Les Campus des métiers ou comment faire entrer le loup dans la bergerie

Enseignement par Jamel Azzouz

Impulsé par les ministères de l’Éducation nationale et du Redressement productif, le dispositif vise notamment à créer un partenariat étroit entre les établissements d’enseignement professionnel et le monde de l’entreprise au niveau régional…« au détriment de l’école républicaine », dénonce FO.

« L’avenir d’un pays appartient à sa jeunesse. Les acteurs de l’Éducation nationale ont la responsabilité d’instruire et d’éduquer chaque élève pour lui permettre de trouver sa place dans la société de demain. » Voilà comment le ministère de l’Éducation nationale introduisait une circulaire adressée le 20 mai dernier à ses personnels. Mais lorsqu’on sait que l’une de ces dispositions a trait à la mise en place de « Campus des métiers et des qualifications », il y tout lieu de s’interroger sur la « société de demain ». Présentés dans la circulaire comme des « atouts pour le redressement productif et l’insertion professionnelle des jeunes », lesdits campus doivent regrouper en un même lieu ou en réseau des établissements d’enseignement secondaire et supérieur, en formation initiale ou continue, dans un cadre régional.

L’objectif est d’asseoir un partenariat étroit entre les mondes de la formation, de la recherche et de l’entreprise autour d’un secteur d’activité jugé porteur d’avenir, notamment en référence à la politique de filières stratégiques (aéronautique, énergie, tourisme, numérique…) du ministère du Redressement productif. Chaque campus doit comprendre au moins un établissement public local d’enseignement, qui peut être un lycée professionnel ou un établissement public à caractère scientifique.

Flou des frontières entre formation initiale et continue

Pour Hubert Raguin, de la Fédération FO de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle (FNEC-FP FO), « le dispositif va affaiblir l’enseignement professionnel dispensé dans les lycées publics, qui sera de fait mis en concurrence avec l’apprentissage puisqu’il est prévu de mutualiser et modulariser les parcours de formation au sein de ces campus ». En effet, la mutualisation autorisera l’utilisation des établissements scolaires et de leurs machines par d’autres (institutions, entreprises, associations…), ainsi que la « mixité des publics » (élèves, apprentis, adultes en formation) au sein d’une classe. Ce mélange permettra dès lors de moduler la durée des formations ou des enseignements, c’est-à-dire de les raccourcir à quelques semaines, au détriment de cursus plus longs et qualitatifs mais plus coûteux. « Les campus sont ainsi une autre façon de faire des économies à l’heure des obsessions budgétaires du gouvernement », souligne Hubert Raguin. Autre préoccupation de FO : la mainmise possible des entreprises et/ou du patronat sur les enseignements préparant aux diplômes nationaux (CAP, BEP, bac pro, BTS, licence professionnelle…), dans la mesure où ceux-ci sont associés au pilotage des projets locaux via les branches professionnelles ou les chambres de commerce et d’industrie. « Et aussi des édiles des Régions, qui ne manqueront pas d’y mettre leur grain de sel », lance-t-il. C’est pourquoi, lorsque FO a été invitée, en juin, à se prononcer sur le projet de décret portant création d’un label « Campus des métiers et des qualifications », tous ont voté contre « au nom de la défense de l’école de la République, qui doit rester nationale ».

Jamel Azzouz Journaliste

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