Dans la bataille autour du rachat du fournisseur d’accès Internet et de réseau de téléphonie mobile SFR, filiale du groupe Vivendi, c’est donc le câblo-opérateur Numericable (Holding Altice Blue) qui a remporté la mise le 5 avril dernier, aux dépens de l’autre prétendant, Bouygues Telecom. À l’issue de l’opération, Vivendi (Universal Music, Canal Plus…) devrait empocher 13,5 milliards d’euros au comptant et détenir 20% en capital du futur ensemble SFR-Numericable. Les dirigeants de Vivendi affirment que cette proposition était « la plus pertinente pour les actionnaires et les salariés », et offrait « la meilleure sécurité d’exécution » du projet industriel. Et ce, alors même qu’Altice va s’emparer de SFR via un montage juridico-financier appelé LBO (Leverage Buy-Out), qui permet de financer une acquisition par le recours à un fort endettement bancaire en n’utilisant qu’un minimum de fonds propres. Dans cette perspective, en plus des 11,6 milliards d’euros de dettes portées par Numericable, le P-DG d’Altice a d’ores et déjà annoncé qu’il allait emprunter 8,8 autres milliards d’euros pour finaliser l’acquisition.
Une logique de dumping social aggravée
Et c’est là tout le problème, comme l’a souligné le Secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, dans un courrier envoyé le 3 avril dernier au Premier ministre, M. Valls : le LBO d’Altice a comme principal inconvénient « de ne pas traiter la question de la consolidation du secteur » en maintenant « quatre opérateurs en concurrence sur un marché saturé [Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom, NDLR] », avec ce risque « de conduire à des plans de suppressions drastiques d’emplois (les LBO antérieurs d’Altice le démontrent) et à une baisse des investissements de la filière. Quitte à exaspérer, ajoute le leader de FO, la guerre des prix, selon une logique de dumping social aggravée », et on ne peut plus préjudiciable à l’emploi, aux conditions de travail et aux garanties collectives dans la filière. Il rappelle au passage les effets de l’entrée sur le marché en 2011 de Free avec son modèle low cost, qui a eu des conséquences rapides et néfastes en termes de baisse des rémunérations et de destructions d’emplois (30 000 à 60 000 emplois directs ou indirects) dans le secteur. C’est pourquoi, tant sur les plans industriel, économique et social, FO trouvait plus judicieux le projet de fusion entre Bouygues Telecom et SFR car il aurait permis de revenir à trois opérateurs de taille équivalente, le groupe Bouygues s’étant engagé à céder à Free son réseau Bouygues Telecom. Pour Vivendi, l’opération aurait été tout aussi fructueuse puisque celui-ci proposait d’acquérir SFR pour 15 milliards d’euros et d’offrir 10% des actions au terme de la fusion avec SFR, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations et plusieurs sociétés du CAC 40.
L’analyse était d’ailleurs partagée par le ministre du Redressement productif, M. Montebourg, en particulier sur les questions du retour à trois réseaux mobiles et de la sauvegarde des emplois du secteur.