Licenciement disciplinaire : pas de faute lorsque les faits sont la conséquence de troubles psychiques

Rupture du contrat par Secteur des Affaires juridiques

Les troubles psychiques figurent au nombre de ces handicaps invisibles, tels que la dépression, qui sont difficilement reconnus au sein des entreprises alors même que celles-ci peuvent en être à l’origine. Quoi qu’il en soit, licencier un salarié pour une faute commise en raison de son état de santé ou de son handicap constitue une discrimination contrevenant aux dispositions du Code du travail, comme vient de le rappeler le Conseil d’État dans une affaire où c’est une expertise médicale qui a établi l’existence d’un trouble psychique chez le salarié, ainsi que le lien de ce dernier avec la faute invoquée.

Lorsque les faits reprochés sont en rapport avec son état pathologique un salarié ne peut être licencié pour faute. Le Conseil d’État vient de juger en ce sens dans une décision du 3 juillet 2013 (CE, 3 juillet 2013, n°349496).

L’employeur qui licencierait un salarié protégé pour faute en raison de son comportement provoqué par des troubles psychiques se rendrait coupable de discrimination [1]. Le licenciement prononcé en raison de l’état de santé serait donc nul.

Si d’ordinaire des violences sur le lieu de travail justifient un licenciement pour faute, la solution est tout autre lorsque les faits reprochés sont la conséquence d’un état pathologique ou d’un handicap de l’intéressé. Selon l’article L. 1132-1 du Code du travail : « […] aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié […] en raison de son état de santé ou de son handicap. […] ». Il en résulte que l’Administration ne peut autoriser le licenciement pour faute d’un salarié protégé dont le comportement agressif est la conséquence des troubles psychiques dont il est atteint.

En l’espèce, un délégué syndical [2] Force Ouvrière avait été licencié pour faute en raison de son comportement agressif et de violences commises au cours d’une même journée. Le ministre du Travail avait autorisé le licenciement du salarié. Le tribunal administratif [3] saisi a décidé d’annuler la décision du ministre. La cour administrative d’appel confirmant cette décision, l’employeur a formé un pourvoi en cassation.

Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi en considérant que le comportement agressif du délégué syndical pendant la journée du 21 mars 2005 était la conséquence des troubles psychiques dont il était atteint et des médicaments qui lui avaient été prescrits pour les traiter, lesquels avaient entraîné une addiction et avaient eu pour effet secondaire une altération de son état de conscience et une désinhibition du comportement. Cette circonstance est donc une cause exonératoire de sa responsabilité.

Juridiction administrative et judiciaire jugent dans le même sens. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser qu’un employeur ne peut licencier un salarié pour son comportement anormal d’excitation lorsque les faits qui lui sont reprochés sont en rapport avec sa maladie (Cass. soc., 28 janvier 1998, n°95-41491). Si l’employeur souhaite licencier le salarié, il doit se placer sur le terrain de l’inaptitude constatée par le médecin du travail. Éventuellement, les absences répétées ou prolongées peuvent entraîner le licenciement du salarié si elles perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif.

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Notes

[1Inégalité de traitement entre les individus fondée sur l’un des motifs énoncés à l’article L1132-1 du Code du travail. La discrimination est illégale.

[2Exerce un rôle de représentation du syndicat qui l’a désigné et de négociateur de conventions ou d’accords collectifs.

[3Compétent pour les litiges concernant la décision de licencier un salarié protégé, qui ne peut intervenir sans l’autorisation préalable de l’inspection du travail.

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