Le quantum des heures supplémentaires fait-il encore l’objet d’un contrôle de la Cour de cassation ?

Durée du travail par Secteur des Affaires juridiques

La Cour de cassation, compte tenu du principe de l’appréciation souveraine aux juges du fond, vient d’affirmer qu’elle ne peut remettre en cause l’évaluation d’un montant effectuée par un juge de première instance ou par une cour d’appel. Il importe donc de bien préparer son dossier en la matière en fournissant des éléments de faits pour étayer sa demande auprès des juges du fond, car la Cour de cassation, et plus que jamais après sa récente série d’arrêts, ne s’attachera qu’à vérifier la conformité avec les règles du droit du jugement attaqué devant elle.

C’est par une série de quatre arrêts, en date du 4 décembre 2013 (Cass.soc., 4.12.2013, n°12-22344, n°12-17525, n°11-28314, n°12-11886 PBR), que la chambre sociale de la Cour de cassation renonce à contrôler l’évaluation réalisée par la cour d’appel du volume d’heures supplémentaires.

Dans la première affaire (n°12-22344), une salariée engagée en qualité de directrice d’un établissement médicalisé a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en paiement d’heures supplémentaires. En l’espèce, l’employeur est condamné par la cour d’appel de Paris à verser à la salariée la somme de 36 000 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires. Il forme un pourvoi [1] en cassation au motif que la cour d’appel a procédé à une évaluation arbitraire et forfaitaire et ne précise pas le détail de son calcul.

Dans deux autres affaires, la cour d’appel de Paris a accordé des rappels de salaire à un salarié engagé en qualité de cuisinier (n°12-17525) et à un travailleur intérimaire (n°11-28314). Les employeurs forment un pourvoi en cassation, considérant les éléments fournis par les salariés insuffisants pour rapporter le bien-fondé de leur demande et reprochant également à la cour d’appel d’avoir réalisé une évaluation forfaitaire de ces sommes sans apporter d’explication ni de justification.

Dans la dernière affaire (n°12-11886), l’employeur conteste la somme qu’il est condamné à payer au titre des heures supplémentaires à sa vendeuse. Il reproche à la cour d’appel de ne pas expliquer comment cette dernière était parvenue à une telle somme.

Pour rappel, en cas de litige relatif au nombre d’heures travaillées, la preuve n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties. En effet, le salarié doit fournir au juge des éléments permettant d’étayer sa demande, et il revient à l’employeur de rapporter des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. C’est au vu de ces éléments que le juge forme sa conviction. Jusqu’alors, la Cour de cassation exerçait un contrôle de l’appréciation des juges du fond [2]. Dorénavant, il n’en est plus question !

Dans ces quatre affaires les hauts magistrats rejettent les pourvois formés contre les arrêts de la cour d’appel de Paris, considérant « qu’après avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui n’a pas procédé à une évaluation forfaitaire, a, sans être tenue de préciser le détail du calcul appliqué, souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant ».

Il revient désormais au juge du fond d’évaluer souverainement l’importance des heures supplémentaires et de fixer en conséquence les créances salariales qui s’y rapportent. C’est donc à la cour d’appel d’apprécier le volume d’heures supplémentaires ; la Cour de cassation limitant son contrôle à l’application du régime de la preuve.

La Cour de cassation s’en remet alors à l’appréciation souveraine [3] des juges du fond en ce qui concerne « les faits ». Elle jugera désormais ces questions uniquement « en droit ». Elle revient ainsi à sa fonction première.

En conséquence, n’espérez plus voir le montant de la condamnation de l’employeur, au titre des heures supplémentaires, révisé par la Cour de cassation…

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Notes

[1Recours devant la Cour de cassation contre un jugement ou un arrêt pour des motifs de droit et non de fait.

[2Il apprécie les litiges en fait et en droit. Il examine les éléments de preuve apportés par les parties quant aux faits et il opère la qualification de ces faits au regard des règles de droit.

[3Appréciation du juge du fond échappant au contrôle de la Cour de cassation qui ne peut, par exemple, remettre en cause le montant d’un préjudice que celui-ci
a évalué.

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