La relève française

Le Tour de la jeune garde par Baptiste Bouthier

Après de longues années de disette, le cyclisme français reprend des couleurs depuis quelques années. Et l’avenir est encore plus prometteur, avec une jeune génération de très haut niveau, que ce soit au sprint, en montagne ou pour les classiques, et qui a déjà commencé à remporter de grands succès.

Des sprinteurs inscrits dans le gotha mondial

Dans ce domaine, les meilleurs Français ne sont déjà plus de très grandes promesses mais des leaders mondiaux. Alors que la France n’avait plus connu un sprinteur de classe mondiale depuis l’arrêt de Frédéric Moncassin au début des années 2000, et qu’elle avait dû jusqu’ici se contenter de coups d’éclat, comme les victoires sur le Tour de Jean- Patrick Nazon, en 2003, sur les ChampsÉlysées, ou celle de Jimmy Casper à Strasbourg en 2006, voilà qu’elle se retrouve armée de plusieurs cadors mondiaux.

NACER BOUHANNI (FDJ. FR), 23 ANS
Palmarès : champion de France 2012, deux étapes de Paris- Nice, deux éta - pes du Tour de Pékin, GP de Fourmies 2013.

ARNAUD DÉMARE (FDJ. FR), 22 ANS
Palmarès : Vattenfall Cyclassics Hambourg 2012, champion du monde espoirs 2011, 4 jours de Dunkerque 2013, deuxième de Gand- Wevelgem 2014.

BRYAN COQUARD (EUROPCAR), 22 ANS
Palmarès : vice champion du monde espoirs 2012, Route Adélie 2014, Paris-Camembert 2014.

Nacer Bouhanni, Arnaud Démare et Bryan Coquard sont âgés de 22 ou 23 ans, ils sont professionnels respectivement depuis 2011, 2012 et 2013, et pourtant ils rivalisent déjà avec les meilleurs spécialistes mondiaux du sprint. Tous trois ont déjà battu au moins une fois Mark Cavendish, André Greipel, John Degenkolb ou Marcel Kittel… Et surtout, ils sont d’une fiabilité remarquable, qui leur a permis de s’installer durablement dans le gotha du sprint mondial : en 2013, Nacer Bouhanni a gagné à onze reprises, Arnaud Démare neuf fois, et Bryan Coquard six fois. En un mot, nos jeunes Français ont l’habitude de gagner. Et ils progressent hyper vite. Champion du monde espoirs à Copenhague en 2011, Arnaud Démare a remporté une grande classique pour sprinteurs, la Vattenfall Cyclassics de Hambourg, dès sa première saison professionnelle, en 2012, avant de terminer troisième de Paris-Tours l’an dernier et deuxième de Gand-Wevelgem cette saison. Vice-champion du monde espoirs à Valkenburg, en 2012, Bryan Coquard, n’a eu, lui aussi, aucun mal à s’adapter au monde professionnel, remportant deux succès dès sa première course dans l’Élite, l’Étoile de Bessèges. Quant à Nacer Bouhanni, il a déjà un titre de champion de France au palmarès, acquis devant… Démare. Et ces trois-là ne sont pas seuls. Vice-champion du monde espoirs derrière Démare en 2011, Adrien Petit est aussi un élément prometteur chez Cofidis. Du côté d’Europcar, en sus de Coquard, Yannick Martinez, le frère de l’ancien champion olympique de VTT Miguel Martinez, est également un excellent sprinteur. ■

Des grimpeurs brillants et décomplexés

Depuis l’affaire Festina, en 1998, la présence des Français en montagne s’était réduite comme peau de chagrin. En dehors de quelques rares exceptions, comme Christophe Moreau, les coureurs tricolores se contentaient de prendre des échappées au long cours sur les étapes montagneuses, pour espérer s’imposer en baroudeur, sans aucune ambition possible dans la course « à la pédale » face aux favoris, et donc au classement général des courses par étapes, à commencer par le Tour de France. Depuis quelques années, dans la foulée, par exemple, de Pierre Rolland ou John Gadret, les choses ont évolué et désormais les espoirs sont portés par une jeune génération pétrie de talent et dans laquelle se trouve peut-être bien le prochain Français vainqueur de la Grande Boucle…

THIBAUT PINOT (FDJ. FR), 24 ANS
Palmarès : une étape du Tour de France, Semaine lombarde 2011, quatrième du Tour de Suisse 2013, sptième du Tour d’Espagne 2013, dixième du Tour de France 2012.

WARREN BARGUIL (GIANT-SHIMANO), 22 ANS
Palmarès : deux étapes du Tour d’Espagne, Tour de l’Ave - nir 2012, neuvième du Tour de Catalogne 2014.

ROMAIN BARDET (AG2R LA MONDIALE), 23 ANS
Palmarès : tour de l’Ain 2013, Drôme Classic 2014, quatrième du Tour de Catalogne 2014, cinquième du Tour de Pékin 2013, quinzième du Tour de France 2013.

Thibaut Pinot, dixième de son premier Tour en 2012, est le leader naturel de cette nouvelle génération. Le coureur de la FDJ. fr est décomplexé, il n’a pas froid aux yeux, il n’hésite pas à se mesurer aux « leaders » du peloton international et veut leur prouver qu’ils ne sont pas meilleurs que lui. Un tempérament qui lui a déjà permis d’obtenir d’excellents résultats et qui inspire ses compatriotes. D’un an plus jeune, Romain Bardet s’est révélé aux yeux du grand public sur le Tour 2013, aux côtés de son leader chez AG2R La Mondiale, Jean-Christophe Peraud. Très bon jeune grimpeur, capable de briller sur les courses de trois semaines comme le Tour de France et aussi peu complexé que Pinot, Bardet aime aussi les classiques, notamment Liège-Bastogne- Liège… Enfin, Warren Barguil, 22 ans à peine, a été phénoménal, l’an dernier, pour son premier grand tour : il a remporté deux étapes de la Vuelta avec une aisance de vieux briscard. Ce jeune grimpeur, qui court pour une équipe étrangère, la néerlandaise Giant- Shimano, a la gagne en lui et pourrait bien aller très, très loin… ■

Des chasseurs de classiques déjà au top

Au sprint, il y avait des coups d’éclat. En montagne, de grands barouds et des victoires de prestige. Le grand passage à vide du cyclisme français a été général dans les années 2000, mais c’est probablement sur les classiques qu’il a été le plus manifeste, avec des courses totalement désertées par les coureurs tricolores, incapables de peser sur ces épreuves pourtant si nombreuses dans le calendrier et importantes dans l’histoire du cyclisme. C’est donc sur ces dernières que le changement a été le plus spectaculaire… avec, enfin, des Français au niveau sur les classiques, et même qui gagnent ! Le succès d’Arnaud Démare sur une des rares classiques dédiées aux sprinteurs, la Vattenfall Cyclassics de Hambourg, en août 2012, a été un coup de tonnerre, mais cela faisait déjà quelque temps que les tricolores avaient recommencé à jouer les premiers rôles sur les plus grandes classiques de l’année : quelques mois plus tôt, Sébastien Turgot avait terminé deuxième de Paris-Roubaix, Thomas Voeckler quatrième de Liège-Bastogne-Liège et Sylvain Chavanel avait terminé deuxième du Tour des Flandres un an plus tôt, battu d’une roue par Nick Nuyens…

ARTHUR VICHOT (FDJ. FR), 25 ANS
Palmarès : champion de France 2013, Tour du Haut Var 2013, deuxième du GP de Québec 2013, troisième de Paris-Nice 2014.

TONY GALLOPIN (LOTTO-BELISOL), 26 ANS
Palmarès : clasica San Sebastian 2013, troisième du Tour d’Oman 2012, sixième du GP E3 2014.

Le symbole, à nouveau, c’est que la victoire est venue d’un représentant de la jeune génération. Une prise de pouvoir confirmée un an plus tard avec la victoire sur la Clasica San Sebastian, à l’été 2013, de Tony Gallopin, l’un des éléments les plus prometteurs de cette relève française sur les courses d’un jour. Le coureur de Lotto-Belisol a triomphé sur les cols du Pays basque espagnol, mais il peut tout aussi bien briller sur les pavés des Flandres ou les collines néerlandaises de l’Amstel Gold Race : il en gagnera d’autres. On peut faire le même pari avec le champion de France 2013, Arthur Vichot, excellent puncheur, à l’aise dans les courtes côtes et très rapide au sprint, bref taillé pour les Ardennaises, que ce soit Liège-Bastogne-Liège ou l’Amstel Gold Race… ■