Menaces de gel sur la plupart des prestations versées par la Sécurité sociale

Indemnités AT-MP par Jamel Azzouz

Après la maladie, la famille, la retraite, le gouvernement veut comprimer les indemnités dues au titre de l’invalidité et des accidents de travail pour financer les allégements d’impôts et de cotisations patronales promis aux employeurs dans le cadre de son pacte de responsabilité.

Vers un gel des retraites et des prestations familiales et d’invalidité, mais aussi des rentes versées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP)… C’est le sens du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS) que le gouvernement devrait présenter le 18 juin prochain en Conseil des ministres. En contrepartie d’allégements d’impôts et de cotisations patronales inscrits dans son Pacte de responsabilité, décliné sous la forme d’un plan triennal d’économies de 50 milliards d’euros, l’exécutif n’a pas renoncé à faire contribuer au maximum la Sécu à hauteur de 10 milliards d’euros, dont environ 1,9 milliard dès cette année, malgré l’opposition d’une partie de sa majorité et des syndicats. Selon Les Échos datés du 2 juin dernier, après avoir annoncé un gel du montant des prestations familiales, des retraites supérieures à 1 200 euros mensuels et des rentes d’invalidité, le gouvernement s’apprêterait à étendre la mesure aux indemnités des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP). Celle-ci « permettra[it] d’économiser 150 millions l’an prochain et 200 millions à partir de 2016 », d’après des calculs de Bercy cités par le quotidien économique, alors que la branche AT-MP présente un excédent de 300 millions d’euros.

« Mesures inadmissibles et socialement injustes »

Le choix de ponctionner les indemnités AT-MP passe mal dans les rangs de la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale, y compris auprès de la présidente de la commission des Affaires sociales, Mme Lemorton. « Geler des prestations pour des assurés qui sont dans l’incapacité de travailler et qui ont souvent des restes à charge non négligeables pour se soigner, cela me gêne beaucoup », a-t-elle déclaré. Une manière de souligner que les victimes d’AT-MP s’acquittent depuis maintenant plusieurs années de toutes sortes de franchises médicales qui viennent limiter leurs ressources lorsqu’ils paient des soins qui sont liés aux conséquences de leur accident ou de leur maladie professionnelle. Rappelons ici que la pension d’invalidité est due à toute personne mise dans l’incapacité de reprendre un travail en raison d’un accident ou d’une maladie. Calculée sur la base d’un salaire de référence et du degré d’incapacité, son montant est au maximum de 1 500 euros mensuels. Quant aux rentes AT-MP, elles sont versées aux victimes d’une incapacité permanente engendrée par un accident du travail ou une maladie professionnelle. Une incapacité à travailler dont ils ne sont donc en rien responsables. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la branche AT-MP est financée entièrement par les cotisations des entreprises. C’est en substance ce qu’a rappelé FO jeudi matin, lors de la réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale où la ministre des Affaires sociales, Mme Touraine a dévoilé les grandes lignes du PLFRSS. « Le gel des rentes AT-MP qui exonérerait les employeurs de ce qu’ils doivent à leurs propres salariés quand ceux-ci sont victimes de leur travail serait inadmissible et socialement injuste », lui a dit le Secrétaire confédéral chargé du dossier, Jean-Marc Bilquez. Après lui avoir rappelé que « FO s’oppose à toute mesure de gel des prestations sociales de retraite, des prestations famille, invalidité ou rentes AT-MP », il lui a lancé : « Non, la Sécurité sociale n’est pas une charge, non ce n’est pas une variable d’ajustement économique ou encore un outil de réduction du “coût du travail” ! »

Jamel Azzouz Journaliste

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