La reconnaissance d’une UES se fait-elle obligatoirement à l’unanimité des organisations syndicales ?

Droit syndical par Secteur des Affaires juridiques

Nouvelle conséquence de cette loi d’août 2008 qui a modifié la représentativité syndicale : la Cour de cassation en a déduit que la reconnaissance ou la modification conventionnelle d’une unité économique et sociale (UES), entité devenue essentielle dans la pratique syndicale de nombre d’entreprises, n’est plus du ressort du protocole d’accord préélectoral, qui nécessitait l’unanimité des organisations syndicales représentatives, mais de l’accord collectif qui doit recueillir la double majorité. Il en résulte qu’il suffit que ce dernier soit signé par celles ayant obtenu au moins 30% des suffrages lors du premier tour des dernières élections.

C’est par un arrêt en date du 14 novembre 2013 (Cass. soc., 14-11-13, n°13-12712 PBR [1]) que la chambre sociale de la Cour de cassation vient de procéder à un revirement d’importance.

Par cet arrêt, elle revient sur les règles relatives à la reconnaissance conventionnelle d’une unité économique et sociale (UES [2]).

En l’espèce, un accord modifiant le périmètre antérieurement retenu pour la composition d’une UES a été signé le 16 novembre 2012.

La FEC FO conteste la validité de cet accord au motif qu’il n’avait pas été signé à l’unanimité des organisations syndicales représentatives. Elle saisit donc le tribunal d’instance d’une requête en annulation.

Pour rappel, avant la loi du 20 août 2008 (loi n°2008-789 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail), la reconnaissance conventionnelle de l’UES, c’est-à-dire sa reconnaissance par accord collectif, relevait des conditions de signature du protocole d’accord préélectoral [3]. En effet, l’accord devait être conclu à l’unanimité des employeurs et organisations syndicales représentatives.

Seulement, la loi du 20 août 2008 est venue modifier les conditions de signature du protocole d’accord préélectoral (passage à une condition de double majorité). S’est donc posée la question de savoir si l’accord permettant la reconnaissance de l’UES pouvait être signé avec la condition de double majorité requise en matière de protocole d’accord préélectoral. La question n’ayant pas été tranchée, l’unanimité est restée de mise.

Dorénavant, il n’y a plus de place au débat ! L’arrêt du 14 novembre pose pour principe que « la reconnaissance ou la modification conventionnelle d’une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d’accord préélectoral mais de l’accord collectif [4] signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES ».

Pour autant, elle rejette le pourvoi formé par la FEC FO. En effet, la Haute juridiction considère la décision du tribunal d’instance légalement justifiée car l’accord de modification du périmètre de l’UES ayant été signé à la double majorité des organisations au sens de l’article L. 2324-4-1, il l’a donc été, a fortiori, par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections.

Ainsi, la Cour de cassation abandonne sa jurisprudence antérieure. Elle écarte tant l’exigence de double majorité que l’exigence d’unanimité, et opte pour la condition de majorité applicable dans le droit commun de la négociation collective (L. 2232-12 du Code du travail).

À présent, la validité de l’accord permettant la reconnaissance d’une UES est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à cette même élection.

Les reconnaissances conventionnelles d’UES devraient ainsi prendre le pas sur les reconnaissances judiciaires…

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Notes

[1Initiales informant sur le mode de publication d’un arrêt en cassation. PBR signale une haute importance car publié dans le Bulletin de la Cour de cassation (P), dans celui d’information bimensuel (B), pour informer rapidement les magistrats, et dans le Rapport annuel (R), indiquant une forte portée doctrinale.

[2Regroupe en une identité des entreprises juridiquement distinctes mais ayant des liens étroits entre elles, notamment un même pouvoir de direction, de droit ou de fait.

[3Texte définissant les modalités d’organisation et de déroulement des élections professionnelles afin d’assurer une représentation élue des salariés dans l’entreprise.

[4Acte juridique conclu après une négociation entre interlocuteurs sociaux. Son périmètre est moins large que celui d’une convention.

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