Incivilités : comment protéger les salariés ?

Actualités par Clarisse Josselin

Les salariés en contact avec le public sont de plus en plus souvent victimes d’agressions. Contrecoup de la crise, FO voit surtout dans cette montée des incivilités la conséquence de réductions drastiques d’effectifs et demande que le personnel soit mieux soutenu par la hiérarchie.

Insultes, crachats, doigts d’honneur, menaces, coups... Les agressions atteignent un niveau inquiétant dans les métiers en contact avec le public. Selon l’enquête Sumer sur les risques professionnels réalisée par la Direction générale du travail et publiée en 2013, 15% de l’ensemble des salariés concernés (mais plus de 26% des fonctionnaires masculins) déclarent avoir subi au moins une agression verbale dans l’année. Et 1,7% d’entre eux (dont 4,7% des fonctionnaires masculins) rapportent au moins une agression physique.

Les établissements avec guichets sont particulièrement touchés. Dans les banques, FO a lancé la négociation d’un accord de branche signé en 2006 et reconduit en 2010 (voir encadré en page précédente). Avec la crise et la hausse de la détresse, le phénomène s’aggrave dans les organismes de protection sociale comme Pôle emploi ou les caisses d’allocations familiales. Mais il touche aussi les transports (dans les avions, le nombre d’incivilités a été multiplié par huit entre 2007 et 2011) ou les établissements scolaires. Dans les hôpitaux la violence a augmenté de 80% entre 2008 et 2012, selon l’Observatoire des violences en milieu de santé.

Sur le plan juridique, l’employeur est responsable de la sécurité et de la santé physique et mentale de ses salariés. Il doit prévenir les violences qui surviennent dans le cadre du travail. En cas d’incident, c’est à lui de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires de protection.

Après une agression, les victimes bénéficient généralement d’un accompagnement psychologique et juridique et sont déclarées, le cas échéant, accidentées du travail. Face à un danger grave et imminent, les salariés peuvent aussi exercer leur droit d’alerte et de retrait.

Ces agressions sont souvent regroupées sous le terme d’« incivilités », une notion sociologique qui ne fait pas consensus. Pour l’Observatoire national de la délinquance (ONDRP), il recouvre des comportements « non prévus expressément par la loi et se caractérisant par le non-respect d’autrui, de la politesse ou de la courtoisie ». Certains chercheurs élargissent son spectre aux actes répréhensibles par la loi.

Les agents se sentent impuissants

Le sociologue Sebastian Roché y voit une conséquence de l’anonymat de la ville, qui génère moins de pression sociale sur les individus, allié à une précarité croissante qui fragilise le statut social et le vivre ensemble. Julien Damon, professeur associé à Sciences Po, pointe une « urbanisation croissante », associée « au stress grandissant de la vie moderne ».

Pour FO, les incivilités découlent avant tout d’un manque d’effectifs, lié aux politiques d’austérité, qui entraîne l’allongement des délais de traitement des dossiers. À Pôle emploi, 50 000 agents doivent gérer 5,19 millions de chômeurs. Faute de budget, le temps de formation des nouveaux agents est passé de plusieurs semaines à quatre ou cinq jours.

« L’essentiel des réclamations concerne l’indemnisation, les gens en ont besoin pour vivre, explique Philippe Bleton, secrétaire FO du CHSCT de Pôle emploi. D’un côté les agents sont mis dans une situation où ils ne peuvent pas répondre à leurs questions et se sentent impuissants. En face les demandeurs pètent les plombs car ils ne comprennent pas. S’y ajoute un rôle de bouc émissaire irrationnel en tant que fonctionnaire. »

Selon lui, répondre aux revendications de FO suffirait à supprimer les incivilités : recréer des sites de proximité, embaucher, former, mettre un agent expérimenté à l’accueil et redonner un sens aux métiers.

La Poste a créé un poste de directeur de la prévention des incivilités en 2008, après la remontée par les CHSCT d’une hausse des agressions verbales et physiques. Pourtant les chiffres dévoilés le 13 février par la Commission nationale santé et sécurité au travail du réseau des bureaux de poste ne sont pas bons. Les déclarations d’incivilités ont augmenté de 12,9% entre 2012 et 2013 et les violences sont en hausse de 18,2%. La direction justifie cette augmentation par une meilleure remontée des saisies. Une formation a été mise en place, mais elle ne bénéficie qu’a posteriori aux personnes victimes d’agression. Le syndicat FO réclame leur généralisation, ainsi que du matériel de vidéo-protection de qualité dans tous les bureaux de poste et des moyens de remplacement en nombre suffisant. FO revendique également l’accompagnement systématique des agents agressés avec dépôt de plainte par l’employeur.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

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