Mon beau vélo

Le Tour d’un vélo par Baptiste Bouthier

Deux roues, une selle, un guidon et des pédales : a priori, rien de plus simple qu’un vélo. Et pourtant, des premières bicyclettes du Tour, au début du XXe siècle, lourdes de plus de 20 kilos, avec une seule vitesse et un pignon fixe, à celles qu’utilisent aujourd’hui les coureurs de la Grande Boucle, il y a plusieurs mondes d’écart. Quelles sont les caractéristiques d’un vélo de coureur professionnel en 2014 ? Qu’est-ce qui différencie ce vélo de celui qu’utilisent des millions d’amateurs à travers le monde ?

Pour le savoir, nous avons demandé à Arnaud Désoeuvre, mécanicien de l’équipe FDJ.fr, de nous présenter le vélo Lapierre Aircode 002, que les coureurs de l’équipe française utilisent sur ce Tour 2014.

LA SELLE
« On a six modèles de selles dans l’équipe. En début de saison, les coureurs les essaient et chacun choisit celle qu’il va utiliser tout au long de la saison. Chaque coureur a ses critères, mais globalement, c’est bien sûr le confort qui prime : il faut être bien posé sur sa selle parce que l’on va y passer un paquet d’heures ! Certaines sont plus larges que d’autres, pour davantage poser le bassin ; d’autres plus rembourrées, d’autres, à l’inverse, ne sont qu’en carbone, sans rembourrage, etc. Il y a eu beaucoup de tentatives d’innovations sur les selles, mais dans l’ensemble toutes ont été abandonnées. Par exemple, un temps on a vu beaucoup de selles avec des trous, mais elles ont à peu près disparu du peloton maintenant. On a essayé des selles avec bec plongeant, des selles articulées... mais on revient toujours à l’original ou presque. Et d’ailleurs, c’est un point du vélo où il n’y a pas de différence entre le matériel des pros et celui des amateurs. »

LE GROUPE (freins, pédalier, dérailleurs)
« C’est un système tout électrique. On part des poignées de frein : il y a deux palettes pour pouvoir monter ou descendre les vitesses. Elles sont reliées par un fil aux dérailleurs avant et arrière. Le tout est alimenté par une batterie qui est insérée à l’intérieur du tube de selle. Son autonomie est assez importante : il ne faut la recharger que quatre ou cinq fois sur un Tour de France. Nous avons été précurseurs au sein du peloton avec ce système électrique, que l’on utilise depuis 2007. C’est hyper fiable, c’est souple à l’utilisation, et aujourd’hui c’est devenu incontournable pour les coureurs : il n’y a plus à tordre la poignée pour changer de vitesse, ce qui est un grand confort, surtout quand il fait froid. C’est vraiment une innovation majeure. Pour le moment c’est encore un peu onéreux, mais avec le temps ça va se généraliser. Pour l’instant, à peu près la moitié des équipes professionnelles utilisent ce système, les autres sont encore avec des poignées. Mais à terme, je pense que l’on passera en tout électrique dans l’ensemble de la mécanique. On commence aussi à en voir chez les amateurs et les cyclos, mais ça reste encore cher. Et il y a pas mal de réticence : les gens pensent que parce que c’est électrique, ce n’est pas forcément fiable... Quand on vient nous voir au camion le soir des courses, on nous pose souvent la question. Et nous on leur dit : pas de souci, ça marche ! »

LE CADRE
« Le cadre est tout en carbone. Ce genre de cadre est apparu dans les pelotons à la fin des années 1980. À l’époque, il cohabitait avec les cadres en acier, puis plus tard il y a eu les cadres en alu. Mais depuis une dizaine d’années, le peloton est à 100% équipé de cadres tout carbone. Ce n’est pas qu’une question de poids, c’est tout le comportement du vélo qui est amélioré : il est à la fois plus léger, plus rigide et plus élastique. Le seul inconvénient, c’est que ça casse souvent lorsque le coureur tombe, en tout cas plus souvent qu’avec l’alu ou l’acier.
D’habitude, ce qui change d’une année sur l’autre sur un cadre, c’est surtout sa décoration. On change la couleur un peu avant le Tour, au mois de mai, histoire de varier... Cette année, c’est différent. Géométriquement, c’est le même que l’an dernier, mais la construction des différents tubes est différente par rapport au cadre précédent. Le tube de selle, notamment, est plus profilé. L’arrière est un peu différent aussi, il est un peu plus aérodynamique. Le tout est un tout petit peu plus léger, plus rigide, tout en restant aussi confortable.
On retrouve aussi une écrasante majorité de tout carbone chez les non-pros. Sur n’importe quelle course amateurs, il n’y a que ça. Il n’y a guère que ceux qui font de très grandes randonnées qui peuvent encore utiliser des cadres en alu ou en acier. Ces cadres font aussi le même poids que ceux des pros, ils sont même plus légers parfois. D’abord parce que les vélos des professionnels ont un poids minimum (6,8 kg), mais aussi parce que, pour la sécurité du coureur, c’est important d’avoir un vélo qui ne soit pas trop léger. Mais la principale différence, c’est que les cadres des pros sont bien plus souples. C’est normal : ils subissent bien plus de force que ceux des amateurs. »

LE GUIDON
« Pour le coup, il n’y a aucune différence entre un guidon de pro et le guidon de Monsieur Tout-le-monde ! Sur nos vélos FDJ.fr, la potence est en aluminium et le guidon en carbone. Il existe des modèles monobloc, que les coureurs aiment bien généralement d’ailleurs, mais nous c’est en deux pièces. »

LES ROUES
« On a quatre modèles, plus celles prévues pour le contre-la-montre. La différence d’une roue à l’autre, c’est la largeur. On a un modèle de 24 millimètres qui est fait pour la montagne, roue légère. Un autre pour la moyenne montagne, 35 millimètres. Un autre pour les profils les plus courants, parcours plutôt plat, avec quelques côtes, un vent moyen, largeur de 50 millimètres. Et un dernier modèle de 75 millimètres pour les courses très plates, vent dans le dos toute la journée, style Paris-Tours. Ce sont celles de 35 et de 50 millimètres qui sont les plus utilisées. Là aussi, c’est le coureur qui choisit. Certains roulent toute l’année en 35. D’autres aiment avoir une roue avant en 35 et une roue arrière en 50. Les roues sont en carbone et les pneumatiques, c’est du boyau. À une époque, le pneu était hyper à la mode, mais aujourd’hui tout le peloton est revenu au boyau. On s’est aperçu que le rendement était vraiment meilleur, le confort également.
Dans ce domaine, il y a assez peu de différences entre un vélo de professionnel et un vélo d’amateur. La gomme est la même, le dessin du boyau aussi. »