela n’a pas empêché Force Ouvrière de suivre ce dossier et de faire régulièrement état, aux niveaux du Premier ministre, du gouvernement et du parlement, de ses analyses, positions et revendications, comme en attestent les différentes circulaires confédérales [9].

Fin 2012, le projet de loi réussissait l’exploit de ne satisfaire personne. Ni du coté des ministères où toutes les directions générales concernées se plaignaient d’une absence de concertation et d’incohérences, ni du coté des associations d’élus des collectivités, chacune ayant exprimé sa désapprobation sur tout ou partie des orientations, ni du coté des parlementaires (de toutes tendances) qui annonçaient d’emblée des modifications profondes lors du passage du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Après la parution d’une première version du texte en décembre 2012, la cacophonie a été totale dans la procédure. Les 9 versions successives en 3 mois se sont opposées, chaque nouvelle version retirant une partie accordée à une association d’élus lors de la version précédente.

Ainsi, de nombreuses associations d’élus ont fortement manifesté leur opposition au projet, et les sénateurs leurs inquiétudes sur le texte. Les présidents de région se sont par exemple insurgés le 3 juillet 2013 contre ce « choc de complexité et de bureaucratie » que constitue selon eux le dispositif, adopté à l’Assemblée nationale, de répartition des compétences entre collectivités territoriales lorsque plusieurs d’entre elles sont concernées par un dossier, et réglé sous la forme de conférences de l’action territoriale. Le 30 mai 2013, cinq sénateurs des Bouches-du-Rhône de tous bords politiques avaient quant à eux manifesté devant le Sénat, avec d’autres élus du département, contre la création de la métropole Aix-Marseille-Provence.

De même, les sénateurs ont adopté à l’unanimité le 4 avril 2013, soit une semaine avant l’adoption du projet de loi en conseil des ministres, une résolution déclarant solennellement leur attachement à la décentralisation et affirmant leur « souhait de voir se mettre en place une véritable et ambitieuse politique équilibrée entre tous les territoires de la République ». Leur texte rappelle également l’attachement du Sénat à la libre administration des collectivités locales et à leur autonomie financière, ainsi qu’à la commune, « pivot » de l’organisation territoriale. Le texte insiste enfin sur l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre et sur le principe de compensation intégrale des transferts de compétences de l’État vers les collectivités.

L’adoption de ce texte révèle l’inquiétude des sénateurs quant au projet décentralisateur du gouvernement, et leur volonté de tracer les grandes lignes d’une réforme qui soit respectueuse des droits et des libertés des collectivités territoriales. Les sénateurs UMP ont par ailleurs annoncé la création d’une mission d’information sur l’avenir de la décentralisation.

Acte III, scène 2 : de 1 à 2, en passant par 3

Le texte initial évoqué précédemment, lourd de 124 articles et 205 pages, n’a pu être déposé comme texte unique car il était trop « indigeste » pour les sénateurs.

Force Ouvrière a fait part de son opposition à ce texte et à sa vision décentralisatrice qui attaque l’égalité républicaine. Au travers les consultations officielles [10], des réunions de concertation avec Au travers les consultations officielles1, des réunions de concertation avec le gouvernement, ou encore par courriers au Président de la République et au Premier ministre [11], Force Ouvrière s’est prononcée contre ce projet de loi.

Huit jours avant son passage en conseil des ministres le 10 avril 2013, il a donc été découpé en trois selon une logique assez confuse :

  • un projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : le premier texte comporte 55 articles. Il vise à clarifier les compétences des collectivités territoriales et à « renforcer l’efficacité de la puissance publique nationale et locale afin de trouver des solutions aux difficultés posées par la crise économique et à la transformation des innovations territoriales en croissance économique de long terme ». Il institue les métropoles de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence ;
  • un projet de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires : régions et départements viennent s’intercaler dans le deuxième projet de loi, dont l’examen parlementaire était prévu en principe à l’automne ;
  • un projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale : troisième projet de loi sur la décentralisation, portant sur les communes, les intercommunalités (dont font pourtant partie les métropoles) et « les solidarités territoriales ».

Toutefois, le 22 janvier 2014, le ministre des Relations avec le Parlement a annoncé qu’un nouveau projet de loi sur la décentralisation serait présenté en Conseil des ministres en avril.

Alors que la première loi, objet de notre analyse ci-après, a été promulguée le 28 janvier 2014, les deux autres projets sont donc finalement abandonnés au profit d’un nouveau texte unique.

On est donc passé d’un texte unique, à 3 projets, pour finir à 2 lois. Enfin, d’ici à ce que la nouvelle réforme territoriale annoncée par le Premier ministre le 8 avril 2014 nécessite finalement de revenir à une troisième loi…

Quoiqu’il en soit, s’agissant de la première loi du 27 janvier 2014, l’accent est mis sur le couple régions-métropoles et sur la mutualisation des moyens notamment par la coopération intercommunale, les départements et les communes restant avant tout des échelons de proximité.

Pour le gouvernement, la grande innovation est en outre l’instauration de métropoles, notamment celle de Paris et du Grand Lyon.

Toutefois peu de dispositions ont trouvé grâce aux yeux des sénateurs en première lecture. Tant la commission des lois au Sénat, laquelle a présenté 140 amendements au projet initial, que les sénateurs en séance publique, ont modifié en profondeur le projet initial. C’est ensuite une majorité sénatoriale large (182 voix pour, 38 voix contre) mais hétéroclite qui a adopté, le 6 juin 2013, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Le texte a été adopté en première lecture le 23 juillet à l’Assemblée nationale, puis en deuxième lecture, les 7 octobre et 12 décembre 2013. Après la réunion, le 17 décembre 2013, d’une commission mixte paritaire (CMP) qui est parvenue à élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion, ce texte a finalement été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat le 19 décembre 2013. Il a été validé par le Conseil constitutionnel, saisi par soixante députés en vertu de l’article 61 de la Constitution, dans une décision du 23 janvier 2014 [12].

Au final, la loi du 27 janvier 2014 comporte deux titres :

  • Titre I. Clarification des compétences et coordination des acteurs 
  • Titre II. L’affirmation des métropoles

I. LA CLARIFICATION DES COMPÉTENCES ET LA COORDINATION DES ACTEURS : UNE RÉFORME AXÉE SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA CLAUSE GENÉRALE DE COMPÉTENCE

Le 5 octobre 2012, devant les états généraux de la décentralisation, le Président de la République a déclaré : « Nous avons besoin d’acteurs qui soient reconnus, qui soient respectés, et en même temps qui soient responsables ». Il semble alors que l’affirmation et la reconnaissance des collectivités territoriales passent par la mise en œuvre d’un acte III de la décentralisation dont le premier volet vise, notamment, à réformer leurs compétences et leurs modalités d’interventions.

Sans être un texte de transferts de compétences comme a pu l’être la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, la loi du 27 janvier 2014 vise à permettre aux différents acteurs locaux de s’exprimer en fonction des spécificités de leurs territoires.

Revenant sur le principe de spécialisation des compétences posé par la loi du 16 décembre 2010, cette première loi de l’acte III rétablit la clause générale de compétence des départements et des régions, afin de leur permettre, notamment, de s’intégrer dans les nouveaux dispositifs de coordination des compétences.

En réalité, c’est la volonté de faire participer les collectivités territoriales au redressement des finances publiques (comprendre faire des économies budgétaires) qui conduit le législateur à définir les outils d’une meilleure articulation des objectifs et des moyens d’action des acteurs publics locaux entre eux et avec l’État, en identifiant les échelons pertinents de l’action publique et en redéfinissant/ renforçant la notion de chef de file. Cette ambition affichée du Gouvernement implique alors de recentrer en régionalisant et réorganiser en supprimant des services les modalités d’interventions de l’État : « Cette nouvelle étape de la décentralisation sera également une réforme de l’État car les deux mouvements vont de pair » comme l’a précisé d’emblée en 2012 le Président de la République.

Dans ce cadre, l’Assemblée nationale a souhaité insérer dans le texte initial un article consacré au Haut Conseil des Territoires, instance de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales dont la mise en place était prévue par un autre projet de loi, déposé en avril 2013 [13].

Constitué de représentants du Gouvernement, du Parlement et des différentes collectivités territoriales, ce Haut Conseil [14], dont la création avait été annoncée par le Président de la République en octobre 2012, avait notamment vocation à donner son avis sur les projets de lois relatifs aux collectivités territoriales et sur les dispositions européennes ayant un impact sur ces dernières. Les sénateurs, s’estimant seuls dépositaires « de la mission de représentation des collectivités territoriales » ont vu d’un mauvais œil ce nouveau dispositif qui était également censé réunir en une seule instance la Commission des finances locales, la Commission consultative d’évaluation des normes et la Commission consultative sur l’évaluation des charges. Aussi, après une première suppression par le Sénat et une réintroduction par l’Assemblée nationale, il a été convenu en commission mixte paritaire que le Haut Conseil des Territoires devait faire l’objet d’un support juridique « à part ».

Cette réforme, que le gouvernement a souhaité placer sous le signe de la clarté (Réf. aux rapports entre collectivités territoriales et entre collectivités territoriales et l’État), de la cohérence et de la transparence est essentiellement axée sur le rétablissement de la clause générale de compétence au profit des régions et des départements, qui avait été supprimée par le gouvernement précédent.

On rappelle en effet que la décentralisation consiste à reconnaitre l’existence, à côté de l’État, de personnes morales de droit public - les collectivités territoriales - dotées de compétences propres. Elle se manifeste alors par le partage de compétences entre l’État et les collectivités territoriales, effectué par le législateur sur le fondement de l’article 34 de la Constitution de 1958. Dans ce cadre, la loi du 7 janvier 1983 de répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État avait posé le principe d’une répartition claire des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, « dans la mesure du possible » [15].

Celle-ci devait conduire à un système d’attribution de compétences obligatoires par blocs entiers aux collectivités territoriales. Or, cette répartition des compétences par blocs est rapidement devenue un mythe et certains élus et théoriciens ont dénoncé l’existence d’un enchevêtrement croissant des compétences, conduisant notamment à l’impossibilité d’identifier un niveau de collectivités territoriales principalement compétent dans un certain nombre de domaines [16].

Ainsi, il semblerait que le principe de répartition par bloc de compétence ait permis uniquement de « distinguer la vocation générale de chaque échelon territorial » [17]. La clause générale de compétence a été tenue pour responsable de cette situation, et supprimée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Relativisant sa responsabilité en matière d’enchevêtrement des compétences, la loi de modernisation de l’action publique locale la rétablit. Et, au final, le Premier ministre annonce sa (nouvelle) suppression le 8 avril 2014. Pour « la clarté et la cohérence de la réforme territoriale », le gouvernement repassera…

I.1. La clause générale de compétence

Mécanisme complémentaire de répartition des compétences, la clause générale de compétence permet en principe de distinguer la collectivité territoriale de l’établissement public, celui-ci étant régi par un principe de spécialité. La clause générale de compétence pose en effet comme principe pour les collectivités territoriales une liberté d’agir, à condition de ne pas franchir certaines limites, posées notamment par le juge. Ainsi a-t-il déduit [18] que les « affaires » des collectivités territoriales doivent poursuivre un intérêt public [19] et chercher à satisfaire au mieux les besoins des populations locales [20] tout en respectant un principe de neutralité [21]. Par ailleurs, l’intervention d’une collectivité territoriale hors des sentiers tracés par le législateur implique de respecter l’ordre juridique existant, et donc de ne pas empiéter sur les compétences d’une autre collectivité dès lors que la loi lui a attribué des compétences exclusives [22], ou de ne pas contredire les lois et règlements qui ont vocation à s’appliquer sur le territoire national.

D’un point de vue purement conceptuel, la clause générale de compétence peut apparaître comme un non-sens dès lors que les compétences des collectivités territoriales sont des compétences d’attribution, dévolues par la loi [23]. Partant de là, les critiques à son égard sont nombreuses [24]. Tenue pour responsable de l’éloignement des citoyens de la vie politique locale, elle était surtout perçue comme un facteur d’enchevêtrement des compétences, de dégradation des finances publiques et d’inefficacité des politiques publiques [25]. Car la clause générale de compétence est inévitablement liée à une coopération financière entre collectivités territoriales et à la multiplication des financements croisés, ceux-ci étant à la fois les moteurs et le résultat de l’enchevêtrement des compétences [26]. « Les financements croisés entre les collectivités territoriales peuvent à première vue avoir un effet de rationalisation de la dépense en soumettant l’analyse de son opportunité aux critères d’un tiers et en évitant des doublons nés de compétences respectives mal définies. Mais l’impact peut aussi être inflationniste, dans la mesure où il s’agit souvent pour l’un au moins des partenaires d’intervenir dans un champ en marge de sa compétence et d’inciter l’autre à la dépense  [27] ». Ainsi, le retour à une répartition claire des compétences entre collectivités territoriales, préconisé notamment par le rapport de 2009 [28] était indissociable d’un encadrement des financements croisés, ce dernier ayant d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre les parlementaires [29].

Partant de là, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a posé le principe d’une spécialisation des compétences des collectivités territoriales, en supprimant la clause générale de compétence des départements et des régions [30].

De même, elle a posé le principe d’un encadrement des financements croisés, et depuis le 1er janvier 2012, « toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet », cette participation minimale étant posée à 20% des financements apportés par des personnes publiques à ce projet. L’idée d’un plafond-plancher de participation des collectivités territoriales, maîtres d’ouvrages d’opérations d’investissement, a été posée en 2006. Selon ce rapport, la multiplication de cofinancements de sources différentes sur un même projet aboutit à limiter l’implication du maître d’ouvrage. Il préconisait ainsi une participation minimale des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage d’une opération d’investissement de 50% [31]. Finalement, le seuil des 20% adopté par le législateur en 2010 correspond aux obligations qui s’imposent aux maîtres d’ouvrage qui souhaitent bénéficier de subventions de l’État [32] (ce % a changé avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale : voir infra). Quelques exceptions et dérogations à ce régime sont prévues [33].

Considérée pour responsable de bien des maux, la clause générale de compétence n’est pas, historiquement, perçue comme une manne pour l’action des collectivités territoriales. Elle a fait sa première apparition dans la loi municipale du 5 avril 1884 qui dispose que le « conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » [34] et marque ainsi la première apparition de l’idée de « compétence » et la consécration d’un « pouvoir municipal » longtemps dénié à la commune. Cette formulation présentait l’avantage de ne pas procéder à une énumération limitative et non exhaustive des compétences municipales. Initialement réservée à des interventions concrètes des communes (le pesage par exemple), elle n’a pas (ou peu) suscité de réflexions quant à son impact [35].

Cependant, la pratique a conduit à complexifier la notion de clause générale de compétence, devenue alors le seul élément explicatif de l’intervention des collectivités territoriales dans des domaines non prévus par la loi. De plomb, la clause générale de compétence se serait alors transformée en or en devenant le seul élément explicatif de l’intervention des collectivités territoriales dans des domaines non prévus par la loi [36]. L’idée que tout ce qui n’était pas interdit était permis fut dotée d’un fondement légal : la clause générale de compétence. Elle a été étendue en 1982 aux départements [37] et aux régions [38].

Mais ne seraient-ce pas les gouvernements et parlementaires eux-mêmes qui seraient à la base d’une coexistence des attributions législatives des collectivités territoriales et de la clause générale de compétence, et ainsi de la multiplication des financements croisés ? [39]

En effet, sachant que le législateur ne peut se contraindre lui-même, la théorie de la répartition des compétences par blocs s’est « installée en doctrine comme un mythe, comme une référence à la fois obligée et vaine » [40]. De fait, si l’exposé des motifs de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales mentionnait la volonté de « clarifier l’exercice de nombreuses compétences, soit en supprimant les mécanismes et dispositifs de co-responsabilité ou de co-gestion entre l’État et les collectivités territoriales, soit en clarifiant les champs de compétences conjointes à plusieurs niveaux de collectivités territoriales » [41], le contenu même du texte n’est pas à la hauteur de l’ambition initialement affichée. Plusieurs autres obstacles à une répartition par blocs de compétences peuvent être mentionnés : ainsi il est assez difficile d’envisager une répartition stricte des compétences qui favoriserait l’indépendance matérielle de chaque catégorie de collectivités territoriales dès lors que la réforme d’une compétence aura forcément des répercussion sur les autres collectivités territoriales : « Ainsi l’État, par ses propres politiques sectorielles, impose de reconsidérer régulièrement le contenu des compétences décentralisées » [42]. De plus, une attribution légale de compétence confère une exclusivité à la collectivité qui en est investie, mais toutes ces dispositions peuvent elles-mêmes être mises en échec par le législateur lui-même, car ce dernier ne se considère pas comme lié par les compétences attribuées.

Autre critique avancée par certains auteurs, l’irréversibilité du domaine de la loi. En effet, on doit relever un accroissement continu du domaine de la loi, car dès que le législateur statue sur une matière il en fait une compétence législative. Aussi la théorie de la décentralisation peut-elle « souffrir de l’extension continue du domaine de la loi. Des lois de plus en plus nombreuses et détaillées prennent pied sur les problèmes du moment (sécurité, solidarité sociale, logement…) où, jusque-là, les initiatives locales trouvaient leur place sur le fondement de pouvoirs traditionnels » [43], tels que la clause générale de compétence…

Enfin, les désengagements successifs de l’État sur le territoire local depuis 1982, mais surtout avec la Révision générale des politiques publiques, les deux phases de Réformes de l’administration territoriale de l’État (2010 et 2014), la Modernisation de l’action publique (MAP, depuis 2012) et enfin les politiques de rigueur budgétaire, ont contraint les collectivités territoriales à s’investir dans des domaines qui n’étaient pas les leurs, pour compenser l’absence de l’État :

  • Prestation de maîtrise d’œuvre, de conseils d’ingénierie auprès des petites communes ;
  • Ingénierie publique, développement de missions d’expertise locale ;
  • Aide au développement de structures juridiques et médicales ;
  • Actions publiques dans les secteurs sociaux, du sport ou de la culture ; etc.

Il en ressort que même sans valeur constitutionnelle [44], la clause générale de compétence serait « consubstantielle » à la décentralisation : cette idée se vérifie par le fait que les transferts de compétences de l’État aux collectivités territoriales posent peu de véritables obligations à l’égard de ces dernières, et que, sans la clause générale de compétence, bon nombre d’intervention locales ne trouveraient pas de fondement juridique (ex. des cantines scolaires, des crèches, des services de portage de repas, etc.). Ce caractère consubstantiel de la clause générale de compétence découle d’ailleurs du texte même de 2010. En effet, bien que supprimant la clause générale de compétence des départements et des régions, le législateur a tempéré ce principe par trois points, signe bien évident qu’une répartition de compétences par blocs n’est pas possible, même dans les domaines pour lesquelles il paraît pertinent d’affirmer la vocation générale d’un échelon territorial :

  1. Les régions et les départements pouvaient se saisir, par délibération motivée, des sujets régionaux ou départementaux pour lesquels la loi n’a donné aucune compétence spécifique à une autre personne publique. Cette possibilité d’intervention des départements et des régions en dehors des sentiers battus a été vue par le Conseil constitutionnel comme une garantie du principe de libre administration des départements et des régions : dans le cas d’une suppression clause générale de compétence, il a affirmé que le principe de libre administration des collectivités territoriales n’était pas remis en cause dès lors que « les dispositions critiquées permettent au conseil général ou au conseil régional, par délibération spécialement motivée, de se saisir respectivement de tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique » [45]. Il constatait également que dans ce cadre, le principe de subsidiarité posé par l’article 72 alinéa 2 de la Constitution de 1958 « n’est pas non plus méconnu » [46].
  2. Le législateur de 2010 avait prévu que la loi pouvait toujours, à titre exceptionnel, « prévoir qu’une compétence [soit] partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales ».
  3. Surtout, le législateur a renoncé à supprimer la clause générale de compétence dans certains domaines : ainsi la loi prévoyait que « les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport [seront] partagées entre les communes, les départements et les régions » [47]. « En effet, les interventions multiples y sont la règle et il serait sans doute trop complexe, et trop nocif pour les activités et les acteurs de ces différents domaines, de vouloir y rigidifier les interventions et des financements » [48].

De même, les modalités de l’encadrement des financements croisés, telles qu’elles sont posées par la loi du 16 décembre 2010, traduisent la difficulté d’une répartition claire des compétences : le législateur s’est en effet contenté de poser un certain nombre de conditions à leur réalisation [49], dans une optique de responsabilisation des collectivités territoriales et de rationalisation de la dépense publique. Mais, là encore, il a posé des exceptions, en renonçant par exemple à se positionner sur les projets liant les collectivités territoriales et l’État [50]. Dans ce cadre, les régions continuent à avoir un rôle majeur dans le cadre de développement et de l’aménagement du territoire. Dans les autres domaines, le législateur a tenu compte de l’importance des départements dans le processus des financements croisés. Le rapport de Pierre Richard sur la Solidarité et la performance souligne en effet que les départements sont « les plus forts contributeurs au profit des autres collectivités et établissements publics » [51]. Aussi peuvent-ils toujours, depuis le 1er janvier 2012, contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements. De même, les régions peuvent soutenir les départements, les communes et leurs groupements, ainsi que les groupements d’intérêt public, dans le cadre du « financement des opérations d’intérêt régional ». Cette disposition, qui se veut restrictive, présente quelques difficultés d’interprétation. Aussi l’idée générale est qu’elle ne remet pas en cause les interventions financières des régions qui, finalement, interviennent toujours dans l’intérêt régional.

Mais la loi durcit le principe même du cofinancement en imposant une concertation et un rapprochement des actions des départements et des régions. Ceux-ci devront mettre en place, conformément aux dispositions de l’article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Ce schéma vise à clarifier les interventions publiques sur le territoire de la région, et à rationaliser l’organisation financière et administrative des départements et des régions. Facultatif, il deviendra obligatoire à compter du 1er janvier 2015, et en son absence, aucun projet dans la région concernée ne pourra bénéficier d’un cumul de subventions d’investissement ou de fonctionnement accordées par un département et une région [52]. Une seule dérogation est prévue à ce principe : elle vise les subventions de fonctionnement aux communes et aux groupements intercommunaux dans le domaine de la culture, du sport et du tourisme. Cette disposition permettra sans doute aux communes et aux groupements intercommunaux d’assurer la gestion quotidienne de leurs installations culturelles, sportives et touristiques. Mais dans son principe, elle risque d’empêcher la concrétisation de projets nouveaux. La limitation des subventions régionales et départementales risque donc d’entraîner un tarissement et une réduction des dépenses communales, notamment dans le domaine culturel.

I.2. Les nouvelles dispositions de la loi du 27 janvier 2014

La loi de modernisation de l’action publique locale vise à « redonner aux départements et aux régions les capacités d’action dont ces collectivités territoriales ont besoin pour assurer le dynamisme de nos territoires, tout en modernisant la rédaction des dispositions du code général des collectivités territoriales ».

Dans ce cadre, le gouvernement est parti du postulat selon lequel la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions n’est pas déterminante pour la clarification de l’action publique locale. Il confirme ainsi l’idée d’une inutilité du débat sur le maintien ou la suppression de la clause générale de compétence : car elle n’est « en effet, au regard des départements et des régions, seules collectivités pour laquelle la suppression a été envisagée, qu’un épiphénomène qui, d’un point de vue budgétaire, reste résiduel » [53]. La dégradation de la situation financière de ces deux collectivités territoriales les a conduites, de fait, à se recentrer naturellement sur leurs compétences obligatoires. Aussi leur intervention sur le fondement de la clause générale de compétence est-elle de plus en plus limitée.

Il faut aussi mentionner l’hypothèse selon laquelle le gouvernement aurait pris conscience du fait que la focalisation des débats sur la clause générale de compétence ne suffit pas à répondre pleinement à la question essentielle de la cohérence de la répartition des différents champs d’action de chaque échelon territorial. Aurait-il l’ambition de résoudre ces difficultés ? Les dispositions adoptées traduisent, sur le papier, un souci de cohérence, relié à une volonté de moderniser les dispositions du code général des collectivités territoriales.

Ainsi la loi de modernisation de l’action publique locale revient sur la suppression de la clause générale de compétence et sur le principe d’une répartition des compétences exclusives entre collectivités territoriales [54], qui était, comme on l’a vu précédemment, plus symbolique que réelle [55].

L’article 1er de la loi de modernisation de l’action publique territoriale rétablit donc la clause générale de compétence des départements et des régions métropolitaines et d’outre-mer, en reprenant la formule consacrée selon laquelle le conseil général/régional « règle par ses délibérations les affaires du département/ de la région ». Chaque assemblée « statue sur tous les objets sur lesquels elle est appelée à délibérer par les lois et règlements et sur tous les objets d’intérêt (départemental ou régional) dont elle est saisie ».

Cette nouvelle rédaction des dispositions du code général des collectivités territoriales que l’État affirme la coexistence de deux types de compétences :

  • Celles qui résultent des lois de transfert et des règlements liés, notamment, aux compétences déléguées par l’État aux collectivités territoriales.
  • Celles qui résultent d’une habilitation générale des collectivités territoriales à intervenir sur toute question d’intérêt local. L’intérêt local (régional, départemental ou municipal) est difficile à définir, et, au vu de la jurisprudence relative à l’emploi de la clause générale de compétence précitée, il ressort que l’action des collectivités territoriales, pour être d’intérêt public local, doit répondre à trois critères. D’une part, elle doit bénéficier directement aux besoins de la population, et, d’autre part rester neutre. Enfin, elle doit répondre à un intérêt public.

La notion d’intérêt public local confirme l’existence même de la clause générale de compétence, déniée par certains auteurs, pour lesquels l’intérêt public local ne serait pas une notion conceptuelle mais simplement une notion fonctionnelle donnant titre à agir. Pour certains, il existerait, pourtant, à côté de la décentralisation et des transferts de compétences, une aptitude juridique des collectivités territoriales à intervenir sur certains domaines [56]. Et cette intervention est naturelle, portée par un projet politique défendu dans le cadre d’élections locales. Il y aurait là une forme d’ « auto-administration locale » qui correspondrait à la vocation reconnue par la loi à toute collectivité territoriale à servir l’intérêt public local [57]. Cette idée est corroborée par exemple par la loi du 14 décembre 1789 relative ŕ l’organisation des communes dans le royaume et qui pose le principe selon lequel les communes auront deux types de compétences, propres au pouvoir municipal, et propres à l’administration générale de l’État (article 49).

On doit cependant relever que les dispositions initiales du projet de loi, qui visaient à reconnaître le rôle de la commune et de la subsidiarité dans l’organisation des politiques publiques locales ainsi que du principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales ont été supprimée. Les parlementaires ayant en effet jugé que ces principes étaient dépourvus de portée normative, et qu’ils faisaient doublons avec les dispositions constitutionnelles.

Enfin, il faut souligner également que les nouvelles dispositions prévoient que le conseil départemental « a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des régions et des communes » ; et que le conseil régional « a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes ».

Mettant en avant la volonté d’organiser la cohérence d’action entre chaque échelon de collectivité territoriale, cette disposition reprend, dans des termes différents, l’affirmation posée par le Conseil d’État selon lequel « l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales habilite le conseil municipal ŕ statuer sur toutes les questions d’intérêt public communal, sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques et qu’il n’y ait pas d’empiètement sur les attributions conférées au maire » [58]. C’est bien cette lecture habilitant les collectivités territoriales à statuer sur toutes questions d’intérêt public local sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques que le gouvernement a entendu faire prévaloir.

Pour Force Ouvrière, nous ne pouvons qu’être surpris de ces nouvelles dispositions, et notamment du retour de la clause générale de compétence. En effet, l’objectif affiché est bien de retrouver l’esprit de la décentralisation de 1982, affirmation qui peut paraître paradoxale dès lors que l’ambition des lois de décentralisation, était, à cette époque, fondée sur la volonté d’une répartition des compétences « par blocs ». Même si, dans les faits (au regard des restrictions budgétaires notamment), les collectivités territoriales semblent suivre ce chemin, ce n’est pas, sur le papier, ce que prévoit la loi de 2014.

Par courrier du 24 mars 2014 au Premier ministre, Force Ouvrière a rappelé son attachement indéfectible à l’égalité de droits, à l’égalité républicaine. C’est notamment pourquoi, nous ne sommes pas favorables, par principe, aux transferts de l’État vers des collectivités.

Mais, dès lors qu’il est néanmoins décidé de transférer une mission de l’État aux collectivités territoriales, Force Ouvrière revendique en particulier :

 qu’une mission soit transférée à un même niveau de collectivités, de façon uniforme sur le territoire national ;
 que cette compétence transférée soit alors obligatoire, de façon à s’assurer que la mission publique sera bien exercée partout, comme elle l’est aujourd’hui par l’État.

Dans ce cadre, il nous apparait que si la « clause générale de compétence » est finalement retirée, notamment aux Régions et Départements (annonce du Premier ministre le 8 avril 2014, juste après que la loi du 27 janvier l’ai réintégrée…), les compétences qui seront transférées doivent clairement être assorties d’une obligation de mise en œuvre, selon un cadre national établi et porté par l’État.

Force Ouvrière n’est pas favorable à la logique de « compétences exclusives » : l’exclusivité n’entraine pas l’obligation de faire, ce qui peut générer des zones de non-droits où une mission transférée ne serait alors pas menée par la collectivité en charge de façon non obligatoire, ni par aucune autre collectivité publique du fait de l’exclusivité. De plus, en cas d’impossibilité de faire par la collectivité où la compétence a été transférée, aucune autre ne pourrait y suppléer, même de façon temporaire. En revanche, l’obligation assure la réalisation de la mission, et rien n’interdit que celle-ci soit clairement ciblée à un niveau de collectivité pour éviter les risques de doublons.

Pour rester sur la loi, le dispositif législatif qui crée de nouvelles modalités de répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales (I.2.1) et prévoit les modalités financières de cette répartition (I.2.2) ne conduit pas à une « clarification des compétences ». Au contraire, la « responsabilisation » voulue par le législateur conduit à une « décentralisation à la carte », allant à l’encontre de l’unité catégorielle des collectivités territoriales et mettant en danger la République en instaurant des zones de non réalisant des politiques publiques nationales.

I.2.1. Les nouvelles modalités de répartition des compétences

La réforme se donne comme objectif de :

 faire tomber le mythe des blocs de compétences ;
 fédérer les initiatives locales ;
 adapter la mise en œuvre des compétences aux réalités du terrain.

Dans ce sens, elle envisage de nouvelles modalités de répartition des compétences, remettant ainsi légèrement en cause le principe d’une répartition des compétences exclusivement fondée sur les transferts opérés par le législateur.

En effet la décentralisation est fondée sur l’octroi, par le législateur de compétences et d’attributions effectives aux collectivités territoriales. Ce principe est posé à l’article 34 de la Constitution, qui prévoit que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources », en application notamment du principe de subsidiarité : l’article 72 de la Constitution de 1958 précise en effet, « les collectivités territoriales ont vocations ŕ prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux ętre mises en śuvre ŕ leur échelon ». Cette disposition ne permet pas aux collectivités territoriales de s’autosaisir. Ce principe impose à la loi de rechercher l’échelon le plus pertinent de gestion. Dans ce cadre, la loi de modernisation de l’action publique territoriale de janvier 2014 prévoit les modalités de transfert d’une nouvelle compétence aux communes, qui sera de droit transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre : la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, compétence confiée aux communes (futur article L. 211-7 du code de l’environnement) (article 56 de la loi) [59].

De plus, la volonté de responsabiliser les acteurs locaux conduit à l’institutionnalisation d’outils de coordination afin, donc, de tenir compte des réalités de terrain. Aussi le législateur a-t-il donné un cadre législatif à la coordination et à la coopération locale (A). De plus, il a prévu les modalités d’une délégation des compétences de l’État aux collectivités territoriales intéressées (B).

A. UN CADRE LÉGISLATIF DESTINÉ À ENCADRER LA COORDINATION ET LA COOPÉRATION DES ACTEURS LOCAUX

L’article 1er du projet de loi initial affirmait deux principes relatifs à l’exercice coordonné des compétences des collectivités territoriales : était reconnue l’existence d’un principe de coordination des interventions des collectivités territoriales et de l’État, ainsi que l’existence d’un principe de libre organisation des modalités d’exercice des compétences des collectivités territoriales. Ces prescriptions ont été retirées en première lecture par les sénateurs, qui estimaient qu’elles faisaient doublon avec le principe de libre administration des collectivités territoriales reconnu à l’article 72 de la Constitution. En outre, l’affirmation législative d’outils de coopération et de collaboration locale ne constitue pas une révolution dès lors que l’on sait de longue date que la coordination des acteurs locaux est une véritable nécessité pour assurer l’efficacité de l’action publique locale. Cette nécessité est liée à la superposition des acteurs locaux sur un même territoire, ce qui peut notamment les conduire à partager/ à contribuer ensemble au fonctionnement d’une même activité d’intérêt général.

Cependant, la loi de modernisation de l’action publique territoriale se propose de préciser les contours de la coopération locale. La suppression, en 2013, du conseiller territorial, élu local institué par la loi du 16 décembre 2010 et censé représenter à la fois le département et sa région, a conduit à rendre inopérants les schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Institués également par le législateur en 2010, ils avaient vocation à organiser les compétences temporairement déléguées du département vers la région ou inversement, ainsi que les conditions dans lesquelles certains de leurs services pourraient être mutualisés. Devenus sans objet avec l’abrogation des dispositions relatives au conseiller territorial, ce schéma est supprimé par la loi de modernisation de l’action publique territoriale. Cette suppression est contrebalancée par la volonté marquée du législateur d’encourager le développement d’actions concertées entre collectivités territoriales, notamment en vue de la mutualisation des moyens.

Ainsi le nouvel article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales pose une liste de compétences qui pourront être exercées en commun par les collectivités territoriales voire déléguées à d’autres collectivités. Cette organisation concertée des compétences devait être précisée dans un « pacte de gouvernance territoriale ». Débattu dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, ce pacte avait vocation à se présenter comme un outil privilégié de la clarification des compétences et de la rationalisation des moyens d’action des collectivités territoriales. Initialement, il devait être constitué de schémas sectoriels élaborés par les collectivités territoriales et relatifs aux modalités d’exercice de certaines compétences (étaient visées, obligatoirement, les compétences pour lesquelles la loi désignerait une collectivité territoriale chef de file, et facultativement, les autres compétences). Ce dispositif était un système de sanctions : les collectivités territoriales non-signataire de ce pacte de gouvernance territoriales se seraient vues contraintes par des dispositions plus strictes en matière de financements croisés. Cependant, le dispositif a été jugé trop complexe par le Sénat, et supprimé en première lecture. À la place, les sénateurs ont proposé la mise en place de schémas généraux de compétences, sur le modèle des schémas régionaux d’aménagement du territoire ou des schémas régionaux de développement économique qui comportent un volet organisationnel définissant les délégations de compétences, l’organisation des interventions financières et les conditions de mutualisation des services.

L’Assemblée nationale a cependant souhaité restaurer le pacte de gouvernance territoriale, ou un dispositif similaire. De ce fait, elle a renversé la logique initiale de sanctions.

Il en ressort que le texte final pose un principe selon lequel la coordination des acteurs locaux dans l’exercice de certaines compétences repose sur les critères suivants :

 Dans le cas où cette coordination conduit à des délégations de compétences, celles-ci sont prévues dans une convention territoriale d’exercice concerté.
 La participation minimale du maître d’ouvrage, est fixée à 30 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
 La région et le département peuvent indifféremment subventionner les opérations relevant de cette coordination de compétences, à l’exception des contrats de projets État-Régions.

Ces deux derniers points réforment le dispositif prévu par la loi du 16 décembre 2010 pour réglementer les financements croisés : le premier fait passer le taux minimal de participation du maître d’ouvrage d’une opération concertée de 20 à 30%. Le deuxième rétablit, finalement les financements croisés : le département peut participer à tous projets (et non plus seulement aux projets communaux ou intercommunaux ; la région n’est plus limitée par des interventions d’intérêt régional – quoique, comme dit précédemment, ce terme était ambigu, dès lors que tout projet situé sur le territoire d’une région peut avoir un intérêt régional).

L’ensemble de ces dispositions est prévu au I du futur article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales (article 3 de la loi). Elles peuvent néanmoins faire l’objet de dérogation : en effet il est prévu que les conventions territoriales d’exercice concerté puissent prévoir des dérogations à l’obligation pour le maître d’ouvrage d’un projet concerté de financer ce projet à hauteur minimale de 30%. Ces conventions peuvent également permettre aux départements et aux régions de financer des projets figurant dans les contrats de projets État-Régions.
Le développement de relations de partenariats entre collectivités territoriales passe donc d’un dispositif d’incitation-sanction à un dispositif dérogatoire : les critères essentiels de la concertation locale peuvent en effet faire l’objet de dérogation dans le cadre des conférences de l’action publique territoriale qui constituent l’outil essentiel de la coopération locale et qui, dans ce cadre, permettent de concrétiser les opérations relevant notamment, des collectivités territoriales dans le cadre d’un chef de filât (A.1). Le tout est donc débattu dans le cadre de ces conférences de l’action publique territoriale et fait l’objet de conventions territoriales d’exercice concerté (A.2).

A.1. L’institutionnalisation du principe de la collectivité territoriale chef de file

La constitutionnalisation de la notion de « collectivité territoriale chef de file », contrairement aux objectifs et à la volonté du constituant, n’a apporté aucune véritable révolution en matière de développement de la concertation entre collectivités territoriales : on l’a dit précédemment, en effet, la concertation et la coordination sont des outils nécessaires à l’affirmation des politiques publiques.

Or, le principe d’une attribution exclusive des compétences aux collectivités territoriales par le législateur n’a jamais interdit celui d’une coopération entre collectivités territoriales. Ainsi les compétences des collectivités territoriales ne sont-elles pas « initiales », ou exclusives de l’intervention de l’État et des autres collectivités territoriales : rien n’est définitivement figé dans l’attribution des compétences [60] et celles-ci peuvent être « partagées ». Mais les outils de la coopération locale sont tels qu’ils ne permettent pas d’identifier « à coup sûr » les collectivités « chef de file ». Ce « flou artistique » est lié à la nécessité de concilier la notion de « chef de file » avec la préservation de la libre administration des collectivités territoriales. Dans ce sens, le législateur avait posé le principe de l’interdiction de la tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre (article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales) [61], avant que ce dernier ne soit repris par le constituant en 2003 : l’article 72, al. 5 de la Constitution reprend ce principe, en affirmant qu’ « aucune collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre ». On entend par « tutelle » la volonté, par exemple, d’une collectivité territoriale de contrôler les procédures ou l’utilisation de fonds relatifs à la gestion d’un équipement ou la mise en œuvre d’un projet subventionné par elle. Outre ce pouvoir de contrôle, la tutelle se manifeste également par un pouvoir d’autorisation/approbation, de sanction, voire de substitution [62].

Comme Force Ouvrière l’indiquait dès 2012 avec le projet de texte global de l’acte III, la conciliation de l’interdiction de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre et du principe de la collectivité territoriale « chef de file » peut être contestée dès lors que le terme même « chef de file » peut renvoyer à « l’idée de commandement d’une entité administrative sur d’autres » [63]. D’ailleurs, les dispositions constitutionnelles relatives à l’interdiction de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre et à la notion de chef de file sont reliées par le terme « cependant ». Cette rédaction laisse entendre que le législateur pourrait déroger au principe de non tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, interprétation dont se sont défendus les parlementaires, après l’adoption de la réforme constitutionnelle. De fait, la notion de collectivité territoriale chef de file, non expressément affirmée dans la Constitution, doit-elle être mise en balance avec l’interdiction de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. Dans ce sens, le Conseil constitutionnel a affirmé que les dispositions de l’article 72, al. 5 de la Constitution « habilitent la loi ŕ désigner une collectivité territoriale pour organiser et non pour déterminer les modalités de l’action commune de plusieurs collectivités » [64]. En l’espèce, les dispositions législatives analysées et relatives aux contrats de partenariat prévoyaient non l’instauration d’une délégation de compétence, mais un véritable transfert de compétence dans le cadre d’un projet qui aurait été mutualisé. « Les modalités de coopération entre collectivités territoriales doivent par conséquent demeurer strictement limitées et excluent, en toute hypothèse, que l’une d’entre elles soit habilitée ŕ décider pour l’ensemble, le transfert de ce type de pouvoir faisant basculer la coopération dans la tutelle » [65]. Le Conseil constitutionnel a alors fait une lecture respectueuse des intentions du constituant de 2003, dès lors que la notion de « chef de file » ne permet de déroger que de manière limitée à l’interdiction de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre : il peut être question d’organisation, mais non de détermination. [66]

Il ressort de cette jurisprudence que les modalités de coordination entre collectivités territoriales n’ont pas changé, car les dispositions insérées en 2003 dans la Constitution ne permettent rien de plus « que ce qu’autorisait la jurisprudence constitutionnelle appliquant le principe de libre administration et ne possède pas plus d’intérêt qu’une réaffirmation, sans chercher à prolonger, compléter ou adapter ». Tout au plus doivent-elles être prises comme une consécration de l’irréalisme de la répartition des compétences par blocs.

Or, pour certains auteurs, le « flou » dans la répartition des compétences entre collectivités territoriales s’est aggravé avec les dispositifs institués en 2010 : l’instauration des schémas d’organisation et de mutualisation des services entre les départements et les régions, l’institution d’un principe de délégation des compétences entre collectivités territoriales (article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales), et les multiples possibilités offertes aux métropoles d’exercer certaines compétences au lieu et place des départements et des régions rendent difficiles la clarification des compétences et l’identification de collectivités territoriales « pilotes », dès lors que ces dispositions n’ont pas été adoptées dans une démarche « fédéraliste » : en effet, « la loi aurait pu placer les collectivités dans un rapport d’autorité [de ce type]. Il lui suffisait pour ce faire de retenir une interprétation audacieuse de la notion de collectivité chef de file prévue à l’article 72, alinéa 5, de la Constitution. Le législateur aurait pu considérer qu’elle permettait à un territoire de déterminer les objectifs à atteindre, le choix des moyens d’y parvenir devant seul être réservé aux autres collectivités concernées dans leurs circonscriptions respectives. La loi aurait ainsi pu se fonder sur le principe de subsidiarité de l’article 72, alinéa 2, de la Constitution pour réserver à chaque catégorie de collectivité locale le pouvoir d’imposer ses décisions aux autres dans des domaines strictement déterminés » [67].

Le dispositif prévu par la loi de modernisation de l’action publique territoriale semble tenter un effort de clarification, sans toutefois revenir sur l’éclatement de l’unité catégorielle des collectivités territoriales actuellement en cours. Pour ce faire, il institutionnalise une nouvelle fois [68] le principe de collectivité territoriale « chef de file » pour un certain nombre de compétences partagées par les différents niveaux de collectivité territoriale, car la notion permet « d’introduire une rationalité dans l’exercice [de ces compétence] tout en respectant le principe de non tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. Elle conduit les collectivités territoriales à définir ensembles les modalités de l’exercice commun d’une compétence partagée, afin que l’échelon jugé le plus pertinent en assure la mise en oeuvre » [69]. Elle est également un moyen d’agir sur l’efficacité des actions communes tout en évitant un gaspillage des moyens.

Quant aux modalités de désignation d’une collectivité territoriale chef de file, plusieurs solutions peuvent être envisagées – une fois précisée la question de savoir si les groupements de collectivités territoriales visent ou non les formes de droit privé (SEML, association, GIP, SPL). En effet, la loi peut décider :

  • de confier la coordination de l’ensemble des politiques locales à un niveau unique. Cette hypothèse est irréalisable pour des raisons politiques : il s’agirait alors de désigner la région chef de file systématique sur un ensemble de compétences porteuses… mais cette hypothèse irait à l’encontre du principe de libre administration et modifierait en profondeur la notion même de décentralisation.
  • de distinguer les chefs de file par type de compétences (ce que Force Ouvrière défend pour éviter des inégalités d’une région à l’autre et pour s’assurer d’une réelle cohérence pour la mise en œuvre des politiques publiques, partout sur le territoire).
  • de laisser aux collectivités locales le soin de désigner la collectivité chef de file en fonction de leurs besoins sur un champ de compétences donné (logique d’une décentralisation « à la carte » que Force Ouvrière dénonce et combat).

Comme Force Ouvrière le revendiquait, le législateur a choisi de recourir à la deuxième hypothèse. Le nouvel article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales prévoit donc que les collectivités territoriales joueront le rôle d’autorités coordinatrices des politiques locales pour l’exercice de compétences qui ne sont pas exclusivement assumées à un échelon précis. Mais, si Force Ouvrière peut relever un effort de clarification, il manque incontestablement, pour une application uniforme du principe sur tout le territoire, que le législateur détermine lui-même les objectifs à atteindre en la matière.

Le tableau ci-dessous présente les différentes compétences partagées pour
lesquelles chaque catégorie de collectivités territoriales se voit attribuer le rôle de chef de file :

Régions Départements Communes et établissements publics de coopération intercommunale
  • aménagement et au développement durable du territoire
  • protection de la biodiversité
  • climat, à la qualité de l’air et à l’énergie
  • développement économique
  • soutien de l’innovation
  • internationalisation des entreprises
  • intermodalité et complémentarité entre les modes de transports
  • soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche
- action sociale, développement social et contribution à la résorption de la précarité énergétique
 autonomie des personnes
 solidarité des territoires



Noter que le département « est consulté par la région en préalable à l’élaboration du contrat de plan conclu entre l’État et la région (…) afin de tenir compte des spécificités de son territoire »

  • mobilité durable
  • organisation des services publics de proximité
  • aménagement de l’espace ;
  • développement local

Si le législateur se fonde sur le principe de subsidiarité pour organiser la répartition de ces compétences et instituer des « chefs de file », il ne réserve pas à une catégorie de collectivité territoriale le pouvoir « d’imposer » aux autres les modalités de mise en œuvre d’une politique publique dont l’objet lui a pourtant été spécifiquement confié : ainsi chaque collectivité territoriale se voit « chargée d’organiser les modalités de l’action commune des collectivités territoriales », et non pas de la « déterminer ». Dans ce sens, et pour respecter les dispositions constitutionnelles en la matière, aucun dispositif de contrainte n’est prévu à l’encontre des autres collectivités territoriales. Seule la formule contractuelle peut permettre d’aboutir à une véritable coordination des collectivités territoriales autour d’un « chef de file ». Dès lors, la mise en œuvre de cette coordination passe par l’élaboration d’une convention territoriale d’exercice concerté dans le cadre des Conférences territoriales de l’action publique : « Les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l’exercice des compétences mentionnées aux II à IV sont débattues par la conférence territoriale de l’action publique prévue à l’article L. 1111-9-1 ».

A.2. Les Conférences territoriales de l’action publique (CTAP)

Les Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ont remplacé les conférences de l’exécutif créées par la loi du 13 aout 2004 de libertés et responsabilités locales.

Les conférences de l’exécutif régional étaient des instances régionales de concertation entre la région et les départements la composant, ayant pour mission d’étudier et débattre de tous sujets concernant l’exercice de compétences pour lesquelles une concertation est prévue par la loi et de tous domaines nécessitant une harmonisation entre les deux niveaux de collectivités. Elles ont été considérées comme « des lieux de négociation efficaces. Permettant de rassembler, de manière régulière, l’ensemble des acteurs responsables de politiques publiques du territoire, ces instances de dialogue favorisent la concertation et la mise en place de solutions pragmatiques en réponse à des difficultés locales. Lorsqu’elles sont activées régulièrement, les conférences des exécutifs accélèrent le temps de l’action publique locale » [70]. Ainsi, les documents parlementaires citent des expériences réussies de coordination locales, par exemple en Bretagne (le « B16 », qui réunit le président du conseil régional, les présidents des quatre départements composant la région et des onze communautés d’agglomération bretonnes, et dont l’existence et les méthodes de travail ont permis notamment l’aboutissement du cofinancement de la ligne à grande vitesse par les collectivités territoriales bretonnes). Cependant, la recherche d’une efficacité de la gestion des politiques publiques a conduit à la suppression des conférences de l’exécutif, qui faisaient doublon avec les conférences territoriales de l’action publique.

Instituées dans le texte déposé par le Gouvernement, elles ont vu leur marge de manœuvre affaiblies par le Parlement :

 L’Assemblée nationale s’est efforcée en effet de recentrer l’action de la conférence territoriale de l’action publique sur la coordination des acteurs locaux, et a supprimé le principe selon lequel la conférence territoriale de l’action publique pouvait se saisir de tout sujet d’intérêt local.
 Initialement la CTAP était constituée de deux formations, l’une permettant le dialogue État/collectivités territoriales, et l’autre dédiée exclusivement à la concertation locale. Cette double formation a été supprimée par le Sénat aux fins de simplification. Ainsi, instance de dialogue des collectivités territoriales, la CTAP peut accueillir/ associé à ses travaux le préfet et tout élu ou tout organisme non représenté.
 Les modalités de fixation de leur ordre du jour ont été supprimées au profit d’un principe de libre organisation de leurs travaux.

Au final, l’article 4 de la loi prévoit un nouvel article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales, qui créé dans chaque région, une Conférence territoriale de l’action publique. Celle-ci est chargée « de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics ». Elle « peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements », et « peut ętre saisie de la coordination des relations transfrontalières avec les collectivités territoriales étrangères situées dans le voisinage de la région ».

Présidée par le Président de la Région (ou par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution), la CTAP est constituée de :

Région Départements Communes Établissements publics de coopération intercommunale
L’exécutif régional
=> au cours des débats parlementaires est apparue l’idée que la présidence de la conférence territoriale de l’action publique par le président de la région limitait les risques d’une politisation accrue de la conférence territoriale de l’action publique
- Les présidents des conseils généraux ou un représentant de l’autorité exécutive des collectivités territoriales exerçant les compétences des départements sur le territoire de la région
  • Un représentant élu des communes de plus de 30 000 habitants de chaque département
  • Un représentant élu des communes comprenant entre 3 500 et 30 000 habitants de chaque département 
  • Un représentant élu des communes de moins de 3 500 habitants de chaque département
  • Les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de la région 
  • Un représentant élu des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de moins de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de chaque département 
  • Le cas échéant, un représentant des collectivités territoriales et groupements de collectivités des territoires de montagne, au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne

    Cette composition a fait l’objet de multiples modifications, de la part des sénateurs notamment, qui souhaitaient, à juste titre selon Force Ouvrière, que les communes rurales bénéficient d’une représentation au sein de la CTAP.

    Un décret précisera les modalités d’élection ou de désignation des membres de la CTAP, sachant que « pour la désignation dans chaque département des représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre non membres de droit de la conférence territoriale de l’action publique
    et lorsqu’une seule liste complète de candidats réunissant les conditions requises a été adressée au représentant de l’État dans le département, il n’est pas procédé à une élection ».

    Quant à son fonctionnement, la conférence « organise librement ses travaux, au travers de commissions thématiques, et leur publicité dans le cadre de son règlement intérieur. Elle est convoquée par son président, qui fixe l’ordre du jour de ses réunions. Chaque membre peut proposer l’inscription à l’ordre du jour de questions complémentaires relevant des compétences exercées par la personne publique ou la catégorie de personnes publiques qu’il représente ou pour lesquelles cette personne publique est chargée d’organiser les modalités de l’action commune des collectivités territoriales.

    Le représentant de l’État dans la région est informé des séances de la conférence territoriale de l’action publique. Il y participe lorsque la conférence donne son avis sur une demande d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre tendant à obtenir la délégation de l’exercice d’une compétence de l’État dans le cadre fixé à l’article L. 1111-8-1. Il participe aux autres séances à sa demande.

    La conférence territoriale de l’action publique peut associer à ses travaux tout élu ou organisme non représenté. Elle peut solliciter l’avis de toute personne ou de tout organisme ».

    Lorsqu’elle débat des projets visant à coordonner les interventions des personnes publiques (et notamment les modalités de mise en œuvre du chef de filât [71]), elle devient le terrain de l’élaboration des conventions territoriales d’exercice concerté d’une compétence. Cette convention « fixe les objectifs de rationalisation et les modalités de l’action commune ».

    Est ainsi visée, la définition des modalités de mise en œuvre du chef de filât, qui peut conduire notamment à :

     Des délégations de compétences entre collectivités territoriales, ainsi que les délégations de la région ou du département à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8. 
     La création de services unifiés, en application de l’article L. 5111-1-

    L’institution d’un système contractuel ne va pas bouleverser les pratiques du développement local. En effet, la contractualisation entre collectivités territoriales s’est développée depuis les années 1980, et elle est utilisée notamment comme un moyen de lutter contre les dispersions des centres de décisions afin d’assurer la coordination des actions publiques : par exemple, la loi du 2 janvier 2002 a prévoit la conclusion dans chaque département d’une convention pluriannuelle conclue entre l’État, le département et les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale gestionnaires d’établissements ou de services afin de coordonner la mise en œuvre de l’action sociale et médico-sociale. Mais cette nouvelle affirmation de la notion de chef de file est sans doute un peu plus poussée que celle qui résultait de la loi du 13 août 2004 (en effet, cette loi a affirmé le rôle de chef de file de la région et du département, respectivement en matière de développement économique et d’action sociale) : les conventions d’exercice concerté des compétences, pourraient sans doute, de par leur terminologie même, avoir une valeur plus contraignante que les schémas régionaux et départementaux qui découlent de la mise en œuvre du dispositif prévu en 2004. Mais ce qui ressort de la législation de 2004 c’est la consécration de la qualité de « chef d’orchestre » des collectivités territoriales chef de file qui « sans contrainte mais par l’emploi d’une gestuelle incitatrice et coordinatrice, parvient à assurer la cohérence de participation des intervenants » [72]. Et c’est bien « un chef d’orchestre » qu’est la collectivité territoriale chef de file, dès lors qu’elle est dénuée de tout pouvoir juridique : cette négation pouvait constituer un problème en 2004, qui pouvait conduire à nier l’efficacité même du principe du chef de filât. En effet, même si le chef de filât du département et de la région était constitué par la mise en place de schémas départementaux et régionaux de développement établis en concertation avec les autres acteurs locaux, leur concrétisation ne dépendait que de la bonne volonté de ces derniers.

    La loi de janvier 2014 impose aux collectivités territoriales d’élaborer un projet de convention pour chacun des domaines de compétences pour lesquels le législateur les a reconnu chef de file (noter que la région et le département « élaborent un projet de convention », et que les communes « peuvent élaborer un projet de convention » [73]). Ces projets de convention prévoient « les niveaux de collectivités territoriales concernés ou les collectivités compétentes définies par des critères objectifs sur l’ensemble du territoire de la région », ainsi que les modalités de délégation de compétence ou de mise en place de services unifiés. Ainsi, comme en 2004, le législateur reconnaît à chaque catégorie de collectivité territoriale chef de file un rôle d’impulsion / orientation / coordination / animation. De plus, elle confère à ces conventions un caractère incitatif, dès lors que « les stipulations de la convention sont opposables aux seules collectivités territoriales et établissements publics qui l’ont signée. Elles les engagent à prendre les mesures et à conclure les conventions nécessaires à sa mise en oeuvre ».

    Outre la question de savoir si cette disposition instaure une véritable responsabilité contractuelle des collectivités territoriales (question que Force Ouvrière a posé au gouvernement), il est certain que les collectivités territoriales non signataires ne pourront bénéficier des « avantages » qui pourraient découler de ce contrat.

    Par exemple, la collectivité territoriale qui ne contracte pas avec la région « responsable » du développement du territoire et de l’aménagement et du développement durable du territoire risque de se voir priver de certaines compétences. La technique contractuelle peut présenter d’autres inconvénients : une collectivité territoriale pourrait se voir contrainte d’adhérer à des clauses qui ne la satisfont pas, et définies en dehors de son consentement. De même, l’idée d’une « tutelle masquée » ou indirecte, peut être avancée : en effet, la notion de tutelle peut également être entendue dans un sens beaucoup plus large, et revêtir des formes plus « insidieuses » consistant à contraindre une collectivité à effectuer certains choix, à influencer ses décisions ou à lui imposer le respect de certaines conditions, de telle ou telle procédure [74] ou encore à contraindre une collectivité à financer certains projets. Mais, s’en tenir à cette acceptation large de la notion conduit à la vider de sa substance, car dans de telles hypothèses, toutes les relations inter collectivités territoriales devraient être considérées comme une forme de tutelle.

    Pour autant, on doit considérer que le législateur a imaginé « une procédure qui permette à toutes les collectivités partenaires d’adhérer en amont et de participer à la définition du programme d’actions »  [75] : en effet, les collectivités territoriales examinent, au sein des CTAP, sur les projets de convention proposées par les collectivités territoriales « chefs de file ». Les conditions de cet examen ne sont pas précisées et il reviendra aux conférences territoriales de l’action publique de les déterminer dans leur règlement intérieur. Toujours est-il que le principe de libre administration des collectivités territoriales est pleinement respecté par cette procédure d’élaboration de la convention qui ne peut excéder six ans, durée d’un mandat local. De même, il est prévu qu’ « au moins une fois par an, la collectivité territoriale chargée d’organiser les modalités de l’action commune adresse à l’organe délibérant des collectivités territoriales et aux établissements publics concernés un rapport détaillant les actions menées dans le cadre de la convention territoriale d’exercice concerté de la compétence ou du plan d’actions, ainsi que les interventions financières intervenues » (article L. 1111-9-1, VIII). Il y a donc un bilan de la mise en oeuvre de la convention, ce bilan devant faire « au terme d’une période de trois ans ou en cas de changement des conditions législatives, réglementaires ou financières au vu desquelles elles ont été adoptées ».

    Coordinatrice, la collectivité territoriale chef de file doit respecter le principe de libre administration des autres collectivités territoriales. Cependant, le texte, sur quelques points, ne nous paraît pas très clair :

     D’une part, « la collectivité territoriale ou l’établissement public auteur du projet de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence peut prendre en compte les observations formulées lors des débats de la conférence territoriale de l’action publique pour modifier le projet présenté ». Il semble alors que la convention puisse ne pas faire l’unanimité.

    Lors des débats parlementaires, s’est posée la question de savoir si la convention territoriale d’exercice concerté de compétence était « définie » ou « débattue » dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique. Or, le terme « débattre » est plus large que le terme « définir »… on en déduit que le dernier mot appartient à la collectivité territoriale rédactrice ?

     D’autre part, le projet de convention une fois examiné est transmis au représentant de l’État dans la région, et aux collectivités territoriales et établissements publics appelés à prendre les mesures nécessaires à sa mise en œuvre. Les organes délibérants de ces derniers disposent de trois mois pour approuver la convention, qui sera signée par leur président.

    Y-a-t-il alors une obligation de signer certaines conventions et pas les autres ? En principe, non, et cette absence d’obligation est en lien avec le principe de libre administration – et de la liberté contractuelle des collectivités territoriales. Mais « quid », alors, des collectivités territoriales non-signataire ?

    Pour Force Ouvrière, on risque fort de se retrouver face à une organisation peu rationnalisée et incohérente du territoire, car aux différences régionales que consacre la loi, s’ajouteront des différences infrarégionales…

    Néanmoins, le législateur a adopté un dispositif d’incitation : la non signature de la convention d’exercice concertée des compétences conduit la collectivité territoriale récalcitrante à se soumettre aux dispositions générales relatives, notamment aux financements croisés.

     Enfin, l’affirmation du caractère contractuel de ces conventions (il ressort en effet de la lecture de ces dispositions que, finalement, au même titre qu’un contrat elles tiennent lieu de loi aux collectivités territoriales qui les ont signées) permet-t-il de conclure à l’existence d’une responsabilité contractuelle des collectivités territoriales en cas de leur non-respect ? Là encore, les débats parlementaires conduisent à répondre positivement à cette question. En effet, le dispositif législatif prévoit également que les collectivités territoriales pourront débattre des modalités de rationalisation des compétences partagées pour lesquelles la loi n’a pas désigné de chef de file. Or, cette procédure ne peut conduire à l’existence de « sanction », dès lors que seul le législateur peut désigner une collectivité territoriale comme chef de file.

    B. LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME DE « COMPÉTENCES DÉLEGUÉES »

    Non prévu dans le texte initial du Gouvernement, le principe d’une délégation des compétences de l’État vers les collectivités territoriales a fait l’objet d’un amendement par les sénateurs du groupe écologique. Il s’agit là de l’affirmation de la « décentralisation à la carte », réalisée de façon différente d’une région à l’autre, que combat fermement Force Ouvrière.

    En conséquence, l’article 1er de la loi de modernisation de l’action publique territoriale (ce même article concerne également le retour de la clause générale de compétence) prévoit l’insertion d’un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales, intégré dans le chapitre 1er du code, consacré à la libre administration des collectivités territoriales :

    « Art. L. 1111-8-1. – Sauf lorsque sont en cause des intérêts nationaux, l’État peut déléguer par convention à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences.

    Les compétences déléguées en application du présent article sont exercées au nom et pour le compte de l’État. Elles ne peuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement.

    Aucune compétence déléguée ne peut relever de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l’état et de la capacité des personnes, de l’organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l’ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes, ainsi que du droit électoral, ou intervenir lorsqu’elle affecte les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ou porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées à l’État sans faculté expresse de délégation par les engagements internationaux de la France, les lois et les règlements.

    La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaite exercer une compétence déléguée par l’État soumet sa demande pour avis à la conférence territoriale de l’action publique. La demande et l’avis de la conférence territoriale sont transmis aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région.

    Lorsque la demande de délégation est acceptée, un projet de convention est communiqué à la collectivité territoriale ou à l’établissement public demandeur dans un délai d’un an à compter de la transmission de sa demande.

    La délégation est décidée par décret. La convention prévue au premier alinéa en fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en oeuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État ».

    Cet article se rapproche fortement des dispositions de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa version à venir au 1er janvier 2015 : la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a en effet prévu qu’ « une collectivité territoriale peut déléguer à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire, qu’il s’agisse d’une compétence exclusive ou d’une compétence partagée ». [76]

    Les modalités de mise en œuvre de ces deux procédures sont les mêmes et devront conduire à une convention entre l’État et la collectivité territoriale concernée, ou entre collectivités territoriales. Heureusement, à aucun moment il ne s’agit d’un transfert de compétence : en effet, la répartition des compétences relève exclusivement du législateur, en application de l’article 34 de la Constitution. Ainsi, qu’il s’agisse des rapports entre collectivités territoriales ou entre l’État et les collectivités territoriales, les compétences concernées « sont exercées au nom et pour le compte de l’État ». La seule différence entre ces deux articles réside dans le périmètre des compétences concernées : les dispositions adoptées dans le cadre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale ont un champ plus large que celles qui relèvent de la loi du 16 décembre 2010, dès lors qu’il s’agit délégation de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, et cela sur leur initiative.

    Outre cette relation avec le futur article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, le principe même de la délégation de compétence de l’État vers les collectivités territoriales appelle plusieurs observations : en effet, cet article peut être mis en relation avec des dispositions constitutionnelles existantes (B.1). De plus, cette disposition étend le champ des relations contractuelles entre l’État et les collectivités territoriales (B.2).

    B.1. Le rapprochement de la délégation de compétences avec des dispositions constitutionnelles : les expérimentations prévues aux articles 37-1 et 72 de la Constitution

    a. L’article 37-1 de la Constitution

    Institué par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 37-1 de la Constitution prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Il constituait l’un des moyens de la saisine du Conseil constitutionnel par les sénateurs avant la promulgation de la loi constitutionnelle : était dénoncé le fait que la pratique de l’expérimentation ainsi déterminée est posée dans des termes beaucoup plus larges que ne l’avait autorisée la jurisprudence du Conseil constitutionnel : deux décisions de 1993 [77] et 1994 [78] ont permis de donner un cadre à l’expérimentation. Ainsi, la constitutionnalité de l’expérimentation était liée à la réunion de quatre critères : une durée limitée par les dispositions expérimentales elles-mêmes, une évaluation des effets de l’expérimentation, et enfin la généralisation du dispositif par une disposition législative.

    L’atteinte au principe d’égalité, et l’absence de disposition propre à garantir la préservation des libertés et des droits constitutionnellement garantis, était également mise en avant. On sait que le Conseil constitutionnel a refusé de vérifier la constitutionnalité de cette réforme.

    Ces dispositions n’entrent pas dans le titre XII de la Constitution réservé aux collectivités territoriales, et visent principalement les réformes internes de l’État. Mais, elles peuvent servir à la politique de décentralisation, et rien n’empêche le législateur de recourir à ces dispositions pour transférer des compétences aux collectivités territoriales : l’article 142 de la loi du 27 décembre 2006, loi de finances pour 2007, prévoyait par exemple que, « à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les départements qui le souhaiteront pourront se voir confier le financement de la prime de retour à l’emploi versée aux bénéficiaires du revenu minimum d’insertion. Ils pourront notamment, par dérogation aux dispositions du code de l’action sociale et des familles en augmenter le montant, en modifier la périodicité ou la durée de versement ». La délégation de compétence telle qu’elle peut résulter de l’article 37-1 de la Constitution n’est absolument pas encadré. Il ne nécessite aucune loi organique pour être mis en œuvre. Cette souplesse a l’inconvénient de ne pas fixer les limites formelles (durée) et matérielles de cette forme « d’expérimentation-transfert » (que n’est pas la procédure d’expérimentation prévue par l’article 72 de la Constitution). Dans ce cadre, la sanction peut tomber facilement, fondée sur l’atteinte à l’égalité des administrés et sur le risque d’une organisation différentiée des collectivités territoriales. Aussi, fort heureusement, cette forme d’expérimentation n’a-t-elle eu que peu de succès en matière de décentralisation : une dizaine est proposée, en matière de protection du patrimoine, transfert d’aérodrome, ou organisation des écoles primaires.

    b. Les dispositions relatives à l’expérimentation, prévue par l’article 72, al. 3 de la Constitution

    Dans une décision du 17 janvier 2002 relative à la Corse (n° 2001-454 DC), le Conseil constitutionnel avait censuré la reconnaissance de la possibilité pour la collectivité territoriale de Corse de prendre des mesures relevant du domaine de la loi, parce que la loi déférée était intervenue « dans un domaine qui ne relève que de la Constitution » : le Conseil constitutionnel a rappelé l’hypothèse selon laquelle le législateur ne peut troubler la répartition constitutionnelle des compétences en envisageant des délégations non expressément prévues par la Constitution. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a donc intégré le processus de l’expérimentation dans le cadre constitutionnel. Ce que Force Ouvrière continue de dénoncer.

    Ainsi, « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétence ».

    A ce stade, on peut établir la comparaison suivante :

    Expérimentation
    (Loi organique du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales)
    Délégation de compétences
    (Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, article 1er)
    Objet : dérogation à titre expérimental aux dispositions législatives et règlementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences

    Durée : limitée, l’expérimentation ne peut excéder 5 ans

    Limites :
    • domaine d’intervention précisé par la loi ou le règlement
    • sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti

    Procédure :
    L’initiative de l’expérimentation relève du législateur qui définit son objet et sa durée. Les dispositions auxquelles il peut être dérogé sont limitativement énumérées, et la loi mentionne également les catégories de collectivités territoriales (nature juridique et caractéristiques) qui peuvent participer à cette expérimentation.
    Dans le délai défini par la loi, les collectivités territoriales intéressées par la procédure doive faire passer leur demande au ministre des collectivités territoriales par l’intermédiaire du préfet.
    Un décret en Conseil d’État autorise ainsi les collectivités territoriales à procéder à l’expérimentation.

    Les actes pris par les collectivités territoriales dans le cadre de l’expérimentation sont publiés au JORF, sachant que le préfet continue à exercer son contrôle et peut saisir le tribunal administratif en cas d’illégalité.

    Avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport assorti des observations des collectivités territoriales participantes.
    Avant la fin de l’expérimentation, la loi détermine :
    • les conditions de la prolongation ou de la modification de l’expérimentation pour une durée qui ne peut être supérieure à trois ans
    • le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental
    • l’abandon de l’expérimentation

    + contrôle par l’évaluation.
    Objet : délégation par l’État de ses propres compétences à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale qui en fait la demande

    Durée : déterminée par la convention

    Limites :
    • Cette délégation ne peut constituer une habilitation à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement (préservation de l’unité de la République).
    • Exclusion des domaines relevant de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l’état et de la capacité des personnes, de l’organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l’ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes, ainsi que du droit électoral
    • Aucune compétence déléguée ne peut porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées aux services de l’État par les lois et règlements
    • Pas d’affectation des conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti

    Procédure :
    L’initiative de la délégation relève de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale intéressé.
    Avis de la conférence territoriale de l’action publique. Et transmission aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région.
    La délégation est décidée par décret.
    Dans l’année qui suit l’acceptation de la demande, transmission à la collectivité territoriale d’un projet de convention qui fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en œuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire.
    Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État.

    Il ressort de cette comparaison qu’en principe l’expérimentation et la délégation de compétences de l’État n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Nonobstant leur valeur (constitutionnelle pour l’une, législative pour l’autre), la distinction entre l’expérimentation et la délégation de compétences repose sur leur objet : la délégation de compétences vise à permettre aux collectivités territoriales de mettre en œuvre des compétences qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert par le législateur. Par opposition, l’article 72, al. 3, de la Constitution vise à déroger aux modalités de mise en œuvre de compétences qui leur ont déjà été transférées.

    Néanmoins, les mêmes remarques et critiques peuvent être faites, tant à l’égard de l’expérimentation, que de la délégation de compétences :

     La préservation de l’unité législative et de l’indivisibilité de la République

    L’expérimentation normative a fait l’objet de multiples critiques, en particulier de la part de Force Ouvrière, notamment parce qu’elle porte atteinte au principe d’unité normative et d’indivisibilité de la République. Pour autant, le Conseil constitutionnel, portant théoriquement gardien de ce principe, a validé le dispositif dans sa décision du 30 juillet 2003 portant sur la loi organique relative à l’expérimentation [79]. Pour Force Ouvrière, le dispositif n’est pas suffisamment encadré pour ne pas conduire à une remise en cause des principes de l’indivisibilité de la République et d’unité législative.

     La remise en cause de l’uniformité institutionnelle des collectivités territoriales

    L’expérimentation fait également craindre une remise en cause du principe d’égalité entre les collectivités territoriales voire entre les administrés (en effet la possibilité d’une dérogation aux lois et aux règlements en vigueur conduit à une rupture d’égalité des citoyens devant la loi). Mais cette crainte a été refoulée, ce qui peut être vu comme un paradoxe, dès lors que le principe même de l’expérimentation est entièrement fondé sur une rupture de l’égalité des collectivités territoriales : le fait de mettre en œuvre le processus expérimental, et de sélectionner certaines collectivités territoriales volontaires et non les autres, conduit à une rupture du principe d’égalité, rupture toutefois validée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a en effet souligné que « rien ne s’oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu’elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle » et permettent ainsi « au Parlement d’autoriser temporairement, dans un but expérimental, les collectivités territoriales à mettre en oeuvre, dans leur ressort, des mesures dérogeant à des dispositions législatives et susceptibles d’être ultérieurement généralisées » [80]. En théorie, l’expérimentation n’est que temporaire et il revient au législateur, à l’issue de la période déterminée de décider des suites à lui donner. Or, la pratique montre qu’une expérimentation est toujours la préfiguration d’une généralisation. Et le législateur organique n’a pas pris en compte les cas où une expérimentation jugée réussie ne peut donner lieu à une généralisation sur l’ensemble du territoire : dans une telle hypothèse en effet, est-ce la collectivité territoriale concernée serait contrainte à une forme de « retour en arrière », au nom du principe d’égalité et d’uniformité législative ?!

    De plus, ce principe d’égalité fait l’objet de critiques et d’attaques, l’idée étant qu’il irait à l’encontre de l’esprit actuel de la décentralisation, renforcé par l’article 1er de la Constitution qui affirme que l’organisation de la République est décentralisée. En bonne cohérence avec ce principe, la collectivité territoriale concernée par une expérimentation jugée réussie pourrait/devrait voir son statut évoluer. Dans ce sens, la délégation de compétences, fondée sur la signature d’une convention, apparaît « comme une solution souple et évolutive pouvant adapter les compétences aux réalités des différentes collectivités ». Cependant, au cours des débats parlementaires, et comme Force Ouvrière, certains députés ont souligné le développement d’une décentralisation « à la carte », qui paraît, en elle-même, critiquable car « le législateur doit avoir le souci constant de renforcer le sentiment d’appartenance, plutôt que d’exacerber les différences territoriales ». En effet, on doit relever par exemple que la mise en œuvre de l’expérimentation a suscité un débat sur la question de savoir si les trois catégories de collectivités territoriales pouvaient répondre à l’appel à candidature du législateur. Aucune réponse tranchée à cette question ne pouvait être donnée au moment même de l’adoption du dispositif, d’autant qu’il arrive que le législateur partage lui-même une compétence entre plusieurs collectivités. De ce fait, seule la pratique peut attester d’une telle possibilité. En l’occurrence, les propositions d’expérimentation ne semblent n’avoir pour le moment visé qu’une catégorie de collectivité territoriale à la fois. La situation sera différente en matière de délégation de compétences, et elle paraît beaucoup moins anodine puisque l’initiative de cette délégation n’appartient pas au législateur mais aux collectivités territoriales : un département et une commune pourront estimer tous deux être les mieux à même d’exercer certaines compétences de l’État. Comment ce dernier devra-t-il réagir ? Dans une telle hypothèse, soit l’État acceptera la demande de chacun, soit il accordera sa préférence à l’un ou l’autre… en application alors du principe constitutionnel de subsidiarité, dont la teneur n’est que symbolique et politique : fondé sur une démarche de performance de l’action publique, il dispose d’un caractère relatif et contingent qui ne peut lui donner une véritable valeur juridique.

    Ces réflexions ne semblent pas avoir été soulevées lors des débats parlementaires, aussi devra-t-on patienter et voir quels sens pourront prendre les manifestations concrètes du dispositif. Rien n’est dit non plus, dans les débats parlementaires, sur les conséquences à tirer de la délégation de compétences : la convention pourrait-elle être prorogée éternellement ? Ou pourrait-elle conduire à la définition d’un nouveau statut pour certaines collectivités territoriales ? En effet, on rappelle que le législateur peut créer de nouvelles collectivités territoriales, et que la Constitution reconnaît aujourd’hui l’existence possible de collectivités territoriales à statut particulier. Cette « nouveauté » découle de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, au même titre que l’expérimentation, le principe de subsidiarité, la notion de collectivité territoriale chef de file. L’ensemble de ces dispositions rendent la réforme ambigüe car, au lieu de procéder à une réforme nette des collectivités territoriales, elle a introduit un certain nombre de mécanismes susceptibles de les transformer et qui vont à l’encontre de toute idée de « clarification » des compétences. En parallèle, la jurisprudence constitutionnelle, initialement fondée sur le principe d’unité catégorielle des collectivités territoriales [81] a conduit à l’aménagement progressif du principe d’égalité entre collectivités territoriales. Dès lors, « la seule question qui demeure (…) est de savoir jusqu’à quel point des différences, donc des inégalités, sont acceptables entre collectivités ». Aucune réponse juridique ne peut être donnée, et le législateur a pris appui sur les nombreux dispositifs en place (constitutionnels et jurisprudentiels) pour faire évoluer les collectivités territoriales dans un sens contraire à l’uniformité : pour des motifs fondés sur la nécessité d’adapter les collectivités territoriales aux nouvelles réalités du territoire, de les engager dans une modernisation de leurs politiques aux fins, notamment, de les faire contribuer à la réduction du déficit public, etc. Dans ce sens, la loi du 16 décembre 2010, avec ses dispositions financières et fiscales, a mis à mal la définition doctrinale des collectivités territoriales. De même, elle a posé les prémices d’une rupture de l’égalité catégorielle des collectivités territoriales avec, notamment, la création des métropoles. Réformées par la loi de modernisation de l’action publique territoriale, celles-ci pourront exercer, de manière facultatives ou non, certaines compétences relevant de l’État ou d’autres catégories de collectivités territoriales. Avec la délégation de compétences, la « régionalisation » de la France, avec la possible adoption de statuts concertés pour les collectivités territoriales, sur le modèle des collectivités autonomes espagnoles, semble être en marche. Bref, la République est déjà grignotée.

    B.2. En outre, la délégation de compétence consacre l’extension de la contractualisation institutionnelle entre l’État et les collectivités territoriales.

    Le principe d’un transfert de compétences dans un cadre définit par le législateur n’exclut pas la possibilité pour l’État de mettre en œuvre sa politique décentralisatrice dans un cadre contractuel : tel est ce qu’il ressort de la décision du Conseil constitutionnel du 19 juillet 1983, Loi portant approbation d’une convention fiscale avec le territoire d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie [82]. Ainsi, aucune règle constitutionnelle ne s’oppose à ce que l’État puisse passer des conventions avec les collectivités territoriales, et que ces conventions aient « pour objet d’harmoniser l’action des administrations respectives de l’État, d’une part, et des collectivités territoriales, d’autre part, dans l’exercice des compétences qui leur sont dévolues en vertu de la Constitution et de la loi ». De fait, la compétence exclusive du législateur n’interdit pas le recours au contrat interinstitutionnel [83]. Or, dès 1982, la reconnaissance institutionnelle de la décentralisation a fait évoluer les rapports entre l’État et les collectivités territoriales : la hiérarchisation des rapports et le principe d’une subordination des collectivités territoriales au pouvoir étatique ont laissé place à davantage de coordination et de concertation entre les acteurs locaux et nationaux. Aussi le paysage contractuel administratif est-il largement ponctué de conventions conclues entre l’État et les collectivités territoriales, sans qu’il n’y ait aucun doute sur leur nature administrative [84] : les exemples les plus fréquents restent les contrats de mise en œuvre des politiques publiques, dont les contrats de plan État-Régions, institués en 1982 dans les dispositions législatives relatives à la planification [85] sont les principaux représentants. à l’origine, ce plan de la région s’articulait autour des grands axes stratégiques de développement du territoire posé par le plan national, et faisait l’objet d’une convention signée avec l’État. Ces contrats de plan État-régions consistaient donc en la mise en œuvre d’une politique commune sur le territoire de la région, financièrement soutenue par l’État. Ils ont progressivement gagné leur autonomie par rapport au plan national, d’autant que celui-ci a été abandonné en 1994. Devenus contrats de projets État-Régions en 2006 [86], ils ont fait l’objet d’une réforme visant à les articuler davantage à la politique d’aménagement du territoire. Il faut aussi souligner les contrats de ville, initiés en 1984, et les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance créés en 1997. En dehors de ces convention de mise en œuvre des politiques publiques, existent des conventions de prestation, ou des conventions de maîtrise d’ouvrage des bâtiments de l’État qui visent à pallier les retards accumulés par l’État en matière de construction immobilière en encourageant les collectivités territoriales à prendre part au financement et à la construction d’opérations immobilières.

    A cette liste doit donc s’ajouter, dorénavant, les conventions relatives à la délégation des compétences de l’État vers les collectivités territoriales. Le nouveau dispositif législatif prévoit que l’initiative de la collectivité territoriale d’exercer au nom et pour le compte de l’État l’une de ses compétences est débattu dans le cadre de la CTAP évoquée précédemment. Elle « peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements » (article 3 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale). La demande de délégation de compétence est ensuite transmise aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région. La délégation est décidée par décret et, dans l’année qui suit l’acceptation de la demande, l’État devra transmettre à la collectivité territoriale un projet de convention qui fixera la durée, les objectifs à atteindre, les moyens mis en œuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Rien de plus n’est précisé sur cette convention, dont les modalités devront être définies par décret en Conseil d’État. Or, si le dispositif de délégation de compétences de l’État aux collectivités territoriales se rapproche du dispositif institué par la loi du 16 décembre 2010, il paraît pertinent de penser que la convention de délégation prévue par le nouvel article L. 1111-8-1 reprendra certaines des modalités prévues pour les conventions de délégation de l’article L. 1111-8. Ces modalités sont précisées à l’article 1er du décret du 7 mai 2012 pris pour l’application des articles L. 1111-8 et L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales [87]. Ainsi elle devra sans doute être approuvée par une délibération de l’assemblée de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale concerné. Par ailleurs, sa signature conduira à subroger la collectivité territoriale délégataire dans tous les droits et obligations relatifs à l’objet de la délégation pendant la durée de celle-ci. Le reste des dispositions de cet article ne peut concerner les relations État - collectivités territoriales. Or, un certain nombre de questions se posent : la collectivité territoriale peut-elle refuser certaines des modalités prévues par la convention entièrement préparée par les services de l’État ? Surtout, quelle sera la valeur juridique de ces conventions ?

    On rappelle que le contrat, du point de vue du droit civil, est un accord de volonté liant les parties. Aussi certains auteurs ont pu considérer que les « conventions » liant les collectivités territoriales et l’État n’étaient en fait que des actes unilatéraux « déguisés » ou des engagements sans portée [88]. Pour autant, la jurisprudence a tendance à admettre la possibilité d’une responsabilité contractuelle de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales, et on doit noter depuis une vingtaine d’année, un essor du contentieux dans ce domaine. Ainsi, dans une espèce de 1989, Département de la Moselle [89], le juge avait admis la possibilité d’annuler, dans le cadre d’un contrat entre personnes publiques, les mesures prises par l’une des parties contraires aux clauses du contrat dès lors que celui-ci est un contrat relatif à l’organisation d’un service public. Par la suite, dans une décision du 12 mai 2004, Commune de La Ferté-Milon [90]. Mais, tout en reconnaissant la valeur contractuelle d’une convention ayant pour objet l’exécution du service public de la paye des personnes de police de l’État, il a limité la possibilité pour le co-contractant de l’État (en l’espèce un département) de modifier unilatéralement la convention pour motif d’intérêt général. « La qualification de contrat et le principe de la responsabilité contractuelle sont donc retenus alors même que le consentement de l’État à l’offre de contracter de la part de la commune n’est pas libre, ou du moins qu’il est donné de manière générale et a priori par le législateur ».

    S’agissant des contrats « d’action publique » tels que les contrats de projets État-Région, la question de leur portée juridique a suscité de multiples réflexions, dès lors qu’ils ne créaient pas, semble-t-il, de véritables obligations à l’égard de l’État. La question a été tranchée par le Conseil d’État assez récemment, dans une espèce du 21 décembre 2007, Région Limousin [91], relative au renoncement par l’État à satisfaire ses engagements de co-financement de rames de TGV pendulaire. Le juge a reconnu la qualité de contrat susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l’État aux conventions relatives au financement et à la réalisation de cet ouvrage. Cependant, il assimile le désengagement de l’État à une résiliation unilatérale fondée sur des motifs d’intérêt général (en raison, notamment « au coût élevé et à la faible rentabilité socio-économique du projet de liaison par rames pendulaires »), cette opération constituant une prérogative exorbitante de droit commun au profit de l’administration en matière contractuelle. Ainsi la résiliation unilatérale était dépourvue de caractère fautif, même si elle engage quand même la responsabilité de l’État et ouvre droit à une réparation du préjudice subi par la collectivité territoriale.

    De ces deux espèces, il ressort que même si les conventions interinstitutionnelles entre État et collectivités territoriales ont une valeur contractuelle susceptible d’engager la responsabilité de l’État en cas de non-respect de ses engagements, le juge admet l’existence d’une hiérarchisation des rapports entre les parties. Seul l’État dispose, semble-t-il, de la faculté de se désengager pour un motif d’intérêt général, et éventuellement, d’un pouvoir de modification unilatérale.

    C. CONCLUSION DU I.2.1. 

    Pour conclure sur cette question, on doit souligner qu’aucune disposition de valeur constitutionnelle ne protège le principe d’une unité catégorielle des collectivités territoriales : sur ce point, les critères du principe de libre administration (existence de conseils élus, dotés d’attributions effectives et de moyens juridiques et financiers suffisants) restent muets et rien n’interdit au législateur de rompre cette unité catégorielle, dès lors que, malgré des statuts similaires, les collectivités territoriales présentent toutes des spécificités : petites ou grandes communes, en bord de littoral ou en zone de montagne, en zone urbaine ou en zone rurale, etc.

    En fait, pour Force Ouvrière, la principale question qui demeure, mais qui n’a pas de réponse juridique est de savoir jusqu’à quel point des différences, donc des inégalités, sont « acceptables » entre collectivités. Sur ce point, on doit souligner que la loi du 16 décembre 2010 a, dans ses dispositions financières et fiscales, déjà rompu « l’unité catégorielle des collectivités territoriales ». De même, les dispositions de 2010, et les articles de la loi de modernisation de l’action publique territoriale prévoient que les métropoles peuvent, par convention, exercer certaines compétences de l’État, du département ou de la région… la rupture de l’égalité catégorielle des collectivités territoriales est donc en marche, et la loi du 27 janvier 2014 ne fait pas autre chose qu’accentuer le processus. C’est une logique de décentralisation à la carte dans une République de territoires différents, que Force Ouvrière dénonce et combat.

    I.2.2. Les aspects financiers de la réforme

    A. LA COMPENSATION DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

    La Constitution prévoit (article 72-2) que « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Les conditions et règles de mise en œuvre de ces dispositions sont prévues par les articles L. 1614-1 à 1614-7 du code général des collectivités territoriales [92].

    Il en ressort un certain nombre de principes essentiels relatifs à la compensation qui doit être :

     Intégrale : les ressources transférées « sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l’État au titre des compétences transférées. [...] Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées » ; à côté des charges de fonctionnement sont donc également prises en compte les charges d’investissement. Le Conseil constitutionnel a récemment limité le périmètre de la compensation financière, en soulignant que l’aménagement des conditions d’exercice d’une compétence ne constitue pas une création ou une extension de cette compétence et ne justifie pas de compensations financières supplémentaires [93].

     Concomitante : dès la loi de finances de l’année au titre de laquelle intervient un transfert des compétences, des crédits sont inscrits pour compenser celui-ci, la régularisation de leur montant étant effectuée par la suite, lorsque celui-ci est définitivement arrêté.

     Contrôlée : le montant des accroissements de charge résultant des transferts est constaté par arrêté interministériel, après avis de la Commission consultative sur l’évaluation des charges. Celle-ci est spécifiquement chargée de la définition des modalités de compensation allouées en contrepartie des transferts et de veiller à l’adéquation entre les charges et les ressources transférées.

     Garantie : les dotations correspondantes étaient traditionnellement indexées sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cependant, le montant de la dotation générale de décentralisation (DGD) est gelé depuis 2009. S’agissant des ressources fiscales transférées, lorsque leur produit est inférieur au montant du droit à compensation, l’État est tenu de majorer le montant de la fiscalité transférée à due concurrence.

     Conforme à l’objectif d’autonomie financière inscrit au sein de l’article 72-2, qui prévoit en son troisième alinéa que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ».

    Dans ces conditions, le nouveau dispositif législatif prévoit les modalités des transferts de compétences prévus à titre définitif (article 91), et reprend les modalités de transfert prévues par la loi du 13 août 2004 de libertés et de responsabilités locales :

    La loi pose le principe d’une compensation « au coût historique » des compétences transférées. Elle précise les modalités de calcul des droits à compensation des charges d’investissement et des charges de fonctionnement. Le décret en Conseil d’État pourra conduire à résoudre certaines difficultés : en effet, une compensation calculée uniquement en fonction des montants constatés pourrait conduire à accorder une forte compensation aux collectivités dans lesquelles des investissements importants ont été menés et où il sera donc moins nécessaire d’en mener de nouveaux. La rédaction retenue permettra éventuellement une répartition plus « intelligente » de la compensation, en fonction de critères objectifs, comme par exemple les besoins d’investissement.

    Le législateur rappelle son attachement au principe de garantie précité, même si cette garantie est axée sur la récupération d’une imposition… ce qui exclut le versement de toute dotation de la part de l’État. On assiste ici à ce qu’à dénoncé Force Ouvrière en 2014 lors des Assises sur la fiscalité : pour les ménages, cet acte III de décentralisation verra un transfert important de la fiscalité nationale, juste car progressive qu’est l’Impôt sur le Revenu, vers la fiscalité locale (non progressive et non liée au niveau de ressource, donc profondément injuste).

    Cela sera accentué par les objectifs budgétaires du gouvernement qui s’est fixé de diminuer les dotations aux collectivités territoriales (processus en cours depuis 2011 et qui doit représenter encore 10 Mds en moins d’ici 2017 !).

    A noter que le transfert de la compétence de la gestion des milieux aquatiques conduit à l’instauration d’une nouvelle taxe, la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Elle sera acquittée par les contribuables des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre substitués à leurs communes membres pour la gestion de cette compétence.

    Son montant sera déterminé par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale, dans la limite d’un plafond maximal déterminée par la loi de finances.

    B. DÉVELOPPEMENT, ENCADREMENT ET TRANSPARENCE DES MODES DE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES ACTEURS PUBLICS LOCAUX

    La loi crée cinq nouvelles dispositions sur l’encadrement du recours à l’endettement des collectivités territoriales. Chacune d’elles reprend les propositions contenues dans un rapport d’enquête sur les « produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux », déposé à l’Assemblée nationale en 2011 [94].

    Ces propositions, adoptées à l’unanimité par la commission d’enquête, avait fait l’objet d’une proposition de loi en 2012 [95]. Elles ont été insérées dans le projet de loi sur proposition de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et visent :

     La fin des délégations de signatures 15 jours avant le renouvellement des assemblées locales, afin d’éviter les négociations d’emprunts tardifs.

    Le président de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale est toujours « seul chargé de l’administration ». Dans ce cadre, il représente la collectivité territoriale dans tous ses actes et reçoit, pour ce faire, une délégation de pouvoir de la part de l’assemblée délibérante, en général pour la durée de son mandat. Selon la confiance que lui accorde l’assemblée délibérante, cette délégation lui permet de signer certains actes liés au fonctionnement de la collectivité territoriale, sans avoir à recourir à une délibération préalable de l’assemblée délibérante. Ce procédé permet de faciliter la gestion quotidienne de la collectivité territoriale, sachant qu’en principe, son président doit toujours, informer, même postérieurement, l’assemblée délibérante des démarches administratives qu’il a engagées au nom de la collectivité territoriale.

    En principe, la délégation de signature des assemblées délibérantes à leur président prend fin à l’expiration du mandat de ces derniers. Or, certains élus ont souligné l’existence de contrats d’emprunts importants souscrits dans les derniers jours du mandat d’une équipe précédente. Cette pratique ne permet pas à l’organe exécutif d’informer l’assemblée délibérante des décisions qu’il a prise, période électorale oblige. Ainsi la fin de la délégation de signature 15 jours avant l’expiration du mandat local pourra permettre une plus grande clarté dans la gestion des budgets locaux, sachant que, en cas de nécessité, l’exécutif de la collectivité territoriale pourra réunir l’assemblée délibérante et lui demander l’autorisation de prendre certaines mesures ponctuelles. Ainsi, les conditions d’un contrôle démocratique restent respectées.

     L’instauration d’un débat annuel des assemblées sur les stratégies financières et le pilotage de l’endettement : ce débat devra avoir lieu dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, et viser à informer correctement les élus sur la situation financière des collectivités territoriales. Le dispositif instauré par la loi permettra sans doute aux assemblées délibérantes, qui, en principe, décident des emprunts et qui, en pratique, confient cette responsabilité par délégation de signature à leur président, d’avoir un aperçu de la situation financière de la collectivité territoriale.

     L’obligation de provisionner les risques liés à la souscription des produits financiers. Cette disposition reprend l’obligation de provisionnement imposée par le récent avis du conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP), rendu public en juillet 2012, sur la prise en compte des emprunts et instruments financiers complexes dans la comptabilité des collectivités territoriales, des établissements publics de santé et des offices publics de l’habitat [96]. Ce principe d’un provisionnement obligatoire en cas de risque n’était pas convenablement mis en œuvre dans la règlementation antérieure. Or, « cette situation n’est pas satisfaisante : en l’absence de provisionnement retranscrivant les risques souscrits dans les documents budgétaires, les comptes produits ne peuvent respecter les principes de sincérité et d’équilibre réel applicables aux collectivités territoriales. C’est pourquoi il semble nécessaire d’obliger à provisionner le risque ainsi pris. Cette obligation aura en outre un effet dissuasif sur la souscription par les collectivités territoriales de produits présentant de forts risques de taux sous-jacents » [97].

    Il faut relever également que deux autres dispositions avaient été insérées, en première lecture, par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Elles n’ont finalement (et étonnement) pas été retenues :

     Le maintien du rapport annuel au Parlement sur l’état de la dette locale

     La soumission des conventions d’emprunt au contrôle de légalité, même quand ils sont de droit privé. Le principe de libre administration des collectivités territoriales n’empêche pas un contrôle de l’État sur leurs actes, celui-ci se manifestant par l’intervention du préfet : en effet, les actes des collectivités territoriales, pour être exécutoires, doivent faire l’objet d’une publication et d’un contrôle préalable du préfet. Depuis 1982, il ne s’agit plus d’un contrôle d’opportunité, mais d’un contrôle de légalité de saisir le tribunal administratif en vue d’une annulation de l’acte contesté.

    C. CONCLUSION DU I.2.2.

    La mise en œuvre de cette loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles doit être analysée dans le contexte d’austérité et de rigueur budgétaire.

    Dans ce cadre, les collectivités territoriales ont vu leurs ressources fiscales se raréfier de façon considérable et le gouvernement a annoncé à la fois 1,5 Mds de dotations en moins pour 2014 et une économie de 10 Mds entre 2015 et 2017 !

    Un cadre d’effet ciseaux est instauré : des missions transférées, sans compensation intégrale financière [98], qui s’ajoutent aux 2 Mds€ annuels non compensés par l’État pour des missions déjà transférées d’un coté / une baisse drastique des dotations de l’État, le tout avec l’instauration de part la loi de systèmes de contrôles et de sanctions budgétaires au niveau des collectivités.

    La question d’une « dynamique territoriale » se pose donc, car si le législateur semble tout miser sur une incitation des collectivités territoriales à s’organiser entre elles pour une meilleure efficacité et surtout une économie de moyens, les « efforts » du gouvernement vis-à-vis de l’organisation décentralisée de la République risquent d’être directement freinés par les difficultés financières des collectivités territoriales d’une part et les baisses des dotations de l’État.

    II. L’AFFIRMATION DES MÉTROPOLES

    L’intercommunalité donne la possibilité aux collectivités locales de se regrouper au sein d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui prend en charge des fonctions spécifiques (par exemple, le traitement des ordures ménagères). Les regroupements peuvent avoir une fiscalité propre (ce qui se traduit par certaines compétences obligatoires) ou présenter une forme associative sans fiscalité propre. Á cette dernière catégorie appartiennent les syndicats de communes.

    L’intercommunalité est ancienne : la loi du 22 mars 1890 crée le Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU). Cette forme de coopération connaît un renouveau à la suite des lois de décentralisation et de déconcentration. La loi du 6 février 1992 crée notamment les communautés de communes. La loi du 12 juillet 1999 sur l’organisation urbaine et la simplification de la coopération intercommunale, tente de répondre à l’émiettement communal qui perdure en incitant à la coopération. Déjà, à l’époque, celle-ci devait permettre, en relançant les regroupements de communes, à en réduire le nombre. Elle crée une nouvelle catégorie d’ECPI : la communauté d’agglomération, et ne prévoit plus que 3 types de coopérations à fiscalité propre au lieu des 5 précédentes : la communauté urbaine, réservée aux agglomérations de plus de 500.000 puis 450.000 habitants (loi du 16 décembre 2010) / la communauté de communes, à dominante rurale / et la communauté d’agglomération. Le district et la communauté de ville disparaissent.

    Enfin, la loi du 13 août 2004 permet aux EPCI à fiscalité propre d’exercer des compétences régionales ou départementales, sous certaines conditions, et la loi du 16 décembre 2010 crée de nouvelles personnes morales (métropoles, communes nouvelles) afin que l’ensemble du territoire soit couvert par des structures intercommunales avant juin 2013.

    La loi du 16 décembre 2010 favorise ainsi l’échelon intercommunal. Cette loi prévoit l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires, crée de nouvelles institutions communautaires à fiscalité propre, les métropoles, et un syndicat mixte « inter-intercommunal » (fédérant des EPCI à fiscalité propre), les pôles métropolitains. De plus, elle renforce le rôle de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) présidée par le préfet, pour créer ou dissoudre un EPCI. En outre, elle favorise la fusion de communes grâce à la commune nouvelle. Cette préférence pour l’intercommunalité ne fait que confirmer le mouvement ascendant en faveur de la création de ces structures depuis les lois du 6 février 1992 et du 12 juillet 1999.

    Aujourd’hui, l’intercommunalité regroupe près de 95% des communes et 90% de la population. La loi du 16 décembre 2010 poursuit ce processus en posant le principe de l’achèvement de la carte intercommunale avant le 1er janvier 2013 : à cette date, les communes devront toutes avoir intégré un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales).

    Des procédures autoritaires de regroupement ont ainsi été créées à cette fin, et ont été jugées conformes à la libre administration des collectivités territoriales par le Conseil constitutionnel dans trois décisions QPC du 26 avril 2013 (n° 2013-303 QPC, Commune de Puyravault - Intégration d’une commune dans un EPCI à fiscalité propre ; n° 2013-304 QPC, Commune de Maing - Retrait d’une commune membre d’un EPCI ; n° 2013-315 QPC, Commune de Couvrot - Fusion d’EPCI en un EPCI à fiscalité propre) [99].

    Force Ouvrière a dénoncé ces regroupements forcés et cette intercommunalité généralisée imposée. Nous positions sont reprises notamment dans les circulaires sur la réforme territoriale de 2010 : cf circulaires n°73 du 5 mai 2011, n°111 du 16 août 2011 et n°3 du 4 janvier 2012.

    L’intercommunalité devrait franchir une nouvelle étape avec la loi sur la modernisation de l’action publique, qui prévoit notamment le renforcement du degré d’intégration des intercommunalités, la rationalisation de l’organisation des services affectés aux compétences intercommunales, et la création dans les grandes agglomérations de métropoles nouvelles, qui constitueront le niveau le plus achevé de l’intégration intercommunale.

    II.1. DISPOSITIONS GÉNÉRALES SUR L’INTERCOMMUNALITÉ

    En réalité, la loi « ne porte que de façon limitée sur l’intercommunalité classique » [100].

    Notamment, les communautés réunissant plus de 250.000 habitants pourront devenir des communautés urbaines, alors qu’aujourd’hui ce statut est réservé aux communautés de plus de 450.000 habitants (article L. 5215-1 CGCT).

    Les sénateurs ont en outre doté les communautés d’une compétence en matière de protection contre les inondations et de gestion des cours d’eau. Ils ont aussi décidé qu’une partie de la dotation d’intercommunalité serait affectée en fonction du degré de mutualisation des EPCI. Ils ont également créé le pôle rural d’aménagement et de coopération, syndicat mixte qui réunira plusieurs intercommunalités dans le but d’élaborer et de conduire un projet d’aménagement et de développement de leur territoire.

    Dans l’actuel projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, quelques dispositions intéressent par ailleurs la communauté de communes. Son régime doit ainsi être aligné sur celui des communautés d’agglomération et des communautés urbaines. La définition de l’intérêt communautaire ne nécessitera plus l’accord des conseils municipaux des communes membres (deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population ou l’inverse), car la majorité des deux tiers du conseil de la communauté suffit, ce qui renforce l’intégration.

    La liste des compétences obligatoires de la communauté de communes est en outre complétée avec notamment la promotion du tourisme, et deux nouvelles compétences obligatoires, l’assainissement collectif et non collectif et la compétence d’aménagement de l’espace par l’adoption du plan local d’urbanisme (PLU). Cette dernière compétence serait également rendue obligatoire pour les communautés d’agglomération. Enfin, le projet prévoit que « l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne peut être dissous que par décret motivé rendu en conseil des ministres et publié au Journal officiel » afin de consacrer l’élection au suffrage universel des membres des EPCI.

    II.2. LES MÉTROPOLES

    En second lieu, la loi est en revanche très prolixe sur le statut des métropoles. Le titre II du texte s’intitule en effet « l’affirmation des métropoles ».

    La métropole a été créée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Elle est définie par l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : il s’agit d’un établissement public de coopération intercommunale qui regroupe, hors de la région Île-de-France, sur la base du volontariat, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 500.000 habitants « d’un seul tenant et sans enclave », mais aussi les communautés urbaines instituées par l’article 3 de la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines, c’est-à-dire Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg. Ce rassemblement de communes est censé constituer « un espace de solidarité, pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion ».

    L’article L. 5217-2 du CGCT fixe les modalités de création des métropoles, qui peut résulter :

     d’une création ex nihilo, selon la procédure de l’article L. 5211-5 du CGCT, sans toutefois que le préfet puisse en prendre l’initiative ;
     d’une transformation simple d’EPCI, selon la procédure de l’article L. 5211-41 du code ;
     d’une transformation avec extension d’EPCI, selon la procédure de l’article L. 5211-41-1, le périmètre de l’établissement pouvant être élargi aux communes nécessaires au développement de la métropole « et à son évolution en pôle européen » ;
     ou d’une fusion d’EPCI, selon la procédure de l’article L. 5211-41-3, sans toutefois que le préfet puisse en prendre l’initiative.

    Si les métropoles sont très proches des communautés urbaines, elles s’en distinguent en permettant un transfert de compétences d’autres collectivités publiques que les communes.

    L’article L. 5217-4 fixe ainsi les compétences de la métropole, issues :

     de transferts de plein droit des compétences dévolues aux communes membres en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, d’aménagement de l’espace métropolitain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif (assainissement, cimetières, abattoirs et marchés, services d’incendie) et de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie (paragraphe I de l’article L. 5217-4) ;
     de transferts de plein droit des compétences, exercées à l’intérieur du périmètre de la métropole, par le département en matière de transports scolaires, de gestion des routes, de zones d’activité et de promotion à l’étranger du territoire et de ses activités économiques (1 du paragraphe II) ;
     de transferts facultatifs, par voie de convention, des compétences attribuées au département en matière d’action sociale, de collèges, de développement économique, de tourisme, de politique culturelle et de sport (2 du paragraphe II) ;
     de transferts de plein droit des compétences exercées par la région en matière de promotion à l’étranger du territoire et de ses activités économiques (1 du paragraphe III) ;
     de transferts facultatifs, par voie de convention, de compétences de la région en matière de lycées et de développement économique (2 du paragraphe III) ;
     de transferts facultatifs des compétences de l’État pour la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures (paragraphe V).

    Deux arguments principaux avaient été avancés par les parlementaires saisissant le Conseil constitutionnel à l’encontre des métropoles.

    En premier lieu, l’incompétence négative du législateur a été soulevée, car celui-ci autorise les communes et les EPCI à créer sur leur seule initiative des métropoles qui peuvent exercer de plein droit des compétences attribuées au département et à la région. Le Conseil constitutionnel estime toutefois dans sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 sur la loi de réforme des collectivités territoriales que le renvoi au décret est conforme à la Constitution en ce qui concerne l’organisation de l’intercommunalité (c’est en effet par un décret pris à la suite de l’initiative des communes que les métropoles sont créées et non par les communes).

    En second lieu, les parlementaires invoquaient la méconnaissance du principe d’égalité, grief également écarté par le Conseil en raison des spécificités de la métropole, qualifiées de « carte d’identité de la métropole » dans le commentaire de cette décision  [101] : « le législateur a réservé la faculté d’obtenir le statut de métropole aux établissements publics de coopération intercommunale qui, situés hors de la région Île-de-France, forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 500 000 habitants et les communautés urbaines instituées par l’article 3 de la loi du 31 décembre 1966 susvisée ; qu’ainsi, il a entendu favoriser « un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire », afin de répondre aux enjeux économiques et aux besoins sociaux qui s’attachent à ce type de zones urbaines ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté ».

    Nice avait été la seule à demander ce statut dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010. La métropole Nice Côte d’Azur, seule créée à ce jour, existe ainsi depuis le 1er janvier 2012. Quatre intercommunalités, dont trois en montagne, ont fusionné pour lui donner naissance : Nice Côte d’Azur, Tinée, Vésubie et stations du Mercantour. Elle couvre 1400 km2 et concerne 550.000 habitants répartis entre 46 communes majoritairement rurales. Deux assemblées ont été créées : une assemblée consultative - le conseil des maires -, et une autre délibérante - le conseil métropolitain, constitué de 127 représentants des communes.

    La métropole est compétente en matière de développement économique, social et culturel, d’habitat, d’assainissement et de protection de l’environnement notamment. Elle récupère également des compétences départementales (les transports scolaires et la voirie départementale) et régionales (la promotion économique à l’international). Cette structure a permis aux plus petites communes de financer certains travaux comme la mise aux normes de leurs systèmes d’assainissement, grâce à une dotation de solidarité d’un montant de 9 millions d’euros sur un budget d’un milliard d’euros en 2013. Deux zones d’activités artisanales visant à maintenir l’emploi dans les vallées de l’arrière-pays vont également être créées par la métropole.

    La loi du 27 janvier 2014 révise le statut créé par la loi du 16 décembre 2010, notamment les règles entourant la création de la métropole, l’évolution de ses compétences et de sa gouvernance interne.

    S’agissant de la création de la métropole, la loi substitue à la métropole basée sur le volontariat une mise en place plus autoritaire dès lors que les conditions légales sont réunies. La métropole rénovée demeure un EPCI à fiscalité propre mais ses critères sont réformés.

    En effet, l’article 43 de la loi procède à une modification du statut de la métropole de droit commun créé par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. à ce titre, la nouvelle rédaction de l’article L. 5217-1 du CGCT modifie les critères de création de la métropole.

    Alors qu’en l’état actuel du droit, cette création est décidée dans les conditions prévues pour la création d’un EPCI à fiscalité propre (art. L. 5211-5, L. 5211-41-1 et L. 5211-41-3 du CGCT), et réservée aux EPCI formant un ensemble de plus de 500 000 habitants et aux communautés urbaines, la nouvelle rédaction de l’article L. 5217-1 prévoit que :

     les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants sont automatiquement transformés en métropole au 1er janvier 2015. Ce sera le cas de Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse ;
     sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes intéressées, peuvent obtenir par décret le statut de métropole, à leur demande, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région. Ceci concerne en pratique la communauté d’agglomération de Montpellier ;
     sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes intéressées, peuvent obtenir par décret le statut de métropole, à leur demande, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui sont le centre d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, exercent les compétences énumérées au paragraphe I de l’article L. 5217-2 en lieu et place des communes à la date d’entrée en vigueur de la loi déférée et exercent effectivement des fonctions de commandement stratégique de l’État et des fonctions métropolitaines ainsi qu’un rôle en matière d’équilibre du territoire national. Cette catégorie est subordonnée à une appréciation des critères d’exercice effectif de certaines fonctions. Elle permettrait la communauté urbaine de Brest de devenir une métropole.

    Pour Force Ouvrière, ce mode de création autoritaire pourrait être contesté du point de vue de la libre administration des collectivités territoriales, principe constitutionnel. Celle-ci suppose, en vertu du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, l’existence de conseils élus, dotés d’attributions effectives [102]. Elle suppose également l’exercice du pouvoir réglementaire des collectivités. Elle implique en outre une certaine liberté financière, ainsi que le précisent les dispositions de l’article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi ».

    Cependant, c’est bien la loi qui, en vertu de l’article 34 de la Constitution, détermine les principes fondamentaux de « la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources », si bien que la libre administration ne signifie pas la liberté d’organisation. Ceci se vérifie d’abord en ce qui concerne les institutions des collectivités : le Conseil constitutionnel estime ainsi que si « les collectivités territoriales " s’administrent librement par des conseils élus ", chacune d’elles le fait " dans les conditions prévues par la loi "  [103] ». Le Conseil a ainsi jugé dans sa décision du 2 juillet 2010, Commune de Dunkerque [104], que « la décision de procéder à la fusion de communes ne constitue pas un acte portant atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ». La commune requérante estimait pourtant que la tenue d’un référendum décisionnel sur une procédure de fusion privait les assemblées délibérantes de leur pouvoir d’appréciation.

    Ceci se vérifie également s’agissant de l’exercice des compétences des collectivités. En effet, c’est le législateur qui détermine les compétences des collectivités territoriales. L’existence d’une clause de compétence générale des collectivités a même été écartée par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi de réforme des collectivités territoriales [105].

    Le législateur peut aussi assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, à la condition que les unes et les autres répondent à des fins d’intérêt général : « Si le législateur peut, sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c’est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d’intérêt général, qu’elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu’elles n’entravent pas leur libre administration et qu’elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée  [106] ». Le Conseil constitutionnel a aussi admis que ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales l’obligation faite à ces dernières d’adhérer à un établissement public [107].

    De même, dans la décision n° 2007-548 DC du 22 février 2007 (Loi relative aux règles d’urbanisme applicables dans le périmètre de l’opération d’intérêt national de La Défense et portant création d’un établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense), le Conseil constitutionnel a admis que le législateur pouvait prévoir l’adhésion obligatoire de trois collectivités à un syndicat mixte dans la mesure où les obligations mises à la charge des collectivités sont définies de manière suffisamment précise.

    Enfin, s’agissant de la fiscalité des collectivités territoriales, la libre administration ne signifie pas l’autonomie fiscale. Pour le Conseil constitutionnel, il ne résulte ni de l’article 72-2 de la Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale [108]. C’est en effet au seul législateur qu’il revient de déterminer les règles relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures en vertu de l’article 34 de la Constitution.

    Nous pouvons aussi contester les dispositions de l’article 43 au regard du principe d’égalité devant la loi. La transformation automatique en métropole de certains EPCI à fiscalité propre, alors que la transformation d’autres EPCI à fiscalité propre en métropole serait subordonnée à l’accord des conseils municipaux, créerait une inégalité de traitement, d’une part, entre les EPCI susceptibles de devenir des métropoles et, d’autre part, entre ces conditions de création et les conditions de fusion de départements et de régions, pour lesquelles un référendum est nécessaire.

    Le Conseil constitutionnel a rejeté ces griefs dans sa décision du 23 janvier 2014. En effet par le dispositif de transformation automatique de certains EPCI en métropoles au 1er janvier 2015, le législateur a entendu donner une portée plus grande à la réforme de ce statut, garantissant qu’un nombre significatif de communautés urbaines et de communautés d’agglomération deviennent des métropoles, et que, dans le même temps, par le dispositif facultatif de transformation de certains EPCI en métropoles, le législateur a également entendu prendre en compte les particularités géographiques de quelques autres établissements de coopération intercommunale d’une taille significative et jouant un rôle particulier en matière d’équilibre du territoire. Il a considéré que ces motifs d’intérêt général pouvaient justifier des différences de traitement dans les conditions d’accès au statut de métropole sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi. Il a également rappelé qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose une consultation des électeurs préalable à la création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

    En conséquence, l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales a été déclaré conforme à la Constitution. S’agissant des compétences métropolitaines [109], on observe notamment un élargissement des compétences transférées par les communes dans le bloc de compétence « Protection et mise en valeur de l’environnement ». Les métropoles bénéficient également de la faculté d’obtenir des compétences transférées des régions et des départements par voie conventionnelle. Pour certaines compétences départementales, un transfert obligatoire est prévu au 1er janvier 2017. En revanche, les compétences régionales ne pourront être exercées que par délégation. Enfin, l’État offrira la faculté aux métropoles d’exercer par délégation un bloc de cinq compétences liées au domaine du logement.

    S’agissant des structures de la métropole, la loi crée deux nouvelles entités :

     La conférence métropolitaine : en vertu de l’article L. 5217-8 CGCT, la conférence métropolitaine est une instance de coordination entre la métropole et les communes membres, au sein de laquelle il peut être débattu de tous sujets d’intérêt métropolitain ou relatifs à l’harmonisation de l’action de ces collectivités. Cette instance est présidée de droit par le président du conseil de la métropole et comprend les maires des communes membres. Elle se réunit au moins deux fois par an, à l’initiative du président du conseil de la métropole ou à la demande de la moitié des maires, sur un ordre du jour déterminé ;
     Le conseil de développement : d’après l’article L. 5217-9 CGCT, un conseil de développement réunit les représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques et associatifs de la métropole. Il s’organise librement. Il est consulté sur les principales orientations de la métropole, sur les documents de prospective et de planification et sur la conception et l’évaluation des politiques locales de promotion du développement durable du territoire. Il peut donner son avis ou être consulté sur toute autre question relative à la métropole. Un rapport annuel d’activité est établi par le conseil de développement puis examiné et débattu par le conseil de la métropole. Le fait d’être membre de ce conseil de développement ne peut donner lieu à une quelconque forme de rémunération. 
En outre, la métropole européenne de Lille et l’eurométropole de Strasbourg associent les autorités publiques locales du pays voisin, les organismes transfrontaliers ainsi que les groupements européens de coopération territoriale dont elles sont membres aux travaux du conseil de développement de la métropole, selon des modalités déterminées par le règlement intérieur du conseil de la métropole. à Strasbourg, le conseil de développement de l’eurométropole associe les représentants des institutions et organismes européens.

    Les métropoles dont la création résultera de l’adoption de la loi sont régies par des statuts très différents, contredisant l’objectif de simplification initialement proposé.

    A. LYON

    La loi entérine la création au 1er janvier 2015 (et non au 1er avril 2015 comme initialement prévu), de la métropole de Lyon, qui aura le statut de collectivité territoriale à statut particulier [110] (article 72 de la Constitution, conformément à une idée préconisée par le rapport du Comité Balladur).

    Contrairement, en effet, à la métropole du Grand Paris et à la métropole d’Aix-Marseille-Provence, que la loi qualifie d’EPCI, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution.

    Aux termes de l’article L. 3611-1 introduit dans le CGCT par l’article 26 : « Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée "métropole de Lyon", en lieu et place de la communauté urbaine de Lyon et dans les limites territoriales précédemment reconnues à celle-ci, du département du Rhône ».

    Cette métropole dont le chef-lieu est fixé à Lyon [111], se substitue à la Communauté urbaine de Lyon (COURLY) qui comporte actuellement 58 communes et au département du Rhône sur le territoire de la métropole. Cette nouvelle collectivité va exercer dans son ressort les compétences d’un département du Rhône, les compétences d’un EPCI de type métropole et, par délégation, certaines compétences de la région et de l’État.

    La création de la métropole de Lyon est fondée sur l’article 72 de la Constitution qui dispose dans son premier alinéa, après avoir énuméré les collectivités territoriales de la République : « Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ». Ce n’est pas la première collectivité territoriale à statut particulier, mais l’originalité de la loi réside dans le fait qu’un morceau de territoire de la France métropolitaine ne fera plus partie d’un département. Exemple criant d’une balkanisation de la République !

    Devant le Conseil constitutionnel, les requérants dénonçaient l’absence d’un référendum local pour la création d’une telle collectivité territoriale à statut particulier. Cependant le dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution ne prévoit pas l’obligation pour le législateur de prévoir une telle consultation : « Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi », ce que le Conseil constitutionnel a rappelé pour déclarer que l’article L. 3611-1 du CGCT ne méconnaît pas les dispositions de l’article 72-1.

    La métropole sera dotée de compétences [112] très étendues reprenant celles du conseil général, principalement l’action sociale, mais aussi les compétences d’une intercommunalité et certaines compétences régionales. La métropole pourra également reprendre des politiques exercées par les communes membres, mais aussi leur en déléguer, comme l’action sociale. L’État pourra enfin déléguer à la métropole des compétences en matière de logement (aides à la pierre, logement prioritaire, droit au logement opposable) mais pas le logement d’urgence.

    La métropole bénéficiera d’un budget de trois milliards d’euros, mais les questions financières n’ont pas été jugées suffisamment abouties. Les sénateurs et le gouvernement ont donc décidé de mettre en place un groupe de travail pluraliste sur cette question pour affiner les propositions avant la fin de la navette parlementaire.

    Dans sa décision du 23 janvier 2014 précitée, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions relatives à la métropole de Lyon. Toutefois, il a assorti d’une réserve d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution de la disposition relative aux incompatibilités applicables au mandat de président du conseil de la métropole de Lyon, empêchant ainsi au maire de Lyon de présider la métropole (premier alinéa de l’article L. 3631-8 du CGCT dans sa rédaction résultant de l’article 26).

    B / PARIS

    La loi du 16 décembre 2010 avait exclu les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne du renforcement de l’intercommunalité. Le projet de loi du 10 avril 2013 supprime ce régime dérogatoire mais en crée un autre car dans ces trois départements les EPCI à fiscalité propre devront regrouper plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave formant un ensemble de plus de 300.000 habitants (pour la petite couronne) et 200.000 habitants (pour la grande couronne). Le projet crée également un établissement public dénommé « Métropole de Paris » composé de la ville de Paris et des EPCI à fiscalité propre de l’unité urbaine de Paris, lieu de vie de 6.5 millions de personnes. Le but du gouvernement est de créer l’établissement public Paris Métropole, regroupant les 124 communes de Paris ainsi que celles des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, qui s’occuperait surtout du logement, de l’aménagement et de l’environnement, et qui pourrait recevoir des compétences de l’État. Cet établissement public, qui aurait le statut de syndicat mixte, n’a pas une vocation intégratrice identique à celle d’un EPCI, car son objet est « de définir et de mettre en oeuvre des actions d’intérêt métropolitain » et un projet métropolitain.

    En mai, les sénateurs avaient supprimé avec grand bruit la métropole de Paris (texte adopté le 6 juin 2013). Le 7 octobre 2010, le Sénat restaure toutefois la future métropole du Grand Paris : à l’issue d’un débat marathon, le texte a été adopté par 156 voix pour et 147 contre.

    Le nouvel ensemble, qui deviendrait opérationnel au 1er janvier 2016, aurait le statut d’un EPCI à fiscalité propre, et non celui prévu au départ d’un syndicat mixte fédérant sans les supprimer les regroupements existants. La qualification d’EPCI à statut particulier est nouvelle : on connaissait les collectivités territoriales à statut particulier (Paris ou la Corse) mais pas les EPCI à statut particulier [113].

    La future métropole du Grande Paris s’est toutefois vu conférer un statut très proche de celui des métropoles de droit commun créées par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. En vertu du paragraphe I de l’article L. 5219-1, elle doit regrouper :

     la commune de Paris ;
     les communes de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine Saint-Denis et Val-de-Marne) ;
     les communes de la grande couronne appartenant au 31 décembre 2014 à un EPCI se situant à cheval sur les petite et grande couronnes  [114] ;
     toute commune en continuité avec une commune de la petite couronne, dont le conseil municipal délibère en ce sens, sauf opposition à la majorité qualifiée de l’EPCI à fiscalité propre auquel elle appartient.

    La date de création de la métropole du Grand Paris est fixée au 1er janvier 2016 afin de la faire coïncider avec la date d’achèvement de la carte intercommunale en grande couronne (articles 10 et 11 de la loi).

    Les transports resteront de la responsabilité de la région. Les compétences de proximité (gestion des déchets, cantines scolaires, etc.) relèveront des communes ou syndicats de communes. La fiscalité locale des entreprises sera transférée des intercommunalités à la métropole.

    Toutefois, les compétences de la future métropole du Grand Paris sont très nombreuses. En vertu du paragraphe II du nouvel article L. 5219-1 du CGCT, elle exerce de plein droit en lieu et place de ses communes membres, les compétences suivantes :

     en matière d’aménagement de l’espace métropolitain : schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d’urbanisme et documents d’urbanisme en tenant lieu ; définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain mentionnées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; actions de restructuration, de valorisation du patrimoine naturel et paysager ; constitution de réserves foncières ;
     en matière de politique locale de l’habitat : programme local de l’habitat ; politique du logement ; aides financières au logement social ; actions en faveur du logement social ; actions en faveur du logement des personnes défavorisées ; amélioration du parc immobilier bâti, réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre ; aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage 
     en matière de politique de la ville : dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ; dispositifs locaux de prévention de la délinquance ;
     en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel : création, aménagement et gestion des zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ;
     en matière de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie : lutte contre la pollution de l’air ; lutte contre les nuisances sonores ; soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie.

    Pour exercer ces compétences, la future métropole élaborera un plan local d’urbanisme (paragraphe IV de l’article L. 5219-1 du CGCT), ainsi qu’un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (paragraphe V de l’article L. 5219-1 du CGCT). Elle disposera également de la faculté de bénéficier de compétences dérogatoires pour la création et la réalisation des zones d’aménagement concerté (ZAC) et la délivrance d’autorisations d’urbanisme.

    En outre, la future métropole peut également recevoir des délégations de compétences.

    D’une part, en vertu du paragraphe VI de l’article L. 5219-1 du CGCT, elle peut recevoir, par convention passée avec l’État pour exercer en son nom et pour son compte, les compétences suivantes :

     l’attribution des aides au logement locatif social et l’attribution des aides en faveur de l’habitat privé par délégation de l’Agence nationale de l’habitat,
     la gestion de la garantie du droit à un logement décent et indépendant (DALO),
     la mise en œuvre des procédures de réquisition,
     la gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement au logement des personnes en difficulté sociale.

    D’autre part, en vertu du paragraphe II du nouvel article L. 5219-5 du CGCT, les communes peuvent lui déléguer, pour exercer en leur nom et pour leur compte, les compétences autres que celles exercées de plein droit en application du paragraphe II de l’article L. 5219-1.

    Par ailleurs, en vertu du principe selon lequel, en cas de fusion d’EPCI, le nouvel établissement public exerce les compétences transférées par les communes membres aux EPCI auxquels il succède, le paragraphe I du nouvel article L. 5219-5 du CGCT prévoit que la métropole du Grand Paris exercera les compétences qui étaient, à la date de sa création, transférées aux EPCI existant sur son périmètre au 31 décembre 2014. Ces compétences peuvent toutefois faire l’objet, dans un certain délai, d’une restitution par le conseil de la métropole aux communes. Dans l’hypothèse où ces compétences seraient en tout ou partie restituées, le paragraphe III de l’article L. 5219-5 du CGCT permet aux communes auxquelles des compétences sont restituées dans les conditions fixées au paragraphe I d’exercer en commun ces compétences dès lors qu’elles appartiennent au même territoire, soit par la conclusion de conventions, soit en application du paragraphe I de l’article L. 5111-1-1, soit par la création d’un syndicat, soit par le recours à une entente.

    Devant le Conseil constitutionnel, les députés requérants contestaient l’étendue des compétences confiées à la métropole : les compétences des communes seraient « réduites à un point tel que ces collectivités n’administrent plus » et que certaines compétences ne seraient plus exercées à l’échelon territorial le plus pertinent, en méconnaissance des exigences de l’article 72 de la Constitution relatives à la libre administration des collectivités ainsi qu’à la mise en œuvre du principe de subsidiarité. Ils considéraient qu’il en résultait également une tutelle de fait de la métropole sur les communes.

    Les différences entre les compétences des métropoles dans la loi du 16 décembre 2010 et celles de la métropole du Grand Paris dans la loi déférée sont anecdotiques. La métropole du Grand Paris doit exercer de plein droit quelques compétences supplémentaires, pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, pour la participation à la préparation des candidatures aux grands événements internationaux culturels, artistiques et sportifs, accueillis sur son territoire ou pour la constitution de réserves foncières d’intérêt métropolitain. Les métropoles instaurées par la loi de 2010, à l’inverse, exercent de plein droit certaines compétences non prévues par le paragraphe II de l’article L. 5219-1 du CGCT pour la métropole du Grand Paris, pour la gestion des services d’intérêts collectifs (assainissement et eau ; création, extension et translation des cimetières) ou pour la collecte, l’élimination et la valorisation des déchets des ménages (article L. 5217-4 du CGCT).

    Ainsi, sous réserve de ces quelques différences, la quasi-totalité des compétences sont identiques en matière d’aménagement de l’espace métropolitain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de développement et d’aménagement économique, social et culturel ou de protection et de mise en valeur de l’environnement.

    Dans sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les articles L. 5217-1 à L. 5217-7 du CGCT. Pour ce faire, il a notamment relevé que « la métropole est substituée aux autres collectivités territoriales et, le cas échéant, aux établissements publics supprimés ou dont le périmètre a été réduit pour l’ensemble des droits et obligations attachés aux biens et, plus généralement, pour l’exercice de l’ensemble des compétences détenues de plein droit par la métropole » [115]. En relevant l’importance des transferts de compétences des communes aux métropoles, le Conseil a alors jugé que ces transferts ne conduisaient pas, au regard de la clause générale de compétence des communes (article L. 2121-29 du CGCT), à priver les communes d’attributions effectives dans des conditions rendant l’article L. 5217-4 inconstitutionnel.

    Le Conseil constitutionnel a appliqué un raisonnement identique à la création de la métropole du Grand Paris. Cette métropole aura, à quelques adaptations près, les mêmes compétences qu’une métropole dans la loi de 2010. Ce régime juridique ne privait pas les communes dans des conditions inconstitutionnelles d’attributions effectives au point de porter atteinte à leur libre administration. Il en va de même pour la métropole du Grand Paris.

    Le moyen tiré de la méconnaissance des exigences du deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution consacrant le principe de subsidiarité (« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ») a été écarté, car le Conseil constitutionnel a donné une portée limitée à cette disposition constitutionnelle : « il résulte de la généralité des termes retenus par le constituant que le choix du législateur d’attribuer une compétence à l’État plutôt qu’à une collectivité territoriale ne pourrait être remis en cause, sur le fondement de cette disposition, que s’il était manifeste qu’eu égard à ses caractéristiques et aux intérêts concernés, cette compétence pouvait être mieux exercée par une collectivité territoriale  [116] ».

    Enfin, le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence constitutionnelle d’absence d’exercice d’une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre a aussi été écarté s’agissant des compétences transférées ou déléguées par des communes à un établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de considérer que le fait de contraindre des communes à être intégrées dans un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerçant des compétences communales ne méconnaissait pas ce principe constitutionnel [117].

    La Métropole de Paris sera administrée par un conseil métropolitain composé du maire de Paris et des présidents des EPCI membres de la Métropole de Paris (25% d’élus parisiens, 75% de la petite couronne). Il serait subdivisé en « territoires » n’ayant ni existence juridique ni budget autonome, comme les arrondissements parisiens. Les « territoires » qui composeront la métropole du Grand Paris rassembleront 300.000 habitants, alors que le texte en prévoyait initialement 250.000 :

    Pour ses partisans, ce Grand Paris remédierait au morcellement et à la complexité du système actuel. Toutefois, les sept départements franciliens subsisteraient, au moins dans un premier temps. Pour ses opposants au contraire, cette construction est un monstre technocratique ou administratif qui n’a pas la légitimité du suffrage universel.

    Directement liée à la montée en puissance des métropoles, une bataille oppose en effet adversaires et partisans, soutenus par le gouvernement, de l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains. Par un amendement-surprise, le principe de la mesure, à partir de 2020, a été voté par les députés (Art. L. 3631-1 CGCT : « Les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct, dans les conditions prévues par le code électoral »).

    Une opposition est également présente entre régions et grandes agglomérations, trop bien servies aux yeux des régionalistes qui s’inquiètent de voir la compétence du développement économique répartie entre les deux types de collectivités. La cohabitation entre Paris (commune et département) et la métropole est également en question. Certains élus s’inquiètent enfin des flux financiers entre communes et métropoles.

    Ces difficultés n’ont pas été occultées puisqu’une mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris vient d’être créée. Elle est chargée de définir la gouvernance du futur établissement ; de préciser la nature des enjeux d’intérêt métropolitain à même de faire l’objet de transferts partiels de compétences et de moyens en application du principe de subsidiarité pour la mise en œuvre d’actions d’intérêt métropolitain ; de préparer les conditions juridiques et budgétaires de la création de l’établissement public à statut particulier du Grand Paris. Elle est chargée de rendre un rapport au Gouvernement au plus tard le 31 décembre 2014.

    C. LES AUTRES METROPOLES

    La Métropole Aix-Provence-Marseille souffre d’une unité territoriale peu évidente, voire d’une certaine fragmentation. Des problèmes récurrents de transports ainsi que des inégalités entre les territoires sont avancés pour justifier la création d’une telle entité. La métropole est issue de la fusion des six groupements de communes existants, dont la communauté urbaine de Marseille créée en 2000 dont le cadre est jugé trop exigu (communauté urbaine Marseille-Provence Métropole, communauté d’agglomération du Pays d’Aix-en-Provence, communauté d’agglomération Salon Etang de Berre Durance, communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile, syndicat d’agglomération nouvelle Ouest-Provence et communauté d’agglomération du Pays de Martigues). Le périmètre métropolitain sera divisé en six territoires correspondant aux six EPCI préexistants, dotés chacun d’un conseil de territoire. Son fonctionnement est déconcentré en ouvrant la faculté au conseil métropolitain de déléguer certaines de ses attributions - à l’exception des compétences stratégiques - à ce conseil de territoire.

    Le Sénat a repoussé au 1er janvier 2016 sa création prévue par le projet au 1er janvier 2015. La métropole exercera de plein droit l’ensemble des compétences des métropoles de droit commun, mais pourra en déléguer certaines aux conseils de territoire. Il est prévu un siège minimum par commune, portant à 238 le nombre d’élus métropolitains. La création de cette métropole suscite toutefois l’opposition des élus de la région au projet préparé par une mission de préfiguration de la future métropole confiée au préfet qui conduit ses travaux en associant l’ensemble des élus locaux et des partenaires socio-économiques de la métropole.

    Enfin, la métropole de Strasbourg sera dénommée « eurométropole » et celle de Lille « métropole européenne de Lille » en raison de leurs situations particulières. Les députés ont par ailleurs décidé de faire accéder au statut de métropoles les agglomérations de Brest et de Montpellier.

    D. CONCLUSION

    La « métropolisation » vise à faire des économies (en aidant à justifier la suppression du Département à termes, et en imposant des regroupements de communes qui, du coup, disparaitront). C’est une logique de « compétition entre les territoires ». Malheur aux usagers qui, demain, n’habiteront pas dans une métropole. Pour Force Ouvrière, nous risquons de passer d’un système trop centralisé dans les années 1970 avec « Paris ou le désert français », à une anarchie territoriale selon une logique du chacun pour soit « les métropoles ou les déserts français ». Le rôle de solidarité et de péréquation de l’État disparait. On passe de l’égalité républicaine d’un aménagement DU territoire national, à l’inégalité généralisée au motif de libre compétitivité entre « territoires ».

    Concernant les transferts de personnels et les mobilités fonctionnelles ou géographiques imposées, il est difficile d’en mesurer tous les effets pour l’instant. Les Fédérations Force Ouvrière concernées suivent ces sujets.

    Environ 500 fonctionnaires de l’État pourraient être transférés dans la Fonction Publique Territoriale (transferts surtout liés à la décentralisation des fonds européens aux régions) après la seconde loi de l’acte III en préparation.

    Mais l’essentiel des mobilités s’effectuera entre collectivités territoriales, sans qu’il soit possible de les prévoir à ce stade : en effet, avec ce texte, la répartition des compétences entre collectivités (régions, départements, métropoles, intercommunalités, communes) pouvant s’effectuer de façon permanente et différente d’une région à l’autre, des missions et responsabilités ainsi que des services seront « baladés » de collectivités en collectivités au fur et à mesure des choix politiques des exécutifs des collectivités territoriales.

    De plus, la loi et la réforme territoriale de décembre 2010 qu’elle accélère conduisent à de nouvelles répartitions, à de nouveaux transferts de compétences et permettent les fusions et regroupements entre collectivités (le cas du projet de collectivité unique d’Alsace revenant d’actualité et en étant une préfiguration). Dans le cas de l’Alsace, la suppression des deux conseils départementaux et du conseil régional pour instaurer la Collectivité territoriale d’Alsace conduisait à une suppression de 40% des effectifs des trois collectivités actuelles.

    Et de façon plus globale, l’évaluation de l’application de la loi au cours des 10 premières années correspond à une mobilité imposée d’environ 20 % des personnels de la Fonction publique territoriale (FPT), soit 360 000 agents, principalement du fait de la « régionalisation » des missions, des transferts communaux vers les intercommunalités et de la création des métropoles.

    Mais la loi permettant des modifications de répartitions des compétences entre collectivités, une réorganisation permanente des services publics locaux est à craindre. Ainsi, en théorie, 100% des agents de la FPT peuvent se retrouver concernés par une restructuration, un transfert et une mobilité.

    A tout cela s’ajoute le fait que les collectivités et l’État pourront apporter leur concours au fonctionnement d’espaces mutualisés de services publics par la mise à disposition de fonctionnaires et d’agents non titulaires. Outre les mobilités forcées induites, l’objectif est d’affaiblir le statut général, les statuts particuliers et les cadres d’emplois en visant à un regroupement des 3 versants de la Fonction Publique (ce à quoi Force Ouvrière s’oppose, en renouvelant sa défense indéfectible du statut général et des 3 versants).

    Force Ouvrière a fait part de ses craintes sur les modalités de transferts prévues par la loi. Celle-ci est porteuse d’inégalités de droits et de traitements pour les fonctionnaires et les agents publics (de surcroit si les transferts de l’État s’effectuent vers des collectivités qui pourront ensuite transférer à nouveau cette compétence, et donc les agents, à d’autres collectivités et si des transferts permanents ont lieu dans tous les sens de collectivités à collectivités). Comment la concertation et la négociation pourraient avoir lieu avec des centaines de collectivités et administrations différentes et un mouvement perpétuel de transferts ?

    A nouveau, Force Ouvrière demande la réflexion sur « quels besoins publics, quelles missions publiques pour y répondre, quels services publics des trois versants de la Fonction Publique pour les mettre en oeuvre ». Lors de la conférence sociale de 2013, le gouvernement s’est engagé à ce que ce débat soit ouvert en octobre 2013 au sein du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Or, presque un an après, rien n’est engagé et le CGSP ne nous a toujours pas consulté sur un projet d’organisation de ce débat pourtant urgent et essentiel.

    Achevé de rédiger le 22 avril 2014

     Voir en ligne  : InFOéco n° 81 du 22 avril 2014

    Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

    P.-S.

    Notes

    [1InFo-éco n°48 du 10 septembre, n°53 du 10 octobre et n° 56 du 13 novembre 2012 et n° 64 du 5 avril 2013.

    [2CSFPE, CSFPT, CNESER, CSE, CNFPTLV, etc. Les représentants FO ont voté contre ce projet de loi.

    [3Courriers du Secrétaire général de Force Ouvrière au Premier ministre le 26 septembre 2012 et le 25 mars 2014, et au Président de la République le 6 décembre 2012

    [4- Introduction du dossier sur « Les enjeux de la réforme des collectivités territoriales », AJDA 2013, p. 1316.

    [5- B. Faure, « La révision constitutionnelle de 2003 », AJDA 2013, p. 1328.

    [6- Le Conseil constitutionnel avait déjà affirmé dans sa décision n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 (Loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité) que l’obligation de compensation ne vaut que pour les compétences obligatoires. Le Conseil ne consacre pas un droit à une compensation glissante et permanente des charges transférées, mais seulement le devoir pour l’État de maintenir un niveau suffisant de ressources pour ne pas entraver la libre administration des collectivités. S’agissant des contentieux récents opposant les collectivités à l’État, voir les décisions du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 (décision n°2010-29/37 QPC, Commune de Besançon - instruction CNI et passeport) ; du 18 octobre 2010 (décision n°2010-56 QPC, Département du Val-de-Marne - mesure d’accompagnement social personnalisé) ; du 25 mars 2011 (décision n°2011-109 QPC, Département des Côtes d’Armor - financement de la protection de l’enfance par les départements) ; du 30 juin 2011 (décision n°2011-144 QPC, Département de la Seine-Saint-Denis - concours de l’état au financement par les départements de la prestation de compensation du handicap).

    [7- Voir circulaires confédérales n°73 du 5 mai 2011, n°111 du 16 août 2011 et n°3 du 4 janvier 2012

    [8- Voir circulaires confédérales n°73 du 5 mai 2011, n°111 du 16 août 2011 et n°3 du 4 janvier 2012

    [9- Circulaires confédérales n°123 du 7 septembre 2012, n°146 du 10 octobre 2012, n°172 du 13 novembre 2012 et n°65 du 4 octobre 2013

    [10- CSFPE, CSFPT, CNESER, CSE, CNFPTLV, etc. Les représentants FO ont voté contre ce projet de loi.

    [11- Courriers du Secrétaire général de Force Ouvrière au Premier ministre le 26 septembre 2012 et le 24 mars 2014, et au Président de la République le 6 décembre 2012

    [12- Conseil constitutionnel, 23 janvier 2014, Loi de modernisation de l’action publique locale et d’affirmation des métropoles, décision n°2014-687 DC.

    [13- LEBRANCHU Marylise, Projet de loi sur le développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, doc. Sénat, session ordinaire 2012-2013, n°497.

    [14- Voir analyse Force Ouvrière : circulaire n°65 du 4 avril 2014

    [15- Article 3 de la loi 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JORF du 9 janvier 1983, p. 215.

    [16Voir notamment WARSMANN Jean-Luc, QUENTIN Didier, URVOAS Jean-Jacques, La clarification des compétences des collectivités territoriales¸ Rapport d’information 2009, doc. Ass. nationale, treizième législature, n°1153.

    [17- R. Vandierendonck, rapport sur le projet de loi, p. 18.

    [18- LE CHATELIER Gilles, « Le débat sur la clause générale de compétence est-il vraiment utile ? », AJDA 2009, pp. 186-187.

    [19- Conseil d’État, 11 octobre 1929, Berton, Rec., p. 894 ; Conseil d’État, 17 octobre 1980, Braesch, Rec., p. 625.

    [20- Conseil d’État, 1er avril 1977, Dame Grignard, Rec., p. 177 ; Conseil d’État, 2 août 1912, Flornoy, Rec., p. 918 ; Conseil d’État, 5 décembre 1941, Rousteau, Rec., p. 206).

    [21- Conseil d’État, 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, Rec., p. 209. Une collectivité territoriale ne peut s’engager dans un conflit collectif du travail en apportant son aide à l’une des parties au litige (Conseil d’État, 20 novembre 1985, Commune d’Aigues-Mortes, Rec., p. 330 ; Conseil d’État, 11 octobre 1989, Commune de Gardanne, Rec., p. 188), mais elle peut octroyer une aide sociale aux enfants de grévistes en leur accordant la gratuité des restaurants scolaires communaux (Conseil d’État, 11 octobre 1989, Commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, Rec., p. 184).

    [22- Conseil d’État, 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Barœul, req. n° 193716.

    [23HAQUET Arnaud, La loi et le règlement, op. cit., p. 103

    [24Voir notamment ATTALI Jacques, Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, Rapport au Président de la République, 2008 ; LAMBERT Alain, Les relations entre l’État et les collectivités territoriales, Rapport au premier Ministre, 2007 ; WARSMANN Jean-Luc, QUENTIN Didier, URVOAS Jean-Jacques, Rapport d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, op. cit..

    [25WARSMANN Jean-Luc, QUENTIN Didier, URVOAS Jean-Jacques, Rapport d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, Doc. Ass. nationale, treizième législature, n° 1153, 2008, p. 26.

    [26QUENTIN Didier, URVOASM Jean-Jacques, WARSMANN Jean-Luc, Rapport sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, op. cit., p. 69.

    [27RICHARD Pierre, Solidarité et performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 2006, p. 79.

    [28« Le bon sens y invite et appelle à une « révision générale des compétences » dont le but serait d’attribuer à chaque catégorie de collectivités locales les compétences qu’elle est à même de mieux exercer ». Le rapport du Comité pour la réforme des collectivités territoriales, a dégagé cinq critères qui auraient pu permettre la spécialisation des compétences des collectivités territoriales, parmi lesquels se trouvait l’idée d’attribuer certaines compétences à l’échelon territorial le plus pertinent : Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider, Rapport au Président de la République, 2009, p. 33.

    [29Loi 2010-1563 de réforme des collectivités territoriales, op. cit.

    [30Article 73 de la loi 2010-1563 de réforme des collectivités territoriales, JORF du 17 décembre 2010, p. 2246. La loi reprend ainsi en partie les préconisations du rapport Lambert (LAMBERT Alain, Les relations entre l’État et les collectivités territoriales, op. cit., p. 8).

    [31Ibidem, p. 4.

    [32Article 10 du décret 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’État pour des projets d’investissement, JORF du 18 décembre 1999, p. 18875.

    [33Des exceptions sont prévues notamment pour les projets d’investissement destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques : des dérogations peuvent être accordées par le représentant de l’État dans le département, au vu de l’importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés. Une dérogation à ce taux de participation est également prévue en matière de rénovation des monuments protégés. À l’origine, il n’était question d’accorder cette dérogation
    qu’aux travaux liés à la rénovation des monuments historiques classés, et les débats parlementaires ont conduit à étendre cette dérogation à l’ensemble des monuments soumis à un régime de protection posé par le code du patrimoine. Sur la règlementation des financements croisés, voir la circulaire IOCB12O31166C du ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration relative aux articles 73 et 76 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales concernant les interventions financières des collectivités territoriales et de leurs groupements, non publiée. Voir également HASTINGS-MARCHADIER Antoinette, « L’encadrement des financements croisés : quels gages de responsabilisation ? », JCP A 2011, n°14, pp. 44-49.

    [34Actuel Article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales.

    [35PONTIER Jean-Marie, « Mort ou survie de la clause générale de compétence ? », BJCL 2011, p. 11. Voir également PONTIER Jean-Marie, « Requiem pour une clause générale de compétence ? », JCPA 2011, n°2, pp. 47-55.

    [36PONTIER Jean-Marie, « Mort ou survie de la clause générale de compétence ? », BJCL 2011, pp. 11-24.

    [37Article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales.

    [38Article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales.

    [39PONTIER Jean-Marie, « Mort ou survie de la clause générale de compétence », op. cit. ; et PONTIER Jean-Marie, « Requiem pour une clause générale de compétence ? », op. cit..

    [40FAURE Bertrand, Droit des collectivités territoriales, Dalloz, 2e éd., p. 479.

    [41Exposé des motifs de la loi 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF du 17 août 2004, p. 14545 (voir Sarkozy Nicolas, Projet de loi relatif aux responsabilités locales, Doc. Sénat, session ordinaire 2003-2004, n°4).

    [42FAURE Bertrand, Droit des collectivités territoriales, Dalloz, 2011, pp. 492-493.

    [43FAURE Bertrand, Droit des collectivités territoriales, op.cit., p. 495.

    [44Conseil constitutionnel, Décision 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, Rec., p. 367 : dans cette décision, le Conseil constitutionnel a repris les théories dégagées dans les différents rapports précités, en soulignant que la clause générale de compétence ne découlait d’aucun principe constitutionnel, et qu’elle n’était garantie par aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République.

    [45Conseil constitutionnel, Décision 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, Rec., p. 367.

    [46Article 72 alinéa 2 de la Constitution de 1958 : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ».

    [47Article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction prévue au 1er janvier 2015.

    [48COURTOIS Jean-Patrick, Rapport sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, doc. Sénat, session ordinaire 2009-2010, n° 559, p. 108.

    [49Article 76 de la loi 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (précitée), codifié à l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales.

    [50Article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales.

    [51Pierre RICHARD, Solidarité et performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, op. cit., p. 78.

    [52« (…) sauf s’il est décidé par une commune dont la population est inférieure à 3 500 habitants ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population est inférieure à 50 000 habitants » (Article L. 1618-8 du code général des collectivités territoriales).

    [53LONG Martine, « La fin de la clause générale de compétence ? », BJCL 2013, p. 645.

    [54Ex article 73 de la loi du 16 décembre 2010, qui prévoyait qu’à compter du 1er janvier 2015, l’article L. 1111-4 alinéa 2 préciserait que « les compétences attribuées aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif ».

    [55Ibidem, p. 648. Voir également Bertrand Faure, « La nouvelle compétence générale des départements et des régions », RFDA 2011, p. 240.

    [56JM Pontier, JC Douence ou F. P. Benoît.

    [57Voir également Bertrand Faure, « La nouvelle compétence générale des départements et des régions », op. cit., p. 646.

    [58Conseil d’État, 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Baroeul, Rec., p.

    [59Noter que, en parallèle, le Sénat a adopté une proposition de loi relative à la gestion et à la prévention des inondations (20 novembre 2013).

    [60ALCARAZ Hubert, « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 » RFDA 2009, p. 497

    [61Article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales, issu de l’article 2 de la loi 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JORF 9 janvier 1983, p. 215 : « La répartition de compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l’une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d’entre elles ».

    [62Voir Conseil d’État, 12 décembre 2003, Département des Landes.

    [63JOYE Jean-François, « La notion de « chef de file » en droit des collectivités territoriales », …

    [64Conseil constitutionnel, Décision n°2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat, cons. 32.

    [65ALCARAZ Hubert, « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 » op. cit., p. 497

    [66ALCARAZ Hubert, « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 » op. cit.

    [67BOTTINI Fabien, « Identité constitutionnelle de la France et réforme territoriale », AJDA 2011, p. 1876.

    [68Voir la loi d’août 2004 de libertés et de responsabilités locales.

    [69VANDIERENDONCK René, Rapport sur le projet de loi de Musée des arts et traditions populaires et d’affirmation des métropoles, Doc. Sénat, session ordinaire 2012-2013, n°580, p. 66.

    [70Jacqueline GOURAULT et GUILLAUME Didier, Rapport d’information sur le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, Doc Sénat, session ordinaire 2010-2011, n°272.

    [71La conférence territoriale de l’action publique peut également débattre de la répartition d’une compétence pour laquelle le législateur n’a pas désigné de chef de file, dès lors que cette compétence n’est pas exclusivement exercée par une seule collectivité territoriale, cf. article L. 1111-9-1 VII : « Lorsque l’exercice d’une compétence autre que celles mentionnées à l’article L. 1111-9 est partagé entre plusieurs catégories de collectivités territoriales, chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre attributaire de cette compétence peut formuler des propositions de rationalisation de son exercice. Ces propositions font l’objet d’un débat au sein de la conférence territoriale de l’action publique ».

    [72GELIN-RACINOUX Laurence, « La fonction de chef de file dans la loi du 13 août 2004 » AJDA 2007, p. 283.

    [73À ces dispositions s’ajoutent le fait que « la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités, chargé par la loi de l’élaboration d’un plan ou d’un schéma relatif à l’exercice d’une compétence des collectivités territoriales au niveau régional ou départemental, peut élaborer un projet de convention organisant les modalités de leur action commune pour cette compétence » et que « la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités, chargé par la loi d’élaborer un plan ou un schéma relevant d’une compétence pour laquelle l’article L. 1111-9 le charge de l’organisation des modalités de l’action commune, peut élaborer un projet de document unique tenant lieu de plan ou schéma et de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence concernée, en respectant les prescriptions et procédures de consultation et d’approbation prévues pour chaque document. Le document unique comporte un volet regroupant les dispositions prévues en application des 1° à 5° du présent V applicables à ses seuls signataires. (…) ».

    [74GARREC René, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, doc. Sénat, session ordinaire 2002-2003, n°27, p. 107.

    [75BRISSON Jean-François, « Les nouvelles clés constitutionnelles de répartition matérielle des compétences entre l’État et les collectivités territoriales », AJDA 2003, p. 529.

    [76Les compétences déléguées en application du présent article sont exercées au nom et pour le compte de l’État. Elles ne peuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement.

    Aucune compétence déléguée ne peut relever de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l’état et de la capacité des personnes, de l’organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l’ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes, ainsi que du droit électoral, ou intervenir lorsqu’elle affecte les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ou porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées à l’État sans faculté expresse de délégation par les engagements internationaux de la France, les lois et les règlements.

    La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaite exercer une compétence déléguée par l’État soumet sa demande pour avis à la conférence territoriale de l’action publique. La demande et l’avis de la conférence territoriale sont transmis aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région.

    Lorsque la demande de délégation est acceptée, un projet de convention est communiqué à la collectivité territoriale ou à l’établissement public demandeur dans un délai d’un an à compter de la transmission de sa demande.

    La délégation est décidée par décret. La convention prévue au premier alinéa en fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en oeuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État ».

    Cet article se rapproche fortement des dispositions de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa version à venir au 1er janvier 2015 : la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a en effet prévu qu’ « une collectivité territoriale peut déléguer à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire, qu’il s’agisse d’une compétence exclusive ou d’une compétence partagée ».[[Les compétences déléguées en application du présent article sont exercées au nom et pour le compte de l’État. Elles ne peuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement.

    Aucune compétence déléguée ne peut relever de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l’état et de la capacité des personnes, de l’organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l’ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes, ainsi que du droit électoral, ou intervenir lorsqu’elle affecte les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, ou porter sur l’exercice de missions de contrôle confiées à l’État sans faculté expresse de délégation par les engagements internationaux de la France, les lois et les règlements.

    La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui souhaite exercer une compétence déléguée par l’État soumet sa demande pour avis à la conférence territoriale de l’action publique. La demande et l’avis de la conférence territoriale sont transmis aux ministres concernés par le représentant de l’État dans la région.

    Lorsque la demande de délégation est acceptée, un projet de convention est communiqué à la collectivité territoriale ou à l’établissement public demandeur dans un délai d’un an à compter de la transmission de sa demande.

    La délégation est décidée par décret. La convention prévue au premier alinéa en fixe la durée, définit les objectifs à atteindre, précise les moyens mis en oeuvre ainsi que les modalités de contrôle de l’État sur la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre délégataire. Les modalités de cette convention sont précisées par décret en Conseil d’État ».

    Cet article se rapproche fortement des dispositions de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa version à venir au 1er janvier 2015 : la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a en effet prévu qu’ « une collectivité territoriale peut déléguer à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire, qu’il s’agisse d’une compétence exclusive ou d’une compétence partagée ». [[Article 73 de la loi 2012-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF du 17 décembre 2010, p. 22146.

    [77Conseil constitutionnel, 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, cons. 9.

    [78Conseil constitutionnel, 21 janvier 1994, décision n° 93-335 DC, Loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction, Rec., p. 40.

    [79Conseil constitutionnel, Décision n° 2003-478 DC du 30 juillet 2003, Loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales.

    [80Conseil constitutionnel, Décision n° 2003-478 DC du 30 juillet 2003, Loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales.

    [81Conseil constitutionnel, Décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982, Loi portant adaptation de la loi nÅã 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et liberteÅLs des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion, Rec, p.

    [82Conseil constitutionnel, décision n°83-60 DC 19 juillet 1983, Loi portant approbation d’une convention fiscale avec le territoire d’outre-mer de Nouvelle-CaléLdonie.

    [83GRATALOUP Jean, « La responsabilité contractuelle de l’État dans ses relations avec les collectivités territoriales », BJCL 2013, p. 481.

    [84Tribunal des conflits, 1983, Union des assurances de Paris, …

    [85Article 14 de la loi 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, JORF du 30 juillet 1982, p. 2441.

    [86Circulaire 5137/SG du Premier ministre du 6 mars 2006 relative à la préparation des contrats de projets État-Régions 2007-2013, non publiée au JORF.

    [87Décret 2012-716 du 7 mai 2012 pris pour l’application des articles L. 1111-8 et L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, JORF du 8 mai 2012, p. 8563, codifié à l’article R. 1111-1 du code général des collectivités territoriales.

    [88GRATALOUP Jean, « La responsabilité contractuelle de l’État dans ses relations avec les collectivités territoriales », op. cit., p. 483.

    [89Conseil d’État, 31 mars 1989, DeÅLpartement de la Moselle, Rec., p. 105.

    [90Conseil d’État, 2 mai 2004, Commune de La Ferté- Milon, req. n°192595. Voir également Conseil d’État, 13 mai 1992, Commune d’Ivry-sur-Seine, req. n°101578 ; et Conseil d’État, 13 février 2012, Ministre de l’Ecologie, req. n°330122.

    [91Conseil d’État, 21 décembre 2007, Région Limousin, req. n°290259, Rec., p. 534 ; CE 7 mars 2008, Ministre de l’Ecologie et du développement durable, req. n° 290259, Lebon T. 628, 802, 905.

    [92Pour mémoire :
    Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : « Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l’État et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l’État aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l’État au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées. La dotation générale de décentralisation mentionnée à l’article L. 1614-4 et les crédits prévus aux 1° et 2° de l’article L. 4332-1 n’évoluent pas à compter de 2009 ».
    Article L. 1614-1-1 du code général des collectivités territoriales : « Toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi ».

    [93Conseil constitutionnel, Décision n°2010-56 QPC du 18 octobre 2010, DeÅLpartement du Val-de-Marne. Voir supra, note 6, p. 2.

    [94BARTOLONE Claude, Les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, Doc. Ass. nationale, treizième législature, 2011, n°4030.

    [95GORGES Jean-Pierre et BARTOLONE Claude, Proposition de loi relative au développement, à l’encadrement et à la transparence des modes de financement des investissements des acteurs publics locaux, Doc. Ass. nationale, treizième législature, 212, n° 4382.

    [96Avis n° 2012–04 du 3 juillet 2012 sur la comptabilisation des dettes financières et des instruments dérivés des entités à comptabilité publique relevant du code général des collectivités territoriales, du code de l’action sociale et des familles, du code de la santé publique et du code de la construction et de l’habitation.

    [97DUSSOPT Olivier, Rapport sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, Doc. Ass. nationale, quatorzième législature, n°1216, p. 479.

    [98A titre d’exemple, les trois allocations individuelles de solidarité nationale (APA, RSA, PCH) représentaient 14,3 Mds€ en 2011 contre 9 Mds en 2004 et ces montants ne sont compensés par l’État qu’aux deux tiers !

    [99Par exemple, dans la décision n° 2013-315 QPC, le Conseil constitutionnel estime « que les règles relatives à la fusion des établissements publics de coopération intercommunale affectent la libre administration des communes faisant partie de ces établissements publics ; qu’en imposant à des communes de faire partie d’un établissement public de coopération intercommunale, notamment lorsqu’elles souhaitent appartenir à un autre établissement public de coopération intercommunale, le législateur a entendu favoriser « la rationalisation de la carte de l’intercommunalité » et le renforcement de l’intercommunalité à fiscalité propre ; qu’en particulier, la procédure prévue au huitième alinéa du paragraphe III de l’article 60, qui permet au préfet de passer outre à l’opposition des communes, n’est applicable que jusqu’au 1er juin 2013 ; que le législateur a pu, dans les buts d’intérêt général de renforcement et de « rationalisation de la carte de l’intercommunalité », apporter ces limitations à la libre administration des communes ; que tout maire qui en fait la demande est entendu par la commission départementale de la coopération intercommunale ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales doit être écarté ».

    [100M. Degoffe, « L’avenir du couple communeintercommunalité. La commune de demain », AJDA 2013, p. 1335.

    [102Décision du Conseil constitutionnel n° 85- 196 DC du 8 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, cons. 9 à 11.

    [103Décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990, Loi visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

    [104Décision n° 2010-12 QPC du 2 juillet 2010, Commune de Dunkerque – fusion de communes.

    [105Décision n° 2010-618 DC précitée à propos de l’existence d’une telle clause au profit du département : les « dispositions [de la loi du 10 août 1871] n’ont eu ni pour objet ni pour effet de créer une « clause générale » rendant le département compétent pour traiter de toute affaire ayant un lien avec son territoire ; […] par suite, elle ne saurait avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République garantissant une telle compétence ».

    [106Décision n° 2011-146 QPC du 8 juillet 2011, Département des Landes - Aides publiques en matière d’eau potable ou d’assainissement, ou encore décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

    [107Décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984, Loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

    [108Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010.

    [109Article L. 5217-2 CGCT « -I. ― La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes :
    « 1° En matière de développement et d’aménagement
    économique, social et culturel :
    « a) Création, aménagement et gestion des zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ;
    « b) Actions de développement économique ainsi que participation au copilotage des pôles de compétitivité et au capital des sociétés d’accélération du transfert de technologie ;
    « c) Construction, aménagement, entretien et fonctionnement d’équipements culturels, socioculturels, socio-éducatifs et sportifs d’intérêt métropolitain ;
    « d) Promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ;
    « e) Programme de soutien et d’aides aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche et aux programmes de recherche, en tenant compte du schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ;
    « 2° En matière d’aménagement de l’espace métropolitain :
    « a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d’urbanisme et documents d’urbanisme en tenant lieu ; définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain mentionnées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager ; constitution de réserves foncières ;
    « b) Organisation de la mobilité au sens des articles L. 1231-1, L. 1231-8 et L. 1231-14 à L. 1231-16 du code des transports ; création, aménagement et entretien de voirie ; signalisation ; abris de voyageurs ; parcs et aires de stationnement et plan de déplacements urbains ;
    « c) Création, aménagement et entretien des espaces publics dédiés à tout mode de déplacement urbain ainsi qu’à leurs ouvrages accessoires ;
    « d) Participation à la gouvernance et à l’aménagement des gares situées sur le territoire métropolitain ;
    « e) Etablissement, exploitation, acquisition et mise à disposition d’infrastructures et de réseaux de télécommunications, au sens de l’article L. 1425-1 du présent code ;
    « 3° En matière de politique locale de l’habitat :
    « a) Programme local de l’habitat ;
    « b) Politique du logement ; aides financières au logement social ; actions en faveur du logement social ;
    actions en faveur du logement des personnes défavorisées ;
    « c) Amélioration du parc immobilier bâti, réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre ;
    « d) Aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage ;
    « 4° En matière de politique de la ville :
    « a) Dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ;
    « b) Dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’accès au droit ;
    « 5° En matière de gestion des services d’intérêt collectif :
    « a) Assainissement et eau ;
    « b) Création, gestion, extension et translation des cimetières et sites cinéraires d’intérêt métropolitain ainsi que création, gestion et extension des crématoriums ;
    « c) Abattoirs, abattoirs marchés et marchés d’intérêt national ;
    « d) Services d’incendie et de secours, dans les conditions fixées au chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie du présent code ;
    « e) Service public de défense extérieure contre l’incendie ;
    « 6° En matière de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie :
    « a) Gestion des déchets ménagers et assimilés ;
    « b) Lutte contre la pollution de l’air ;
    « c) Lutte contre les nuisances sonores ;
    « d) Contribution à la transition énergétique ;
    « e) Soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie ;
    « f) Elaboration et adoption du plan climat-énergie territorial en application de l’article L. 229-26 du code de l’environnement, en cohérence avec les objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de production d’énergie renouvelable ;
    « g) Concession de la distribution publique d’électricité et de gaz ;
    « h) Création, aménagement, entretien et gestion de réseaux de chaleur ou de froid urbains ;
    « i) Création et entretien des infrastructures de charge nécessaires à l’usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, en application de l’article L. 2224-37 du présent code ;
    « j) Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211- 7 du code de l’environnement ;
    « k) Autorité concessionnaire de l’État pour les plages, dans les conditions prévues à l’article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques.
    « Lorsque l’exercice des compétences mentionnées au présent I est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt métropolitain, celui-ci est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole. Il est défini au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. A défaut, la métropole exerce l’intégralité des compétences transférées ».

    [110Le livre VI de la troisième partie du CGCT comprend les articles L. 3611-1 à L. 3663-8.

    [111Article L. 3621-2 inséré dans le CGCT par l’article 26. L’article L. 3621-3 précise que le chef-lieu du département du Rhône est fixé par décret en Conseil

    [112Article L. 3641-1 CGCT « - I. ― La métropole de Lyon exerce de plein droit, en lieu et place des communes situées sur son territoire, les compétences suivantes :
    « 1° En matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel :
    « a) Création, aménagement, entretien et gestion de zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ;
    « b) Actions de développement économique, dont la participation au capital des sociétés mentionnées au 8° de l’article L. 4211-1, et actions contribuant à la promotion et au rayonnement du territoire et de ses activités, ainsi que participation au copilotage des pôles de compétitivité ;
    « c) Programme de soutien et d’aides aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche et aux programmes de recherche, en prenant en compte le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ;
    « d) Construction, aménagement, entretien et fonctionnement d’équipements culturels, socio-culturels, socio-éducatifs et sportifs métropolitains ;
    « e) Promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ;
    « 2° En matière d’aménagement de l’espace métropolitain :
    « a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d’urbanisme et documents d’urbanisme en tenant lieu ; définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement ; actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager ; constitution de réserves foncières ;
    « b) Organisation de la mobilité au sens des articles L. 1231-1, L. 1231-8 et L. 1231-14 à L. 1231-16 du code des transports ; création, aménagement et entretien de la voirie du domaine public routier de la métropole de Lyon ; signalisation ; parcs et aires de stationnement, plan de déplacements urbains ; abris de voyageurs ;
    « c) Participation à la gouvernance et à l’aménagement des gares situées sur le territoire métropolitain ;
    « d) Etablissement, exploitation, acquisition et mise à disposition d’infrastructures et de réseaux de télécommunications, conformément à l’article L. 1425-1 du présent code ;
    « 3° En matière de politique locale de l’habitat :
    « a) Programme local de l’habitat ;
    « b) Politique du logement ; aides financières au logement social ; actions en faveur du logement social ;
    actions en faveur du logement des personnes défavorisées ;
    « c) Amélioration du parc immobilier bâti, réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre ;
    « d) Aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage ;
    « 4° En matière de politique de la ville :
    « a) Dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ;
    « b) Dispositifs locaux de prévention de la délinquance et d’accès au droit ;
    « 5° En matière de gestion des services d’intérêt collectif :
    « a) Assainissement et eau ;
    « b) Création, gestion, extension et translation des cimetières et sites cinéraires métropolitains, ainsi que création, gestion et extension des crématoriums métropolitains ;
    « c) Abattoirs, abattoirs marchés et marchés d’intérêt national ;
    « d) Services d’incendie et de secours, dans les conditions fixées au chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie du présent code ;
    « e) Service public de défense extérieure contre l’incendie ;
    « 6° En matière de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie :
    « a) Gestion des déchets ménagers et assimilés ;
    « b) Lutte contre la pollution de l’air ;
    « c) Lutte contre les nuisances sonores ;
    « d) Soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie ;
    « e) Elaboration et adoption du plan climat-énergie territorial en application de l’article L. 229-26 du code de l’environnement, en cohérence avec les objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de production d’énergie renouvelable ;
    « f) Concession de la distribution publique d’électricité et de gaz ;
    « g) Création, aménagement, entretien et gestion de réseaux de chaleur ou de froid urbains ;
    « h) Création et entretien des infrastructures de charge nécessaires à l’usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables ;
    « i) Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211- 7 du code de l’environnement ;
    « j) Création et gestion de services de désinfection et de services d’hygiène et de santé.

    [113Voir H. Pauliat, « Le point sur le projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles », JCP A. n° 36, 2 septembre 2013, p. 3.

    [114Au 1er janvier 2014, seules quatre communes sont dans cette situation : Verrières-le-Buisson, Wissous et Varennes-Jarcy dans l’Essonne, et Vélizy-Villacoublay dans les Yvelines.

    [115Décision n°2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, précitée.

    [116Décision n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005, Loi de programme fixant les orientations de la politique éergétique. cons. 12.

    [117Décision n° 2013-303 QPC du 26 avril 2013 précitée, cons. 10