La refondation territoriale est annoncée

Décentralisation Acte III par Valérie Forgeront

Prétendant réduire les dépenses publiques, l’État propose de supprimer les départements au profit de régions géantes et d’intercommunalités à recréer. Quel coût aura cette réforme structurelle ?

Familièrement, on pourrait dire que le projet a été finalisé à l’arrache... C’est en effet à 21h le 2 juin et à l’issue d’une ultime réunion de travail que M. François Hollande a transmis à la presse régionale une tribune dans laquelle il détaille le projet territorial. La réforme sera présentée le 18 juin en Conseil des ministres, puis soumise aux sénateurs à l’automne. Alors que l’Europe ne cesse de demander à la France des réformes structurelles, l’exécutif souhaite l’adoption avant la fin de l’année de cette réforme justement... structurelle. Une des mesures phare du projet est ainsi la réduction du nombre de régions –de vingt-deux à quatorze–, assortie d’un redécoupage des territoires à travers des fusions, déjà très critiquées pour certaines telle celle de la Picardie et de la Région Champagne-Ardenne. Pour M. Hollande, les nouvelles régions « seront de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales ». Pour cela, elles « disposeront de moyens financiers propres et dynamiques ». Pour l’instant, ces moyens sont apportés par les dotations de l’État, en baisse. Quant à la fiscalité locale, elle est jugée de moins en moins dynamique par les collectivités, notamment depuis la suppression en 2010 de la taxe professionnelle. Quoi qu’il en soit, ces régions géantes auront besoin de moyens supplémentaires puisqu’elles vont gagner des compétences. Elles seront ainsi seules compétentes en matière de soutien aux entreprises, de formation, d’emploi, de transports (train, routes...), de ports, d’aéroports, de gestion des lycées et collèges, d’aménagement du territoire et des grandes infrastructures... Et pour cause.

DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

La réforme programme la mort des conseils généraux pour 2020 et parallèlement la montée en puissance, dès 2017, des structures intercommunales. Celles-ci deviendront des « structures de proximité et d’efficacité de l’action locale ». Elles devront regrouper au minimum 20 000 habitants contre 5 000 aujourd’hui... ce qui suppose de réaliser de nouvelles fusions locales. De leur côté, les départements vont perdre leurs compétences au fil du temps avant de devenir des coquilles vides. Seules les compétences sociales seront maintenues pendant trois ou quatre ans avant d’être transférées, soit aux régions, soit aux intercommunalités. « C’est un peu compliqué », assure M. Vallini, le secrétaire d’État à la réforme territoriale. Alors qu’en avril dernier l’État a demandé aux collectivités de participer pour 11 milliards au plan d’économies de 50 milliards programmé jusqu’en 2017, le projet territorial affiche sa motivation financière mais reste vague. M. Vallini estime ainsi que la réforme apporterait une économie d’une dizaine de milliards d’ici cinq à dix ans. Il ne dit mot toutefois du coût d’une telle réforme. Or, insiste le président de l’Association des départements de France (ADF), M. Lebreton, « tout le monde sait que dans un premier temps cette réforme générera des dépenses supplémentaires », notamment de par la création de nouvelles structures, leurs implantations, les transferts de personnels, etc. Quant aux hypothétiques économies attendues... Pour le président de l’Association des régions de France (ARF), M. Alain Rousset, « on ne peut pas chiffrer aujourd’hui ». De son côté, après une discussion avec le chef de l’État et le Premier ministre, M. Lebreton s’inquiète : « Ils sont incapables de m’apporter la preuve qu’en réorganisant les collectivités, en supprimant les départements, on fait des économies. »

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante