FO sur les chemins de traverse de la RATP

Transports publics urbains par Jamel Azzouz

En s’organisant dans une structure unique, le syndicat a impulsé une nouvelle dynamique collective.
Des militants venant de toutes parts l’ont rejoint depuis pour mieux défendre leurs conditions de travail et de rémunération.

Les élections professionnelles du 28 novembre 2014 à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) devraient être une nouvelle occasion, pour FO, de se renforcer au sein de l’Établissement public industriel et commercial (ÉPIC). En 2010, à l’issue du précédent scrutin, FO y avait obtenu plus de 10% des voix. Depuis, l’attrait pour l’organisation s’est encore affermi à la faveur de positions qui détonnent dans un paysage syndical mû parfois par des considérations plus politiques que revendicatives… tant il est resté ancré dans une culture d’entreprise au mauvais sens du terme. « Pour nous, aujourd’hui et plus qu’hier, il s’agit de défendre au plus près les conditions d’emploi, de travail et de rémunération des agents face à une direction et des pouvoirs publics qui ne cessent de les malmener par petites touches pour mener à bout une opération dissimulée de démantèlement de ce service public, dont les syndicats demeurent, quoi qu’on en dise, les derniers garants », lance Patricia Lasalmonie, Secrétaire générale de l’organisation syndicale. C’est pourquoi, poursuit-elle, « depuis plusieurs années maintenant, nous avons mené un long travail de sensibilisation des salariés et de recueil de leurs aspirations pour coller au plus près de leurs préoccupations présentes et à venir quels que soient leurs métiers, leurs statuts ou simplement leurs places respectives dans l’établissement ». Ce travail a conduit en 2012 l’ensemble des sections syndicales FO –organisées jusqu’alors par secteur d’activité (métro, bus, RER), voire par métier (agents du tertiaire, conducteurs, machinistes, contrôleurs, etc.)– à se regrouper au sein d’une structure unique baptisée sobrement FO-RATP. « Et ce, sans nier les spécificités des postes de travail ou des professions des uns et des autres », précise la syndicaliste. « Nous sommes partis du constat partagé que tous les agents se devaient d’unir leurs forces au-delà de leur intérêt particulier et que le syndicat se devait de les fédérer, sachant que toutes décisions hiérarchiques impactent à un moment ou un autre l’ensemble de l’ÉPIC, surtout quand celles-ci ne sont pas présentées comme transversales », explique-t-elle. Plus lisible et offensif, avec un positionnement unique parmi les autres syndicats, FO-RATP a entraîné un afflux d’adhésions d’agents jusque-là syndiqués ailleurs (voir encadré ci-contre). « Sans compter les adhésions nouvelles stricto sensu, nous avons recensé depuis le début de l’année plus de 650 adhérents venant de tous les autres syndicats présents à la RATP et bien entendu de tous les services de l’entreprise », confie Patricia Lasalmonie.

Des positions plus lisibles et offensives

Une organisation de l’action revendicative somme toute logique, vu que la RATP est une société intégrée au sens où elle gère elle-même une multitude de domaines d’expertise professionnelle assurés et assumés par quelque 44 000 salariés (54 000 en incluant les sept filiales de l’ÉPIC), qui se complètent à travers 234 métiers différents embrassant une grande diversité de qualifications et de compétences [1].

Un écosystème fertile, qui fait au passage la joie de son P-DG, Pierre Mongin, mais dont les agents ne voient plus le retour sur investissement.

Le 14 mars dernier, lors de la réunion annuelle de son conseil d’administration présentant les comptes consolidés du groupe RATP et les comptes sociaux de l’ÉPIC pour l’année 2013, le P-DG se félicitait ainsi des bonnes performances de l’entreprise : « Tout en améliorant constamment la qualité du service délivré à ses clients », et en « tirant profit de la dynamique des filiales ainsi que des efforts d’optimisation opérationnelle des équipes, le groupe atteint un niveau record en Europe de profitabilité avec un EBIT [résultat avant intérêts et impôts, NDLR] à 10,3% du chiffre d’affaires (CA) ». Lequel CA, qui s’est établi à 5,1 milliards d’euros (+4,2% par rapport à 2012), a fait grimper le bénéfice net à 304 millions d’euros (+14,3%), précisait-il.

Une « profitabilité dont les salariés attendent encore les retombées en échange des “efforts d’optimisation opérationnelle des équipes”, salués par notre P-DG », souligne Patricia Lasalmonie, en référence aux dernières négociations salariales. Intervenant au 1er juillet de chaque année, l’augmentation générale de la valeur du point plafonne à 0,5% depuis trois ans (+0,27% en glissement annuel), soit une perte de pouvoir d’achat cumulée de 2,6% sur quatre ans par rapport à l’inflation sur la période (+6,25%). La direction défend sa politique salariale en mettant en avant les augmentations individuelles, liées aux éléments de rémunération tels que le passage d’un échelon à l’autre, les promotions, la qualification et la technicité des agents.

Une organisation transversale et logique dans une société intégrée

« Ou encore la prime annuelle d’intéressement, qui tourne depuis trois ou quatre ans autour de 1 000 euros, qu’importe le montant du bénéfice net de l’ÉPIC », indique FO-Ratp. À cela s’ajoutent toutes les mesures prises pour contenir la masse salariale : non-remplacement des départs naturels, dématérialisation-informatisation, suppression de points de contact avec les usagers, vidéosurveillance, automatisation des rames de métro (ligne 14, ligne 1 et bientôt la ligne 4). L’an dernier, pas moins de 700 postes ont été supprimés de la sorte. « Et pour pallier les manques d’effectifs, on demande aux agents d’améliorer leur productivité qui est mesurée au cordeau... au risque de générer des tensions et du stress dans les services », dénonce le syndicat. On touche là le nœud du problème auquel sont confrontées les entreprises jadis nationales, mais toujours publiques. « Elles sont sans cesse mises en demeure par les pouvoirs publics (Union européenne, État, collectivités locales) de faire baisser par tous les moyens leur “coût du travail” pour les “habituer” aux conditions du marché, dans l’optique d’une privatisation certaine », résume Patrice Clos, Secrétaire général de la Fédération des FO des Transports.

Jamel Azzouz Journaliste

Notes

[1Exploitation transport (régulation et sécurité du réseau), service aux voyageurs (accueil, information, vente, assistance), maintenance-entretien du matériel roulant (bus, tramways, rames de métro, trains RER), des équipements (caténaires, ascenseurs) et des infrastructures (gares et stations, voies ferrées, viaducs, tunnels), ingénierie (étude-conception des matériels et systèmes de transport), génie civil (maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre des réseaux et des espaces voyageurs, études et expertises en infrastructures, architecture, urbanisme et géotechnique… sans compter les fonctions support.