Le gouvernement dissimule le détail des économies budgétaires

Austérité par Mathieu Lapprand

Le Parlement s’est prononcé lors d’un vote indicatif, le 29 avril dernier, pour la mise en œuvre du « Programme de stabilité ». Quelques mesures mises à part, le détail des 50 milliards d’euros de diminution des dépenses publiques annoncés par le président de la République reste flou… en attendant les élections et le budget rectificatif.

Dans un festival de formules de communicants Michel Sapin et Christian Eckert ont présenté le programme de stabilité 2014-2017 du gouvernement le 23 avril dernier. Il comporte deux volets. D’une part la mise au régime sec de l’État, de ses opérateurs, des collectivités territoriales et de la protection sociale pour un montant global de 50 milliards d’euros sur trois années. D’autre part le pacte de responsabilité… et de solidarité pour « accélérer la reprise » : 41 milliards d’euros de cadeaux au patronat à travers le CICE (20 milliards d’euros), la baisse du soi-disant “coût du travail” (10 milliards d’euros) et des baisses ou suppressions d’impôts pour les entreprises (11 milliards d’euros).

AU-DELÀ DES INCANTATIONS, LE DÉTAIL DES 50 MILLIARDS RESTE UN MYSTÈRE

Si ces offrandes au patronat sont particulièrement précises et détaillées en termes de montants et de seuils, le flou persiste sur les 50 milliards d’euros d’économies. Et pour cause, une saignée de cette ampleur aura inéluctablement nombre de conséquences concrètes sur la vie des salariés et des citoyens. Seule la répartition des grandes masses de ce plan et quelques mesures ont été présentées : 18 milliards d’euros sur l’État et ses agences, 11 milliards d’euros sur les collectivités territoriales, 10 milliards d’euros sur l’assurance maladie et enfin 11 milliards d’euros sur la protection sociale. Les mesures annoncées ont été ajustées au vu de la fronde parlementaire. Il s’agit de la poursuite du gel du point d’indice (présenté comme une « stabilisation ») pour les fonctionnaires assortie de quelques mesures spécifiques en direction des catégories B et C. Le gel des pensions de base pour les retraités dont la pension brute est supérieure à 1 200 euros est également arrêté ainsi que la « modernisation de la politique familiale » qui permettrait d’économiser 800 millions d’euros. Ces mesures sont déjà dramatiques en elles-mêmes mais sont bien loin d’atteindre les 50 milliards visés.

En effet, dans les 18 milliards d’économies attendues de la part de l’État, on trouve notamment « la mutualisation des fonctions support (achat et systèmes d’information) » ce qui ne manque pas de sel quand on se souvient que début mars, le gouvernement a abandonné le projet d’Opérateur national de paye qui était censé permettre d’économiser 190 millions d’euros par année. Cette « mutualisation » aura coûté au bas mot de 235 à 290 millions d’euros… en pure perte. La Sécurité Sociale est également invitée à faire des économies en « améliorant le parcours de soins et les dépenses de médicament ». Si le détail de ces mesures reste un mystère, pourquoi annoncer ce chiffre de 50 milliards ?

La réponse est donnée par Michel Sapin qui a confirmé lors de sa conférence de presse que la France n’avait pas souhaité renégocier avec Bruxelles son engagement d’un retour au chiffre magique des 3% de déficit en 2015. Et comme par miracle, ces 50 milliards d’euros permettent selon les documents fournis d’atteindre cet objectif. Le détail de la facture figurera dans le budget rectificatif 2014 annoncé avant l’été et dans les Projets de Loi de Finances 2015 voté cet automne… soit quelques temps après les élections européennes.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante

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