Considérant qu’elle avait payé plus que sa part à la politique d’austérité, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, s’est associée à Bercy pour commander un rapport conjoint et inédit sur la part de la culture dans la richesse nationale. Réalisé par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires culturelles et signé des deux ministères, il a été rendu public en janvier 2014. Le périmètre économique pris en compte, très large, englobe le spectacle vivant, le cinéma, la musique, le patrimoine, les arts visuels, mais aussi la presse, le livre, l’audiovisuel, la publicité, l’architecture, les bibliothèques...
Et le résultat est sans appel. Selon ce rapport, l’intervention de l’État dans le domaine de la culture et de la communication s’établit à 13,9 milliards d’euros (11,6 milliards de crédits budgétaires, 1,4 milliard de dépenses fiscales et 0,9 milliard de taxes affectées à différents organismes de redistribution, comme le CNC). Avec 57,8 milliards d’euros, soit 3,2% du PIB, il a rapporté quatre fois plus à l’économie nationale. C’est autant que l’agroalimentaire et l’agriculture, deux fois plus que les télécommunications, sept fois plus que l’industrie automobile.
Le secteur fait vivre 670 000 professionnels, soit près de 2,5% de l’emploi total en France. Il a progressé de 2% entre 2008 et 2010. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les effets induits sur hôtellerie ou la restauration, difficiles à évaluer.
« On parle enfin pour la première fois du vrai coût de la culture et on constate qu’elle n’est pas le panier percé du gouvernement, mais au contraire une source rentable de revenus, se réjouit Françoise Chazaud, Secrétaire générale de la Fédération FO des Arts, du Spectacle, de l’Audiovisuel et de la Presse (FASAP FO). On peut s’asseoir autour de la table comme les gros groupes industriels ou acteurs industriels de ce pays. C’est une preuve supplémentaire de la nécessité de conserver les moyens financiers dédiés à la culture, de sanctuariser les structures et de protéger socialement tous les acteurs qui contribuent à son rayonnement. »
Sept fois le PIB de l’automobile
Pour les grandes villes, la culture est devenue un instrument essentiel de rayonnement national ou international. Il ne s’agit plus de subventionner mais d’investir. Le Centre Pompidou à Metz, le Louvre-Lens ou le festival d’Avignon rendent le territoire plus attractif, dopent le tourisme, l’hôtellerie-restauration, la consommation, donc l’emploi, et le développement économique. Marseille, capitale européenne de la culture en 2013, a déjà recueilli six fois plus de retombées économiques que les sommes investies au départ.
La tendance est planétaire et même les pays émergents se lancent dans la course. La Chine ambitionne d’ouvrir 5 000 nouveaux musées par an, le Brésil a mis 300 centres artistiques en chantier.
Reste à savoir si l’approche purement économique est la façon la plus pertinente de penser la politique culturelle et si elle ne risque pas de déboucher sur une stratégie à court terme, basée sur des effets immédiatement perceptibles.
« La bonne nouvelle, c’est qu’on ne sait pas pourquoi un film marche ou pas, la culture est une aventure permanente, ajoute Françoise Chazaud. On ne pourra pas décider de ne financer que les spectacles ou les films rentables puisqu’il n’y a pas de recette et que le secteur est en perpétuel renouvellement. »
Mais elle reste prudente. Si François Hollande s’est engagé sur une sanctuarisation de la culture, il a aussi lancé le pacte d’austérité qui prévoit 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans. « Pour la FASAP FO, il faut faire attention à ne pas massacrer un secteur rentable et nécessaire, ajoute la Secrétaire générale. Nous avons un maillage du spectacle vivant de haute qualité, mais il a fallu trente ans pour le construire. »