Le 14 mai dernier, près de 300 travailleurs ont été tués dans l’accident de la mine de Soma, provoqué par l’explosion d’un transformateur de courant électrique. Ce type d’accident n’est pas rare en Turquie.
Les mauvaises conditions de travail sont régulièrement dénoncées par les organisations syndicales. La confédération TÜRK-IS a dénoncé la masse de contrats de sous-traitance qui devient la pratique régulière en matière d’emplois, les conditions d’exploitation proches de « l’esclavagisme » et le non-respect de la vie des salariés. Suite à la privatisation de la mine en 2005, le P-DG de la compagnie minière, proche du pouvoir, s’était vanté en 2012 d’être parvenu à réduire de 130 à 24 dollars la tonne les coûts de production dans sa mine.
Cet accident a contribué à relancer la colère du peuple turc contre le gouvernement. Le mépris des autorités pour les conditions de travail a éclaté au grand jour. On a ainsi pu voir un conseiller du Premier ministre turc donner un coup de pied à un manifestant à Soma tandis que le Premier ministre Erdogan déclarait : « les accidents de travail existent, ça arrive, c’est dans l’ordre naturel des choses ! » Résultat : le gouvernement a rejeté une proposition pour l’investigation parlementaire des mines accidentées dans la région de Soma au prétexte que ces dernières faisaient déjà l’objet d’inspections régulières, la plus récente en mars 2014. En outre, la Turquie refuse toujours de signer la convention 176 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative à la santé et à la sécurité dans les mines.
Deux jours après l’accident, des manifestations ont rassemblé près de 3000 manifestants dans la capitale Ankara et 10 000 à Soma. Elles ont été sévèrement réprimées par des gaz lacrymogènes et jets d’eau. De nouvelles manifestations qui coïncidaient avec le premier anniversaire du soulèvement de Gezi (voir lettre électronique numéro 10) ont été organisées le 31 mai, également réprimées par la police.
Le Congrès de la CSI a adopté une résolution d’urgence présentée par les confédérations turques DISK, KESK, HAK-IS, TÜRK-IS. Elle considère que Soma est le résultat des politiques néolibérales menées en Turquie.
Elles exhortent le gouvernement à :
– Garantir le plein respect de la législation en matière de santé et de sécurité moyennant des inspections fréquentes et adéquates
– Mettre immédiatement un terme à l’attaque contre les syndicats
– Mettre fin à la pratique de la sous-traitance, résultant en la violation des droits des travailleurs/euses
– Veiller à ce que tous les travailleurs et travailleuses soient adéquatement formé(e)s et disposent de tout l’équipement de sécurité nécessaire
Elles s’engagent à :
– Défendre nos camarades en Turquie afin de garantir que les responsables de cette catastrophe soient traduits en justice
– Nous joindre à la CSI pour faire campagne pour le respect des droits syndicaux en Turquie
– Envoyer une mission de haut niveau en Turquie afin de contrôler le processus et de soutenir nos organisations affiliées en Turquie
– Œuvrer dans tous les pays afin d’assurer que les législations en matière de santé et de sécurité soient conformes aux normes internationales et soient efficacement mises en œuvre
– Lutter contre le travail précaire, qui est un facteur important contribuant aux lésions et aux décès sur le lieu de travail
– Lutter contre tout système faisant passer les profits avant les personnes
Dans Germinal, Zola faisait dire à un mineur : « nous sommes donc venus vous dire que, crever pour crever, nous préférons crever à ne rien faire. Ce sera de la fatigue de moins… ». Le respect de la dignité humaine est une nécessité impérative.