Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Je dois le dire d’entrée de jeu, Force Ouvrière n’assistait pas à cette conférence sociale avec enthousiasme tant il y a, compte tenu de la situation économique et sociale, un fossé qui se creuse entre le réel et un exercice de dialogue social et de communication qui tend à justifier les choix économiques à l’œuvre. Nous avions prévenu que si cette conférence devait se tenir sous le chapeau du pacte de responsabilité nous ne serions pas venus, et que si dans les faits c’était le cas, nous partirions.
Depuis, force est de constater que le contexte s’est modifié. Je fais référence à l’interview du Premier ministre qui s’inscrit nettement, et sans consultation syndicale préalable, dans une politique de l’offre se traduisant concrètement par une réponse aux revendications patronales et un déni des attentes des salariés. Il ne s’agit pas uniquement de la pénibilité et du temps partiel, mais aussi du Code du travail, des seuils sociaux et d’une conception autoritaire du dialogue social.
Vous comprendrez, Monsieur le Président, que notre comportement sera donc différent tant il appartient à chacun, autour de cette table, de se positionner en fonction de son rôle, de ses mandats et de ses orientations. Cela porte un nom : la démocratie, et concernant plus particulièrement Force Ouvrière, notre attachement viscéral à l’indépendance syndicale.
Cela étant précisé, nous relevons que le travail du CGSP sur la France dans dix ans, réalisé par des experts entre eux, conduit lui aussi à valider les choix économiques et sociaux du gouvernement.
On assiste ainsi à une convergence vers une politique de l’offre qu’on tend à nous présenter comme le seul chemin possible, comme si la politique économique relevait du destin et non de choix, c’est-à-dire d’alternative possible.
« Il est plus que temps de réorienter la construction européenne, de revoir les traités, d’arrêter de diluer l’Europe dans la logique des marchés »
L’engagement de la France dans le cadre du pacte budgétaire européen, que la majorité des syndicats européens conteste, conduit à un glissement accentué non pas vers le sérieux budgétaire, mais la rigueur ou l’austérité. Il est plus que temps de réorienter la construction européenne, de revoir les traités, d’arrêter de diluer l’Europe dans la logique des marchés.
Nous soutenons notamment, à l’instar de nos collègues européens, la mise en place d’un mini plan Marshall, à hauteur de 2% du PIB, à consacrer à des investissements publics et d’infrastructures. Il convient, dans cette logique, de revoir les traités européens, dont le TSCG, tout comme il aurait convenu d’avoir une France offensive sur la question du budget européen.
Je le redis ici au nom de Force Ouvrière : chez nous comme ailleurs l’austérité est triplement suicidaire, socialement, économiquement et démocratiquement. Les récentes élections européennes en sont une illustration.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, le pacte de responsabilité, je concentrerai donc l’essentiel de cette intervention au pacte dit de responsabilité mâtiné de solidarité, que nous qualifions à FO de pacte d’austérité et de complaisance.
Je ne reviendrai pas sur la méthode, une annonce un 31 décembre, là encore sans un minimum de consultation préalable, le dialogue social ayant connu là une forme de thrombose.
Sur le fond, dès le départ, Force Ouvrière en a contesté le bien-fondé et souligné les dangers.
Comment exiger des contreparties (terme d’ailleurs inusité depuis) sur des aides fiscales et sociales de caractère général ?
Personne ne peut imposer, dans un tel cadre, aux entreprises d’embaucher ou d’augmenter les salaires. Pour conditionner les aides il faut obligatoirement les cibler et il aurait, par exemple, été préférable de retravailler le CICE dont le comité de suivi note que seuls 20% des montants vont à l’investissement. J’en profite d’ailleurs pour réaffirmer que si nous sommes demandeurs d’un comité d’évaluation de l’ensemble des aides publiques et sociales, sur le modèle de celui du CICE, nous ne participerons pas à un comité de suivi consacré à un pacte de responsabilité que nous condamnons.
Qui plus est, il est dangereux d’aborder la question de la Sécurité sociale et de son financement sur la base de l’allégement du coût du travail et sans prévoir le mécanisme de compensation.
Le prisme de la politique de l’offre et le court terme l’emportent ainsi sur les analyses de fond, y compris sur les valeurs républicaines de fraternité et d’égalité.
Et si l’objectif est d’assurer de la visibilité, on ne peut concevoir les choses dans une logique d’annualité budgétaire conduisant à un stop and go illisible.
Quand la politique économique est conçue comme incontournable et s’impose à l’ensemble de la société, la technocratie et la pensée unique finissent par mépriser la démocratie et la république.
S’agissant toujours de ce fameux pacte à l’effet récessif indéniable, au moins à court terme, nous notons que pour la première fois un gouvernement entreprend de déresponsabiliser partiellement les employeurs sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, tout comme il exonère partiellement les travailleurs de la cotisation salariale de retraite pour éviter d’augmenter le Smic et de donner un signe général positif et attendu sur l’augmentation des salaires dans le privé comme dans le public. Et pourtant la croissance est en berne, le risque de déflation est présent, la demande est insuffisante.
Vous l’avez affirmé publiquement, Monsieur le Président, vous l’avez confirmé, Monsieur le Premier ministre, dans votre lettre aux organisations patronales, le pacte de responsabilité est une médaille à deux faces : 46 milliards sur trois ans d’aides et 50 milliards sur trois ans de réduction des dépenses publiques et sociales. Les deux sont effectivement liées et accepter l’une c’est cautionner l’autre. Et nous ne sommes pas les seuls à dénoncer l’impact récessif de ces 50 milliards, tant sur la croissance que sur l’emploi. C’est toute la différence entre l’analyse keynésienne et l’analyse néoclassique du libéralisme économique, ce que les Italiens appellent « libérisme ».
Or nous le savons et le vivons. Dans beaucoup de secteurs le service public est à l’os, des missions de service public ont disparu ou sont menacées de l’être.
« Il ne faudrait pas que des régions XXL s’accompagnent d’une république XXS »
Le service public, avec les annonces sur la réforme territoriale, va encore s’éloigner des citoyens et des entreprises et il ne faudrait pas que des régions XXL s’accompagnent d’une république XXS.
Nous rappelons également que nous n’avons toujours pas, malgré les engagements successifs des gouvernements, de vision sur le rôle et les missions du service public républicain, débat qui aurait dû être préalable à toute RGPP ou MAP, débat encore annoncé il y a un an par le gouvernement et qu’on peut qualifier d’Arlésienne, au même titre que la grande réforme fiscale.
Dernier point : la modernisation du dialogue social. Qu’il s’agisse des seuils, de la fusion des IRP, de l’association des syndicats à la gestion, nous ne sommes pas demandeurs.
Trois ans de délibération n’ont pas permis l’ouverture d’une négociation. Faire du social une variable d’ajustement parce que la politique économique est rigide n’est pas un signe de progrès social.
La feuille de route gouvernementale restera pour Force Ouvrière gouvernementale. Nous conservons notre entière liberté de comportement et notre indépendance.
À cette troisième édition de la conférence sociale, Force Ouvrière voulait présenter ses revendications. Et elles sont nombreuses, des salaires à l’emploi et à la protection sociale, en passant par le service public républicain et le développement industriel.
J’ajouterai qu’elles sont connues parce que nous disons les choses.
Indépendants, démocrates et républicains, nous le sommes profondément.
C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes là aujourd’hui.
« Je vous annonce, au nom de Force Ouvrière, que la participation de FO à cette troisième conférence sociale se terminera ce soir »
Mais je vous annonce, au nom de Force Ouvrière, que la participation de FO à cette troisième conférence sociale se terminera ce soir.
À chacun ses responsabilités, à chacun ses convictions, à chacun sa détermination. Et à chacun sa liberté.