Liste commune et désignation d’un délégué syndical commun

Droit syndical par Secteur des Affaires juridiques

Pour la Cour de cassation il n’est pas question d’union qui puisse faire la force... Du moins en ce qui concerne la désignation d’un délégué syndical commun par des organisations syndicales ayant constitué une liste commune lors d’élections professionnelles. Même si celle-ci a dépassé la barre fatidique des 10%. Car la Cour de cassation a décidé, le 14 janvier dernier, pour la désignation d’un DS, la nécessité, pour chacun des syndicats pris séparément, d’avoir atteint cette barre après examen de la répartition des suffrages selon la clé établie avant le scrutin. Ce qui en l’occurrence n’était pas le cas.

En cas de liste commune, si aucun syndicat n’obtient la représentativité après application de la clé de répartition [1] , ces syndicats peuvent-ils s’entendre pour désigner un délégué syndical commun en se fondant sur le score global de la liste commune ?

Dans une décision du 14 janvier dernier, la Cour de cassation répond, pour la première fois, à cette question par la négative : lorsqu’une liste commune a été établie et qu’aucun syndicat n’a obtenu 10%, après application de la clé de répartition, les syndicats de la liste commune ne peuvent désigner un délégué syndical [2] en se prévalant du score obtenu par la liste commune (Cass. soc., 14 janvier 2014, n°12-28929). En d’autres termes, si aucun syndicat n’est représentatif après application de la clé de répartition, ils ne peuvent s’entendre pour désigner un délégué syndical commun en se fondant sur le score global de la liste commune.

En l’espèce, une liste commune avait été établie entre la CGT, FO et la CFTC. Cette liste avait obtenu 16% des suffrages exprimés au premier tour des membres titulaires au comité d’entreprise. Après application de la clé de répartition aucun syndicat de la liste n’obtenait le score de 10% pour être représentatif. La CGT et FO recueillaient 6,59% et la CFTC 2,82%. La CGT et FO décidaient alors, en accord avec la CFTC, de désigner deux délégués syndicaux, en application de l’accord d’entreprise [3]. Ces syndicats plaidaient que les organisations syndicales qui ont présenté une liste commune ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections peuvent désigner un délégué syndical commun, ou deux si l’accord d’entreprise le prévoit, peu important le score obtenu par chacune d’entre elles après application de la clé de répartition prévue.

Le tribunal d’instance saisi annulait les désignations en prétextant que si la liste commune avait obtenu 16% des suffrages exprimés au premier tour des membres titulaires au comité d’entreprise, ni la CGT (6,59%) ni FO (6,59%) ne remplissaient les conditions de score électoral exigées par l’article L. 2143-1 du Code du travail pour procéder à la désignation d’un délégué syndical. Les syndicats formèrent alors un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rejeta le pourvoi en indiquant qu’en cas de liste commune, il doit être nécessairement procédé à la répartition entre les syndicats des suffrages exprimés, permettant de déterminer leur audience électorale et leur représentativité. Qu’ainsi, lorsque aucun syndicat n’a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise, ils ne peuvent s’entendre pour désigner un délégué syndical en se fondant sur le score obtenu par la liste commune. La Cour de cassation ne reconnaît pas la possibilité pour les syndicats de se prévaloir d’une représentativité intersyndicale en cas de liste commune. La représentativité est obligatoirement établie syndicat par syndicat, après application de la clé de répartition. Et d’en déduire qu’il ne peut donc être désigné un délégué syndical commun à cette liste en l’absence de représentativité reconnue.

Cette décision est à mettre en lumière avec celle rendue le 31 janvier 2012. Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait reconnu que les syndicats ayant fait liste commune pouvaient, dans les entreprises de 300 salariés et plus, désigner en commun un représentant syndical au comité d’entreprise dès lors que la liste justifiait avoir obtenu au moins deux élus, dans la mesure où cette désignation ne requiert pas d’être représentatif (Cass. soc., 31 janvier 2012, n°11-11856). Cette solution pourrait-elle évoluer à l’avenir ? En effet, le projet de loi sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale comporte quelques modifications relatives à la loi sur la représentativité. Il est notamment prévu que, s’agissant du représentant syndical au comité d’entreprise (RS au CE), il puisse être désigné par tout syndicat représentatif (et non plus par les syndicats ayant obtenu deux élus). L’exigence de représentativité pour la désignation d’un RS au CE aura-t-elle pour conséquence d’entraîner un revirement de jurisprudence ? La logique de la jurisprudence de la Cour de cassation semble le commander.

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Notes

[1Procédé de partage. Base sur laquelle se répartissent les suffrages d’une liste commune de candidats lors d’une élection professionnelle suivant ce qui a été indiqué lors du dépôt de la liste. Le dépôt d’une liste commune par des organisations syndicales est permis par l’article L. 2122-3 du Code du travail.

[2Exerce un rôle de représentation du syndicat auquel il appartient et de négociateur de conventions ou d’accords collectifs.

[3Accord collectif conclu au niveau d’une entreprise, soit entre l’employeur et les syndicats de salariés représentatifs, soit, dans des cas spécifiques, entre l’employeur et les représentants du personnel.

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