L’Allemagne abaisse l’âge de la retraite pour les carrières longues

Inflexion par Evelyne Salamero

Les salariés ayant cotisé quarante-cinq ans pourront partir à 63 ans au lieu de 65 ans. La mesure est transitoire.

Le dernier rebondissement de la réforme des retraites outre-Rhin ressemble à un aveu de faiblesse du gouvernement allemand. De là à dire qu’il fait marche arrière sur la question du report de l’âge de la retraite...

La réforme de 2007 a organisé le report progressif de l’âge de la retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans en 2029, avec une possibilité de départ anticipé à 65 ans pour les carrières longues, c’est-à-dire à partir de quarante-cinq ans de cotisation. Six ans plus tard, la coalition gouvernementale [1] menée par la chancelière Angela Merkel donne son feu vert à un nouveau texte, qui permettra d’abaisser l’âge de cessation d’activité pour les carrières longues à 63 ans. Les périodes d’inactivité, chômage et maternité, sont prises en compte. Toutefois, la mesure est transitoire puisque cet âge sera de nouveau repoussé pour atteindre au final 65 ans, comme prévu à l’origine, en 2029.

Le texte, présenté par la ministre du Travail, Andrea Nahles, en Conseil des ministres fin janvier, a été voté au Bundestag, le Parlement allemand, le 22 mai. Il prévoit également la revalorisation des pensions des personnes handicapées et des mères d’enfants nés avant 1992. Le gouvernement présente le tout comme un acte de « justice sociale ». Mais, ont fait remarquer plusieurs voix, la fameuse promesse d’une retraite minimum à 850 euros par mois, faite durant la campagne des élections législatives de 2013 pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées, ne figure pas dans le projet de loi.

EN ATTENDANT LA RETRAITE À 70 ANS ?

De plus, ce « paquet retraite » a un coût (160 milliards d’ici à 2030). Comment sera-t-il financé ? Les cotisations y contribueront pour 60%, a chiffré l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW). Déjà, leur baisse envisagée pour le 1er janvier 2014 (de 18,9% à 18,3% du salaire brut) n’a pas eu lieu. Il est désormais prévu qu’elles passent à 19,7% en 2019, puis à 2% en 2029. Et les retraités participeront à hauteur de 25%, via le ralentissement de la revalorisation des pensions. Les 15% restants proviendront d’une augmentation de la contribution de l’État à l’assurance-vieillesse.

La nouvelle loi a été saluée comme un recul du gouvernement sur l’allongement de la durée de la vie active par la confédération syndicale DGB. Elle a en revanche provoqué un tollé du côté patronal et de Bruxelles, y compris au sein même du parti de la chancelière. « Nous manquons de main-d’œuvre qualifiée et nous devons parler dans les prochaines années de retraite à 70 ans. Nous encourageons les Grecs à travailler davantage pour de moins bons salaires. Ils se demandent maintenant pourquoi les Allemands prennent le chemin inverse », a ainsi déclaré le commissaire européen à l’Énergie et membre de la CDU, Günther Öttinger. « Avec l’augmentation de l’espérance de vie et le tournant démographique en Allemagne, la question de la retraite à 70 ans est inévitable », a déclaré le directeur de l’institut DIW, Marcel Fratzscher.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Elle se compose de la CDU (Union démocrate chrétienne, le parti de la chancelière, et du SPD (Parti social-démocrate).