La réforme ferroviaire française dans les wagons de la libéralisation du rail

Vers une sécurité des usagers et des conditions de travail au rabais par Michel Pourcelot

Sur quelle voie dangereuse s’engage la SNCF ? Le projet de loi réformant le système ferroviaire propose ni plus ni moins, et sous couvert de « cohérence », de la réunifier en... l’éclatant en trois. De quoi faire dérailler la mission de service public dont on sait qu’elle n’est guère la priorité des autorités européennes, qui prévoient l’ouverture des lignes intérieures à l’appétit du privé pour 2019. En France, la direction de la SNCF semble tout faire pour lui préparer le terrain, notamment en agitant des économies vertueuses. Ce projet contient en germe des modifications radicales des conditions de travail et donc de la sécurité de millions d’usagers. Le combattre est vital.

Les milliers de cheminots venus de toute l’Europe ont manifesté, le 25 février dernier, à Strasbourg, contre le nouveau projet européen de libéralisation du rail, soit le quatrième « paquet » législatif, en discussion devant les eurodéputés et prévoyant désormais l’ouverture des lignes intérieures nationales à la concurrence pour 2019. Pour, bien entendu, « stimuler la compétitivité et la croissance européenne ». Pendant ce temps-là, en France, s’engage une nouvelle bataille du rail. FO Cheminots demande le retrait pur et simple du projet de loi de réforme ferroviaire et avait appelé à la mobilisation par la grève dès le 12 décembre 2013. Ce projet doit être présenté en première lecture à l’Assemblée le 16 juin 2014. Le temps presse : la mise en place de la réforme est prévue pour le 1er janvier 2015, soit six mois après.

L’accent, lors de la présentation de cette réforme, est généralement mis, et tout particulièrement par son président, Guillaume Pepy, sur son aspect structurel, au nom évidemment des sacro-saintes économies et des réductions de coûts. Il est spectaculaire avec un prétendu retour dans le giron de la Société nationale des chemins de fer français du RFF (Réseau ferré de France), dont il a été séparé en 1997. En fait de véritable réunification, à laquelle FO Cheminots veut revenir dans le cadre d’une SNCF intégrée sous monopole d’État, il s’agit d’un... éclatement en trois morceaux (voir encadré page précédente). Le découpage reste une recette classique de la préparation à la privatisation des entreprises publiques. De plus, comme le souligne Éric Falempin, Secrétaire général de FO Cheminots, une réforme peut en cacher d’autres car à l’intérieur se dissimulent deux autres volets, bien plus dangereux et lourds de conséquences pour l’avenir : l’un économique (voir encadré ci-contre) et l’autre social (voir encadré ci-dessus), ce dernier devant être mis en place au 1er juillet 2015, dans le cadre d’un... « cadre social homogène » appliqué à une branche ferroviaire. Cela sans compter plus tard un probable alignement sur les exigences de la Commission européenne, acharnée à trancher totalement toute relation organique entre les activités de gestion des infrastructures et le transport, autrement dit l’exploitation commerciale des lignes. Pour mieux laisser la voie libre au privé...

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante