Un salarié peut-il utiliser ses heures de délégation pendant un arrêt de travail ?

Représentants du personnel par Secteur des Affaires juridiques

Il est admis qu’un arrêt de travail ne suspend pas le mandat d’un représentant du personnel (RP), mais pour faire valoir l’indemnisation des heures qui y sont consacrées pendant cette période d’arrêt, il faut cependant que le médecin traitant ait autorisé cette activité de représentation. C’est ce que vient de décider la Cour de cassation le 21 mars dernier, apportant ainsi des précisions importantes à l’utilisation des heures de délégation d’un RP pendant un arrêt de travail.

Classiquement, la chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaissent que l’arrêt de travail pour maladie ou accident du travail ne suspend pas le mandat de représentant du personnel [1]. Dans le même temps, le code de la Sécurité sociale, en son article L.323-6, fait interdiction à l’assuré, sous peine de perdre le bénéfice des indemnités journalières, de se livrer à toute activité non autorisée. Dans une décision du 9 décembre 2010, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé que l’exercice répété et prolongé de l’activité de représentant du personnel était incompatible avec l’arrêt de travail et le service des indemnités journalières (Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n° 09-17449).

Dans une nouvelle affaire, la Cour de cassation, réunie cette fois en chambre mixte [2] (chambre sociale, criminelle et deuxième chambre civile), apporte une nouvelle précision sur cette question de l’indemnisation des heures de délégation en cas d’arrêt de travail. Après avoir rappelé que l’attribution des indemnités journalières est subordonnée à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée, la chambre mixte énonce que l’activité de représentant du personnel n’est pas sus­pendue par la maladie et que les heures de délégation déposées durant cette période n’ouvrent droit à indemnisation que si l’exercice de l’activité de représentant du personnel a été préa­lablement autorisé par le médecin traitant (Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n° 12-20002 et n° 12-20003, PBRI [3]).

En l’espèce, deux salariés, l’un membre du comité d’entreprise et délégué syndical et l’autre délégué du personnel, ont été, au cours des années 2010 et 2011, en arrêt de travail pour ma­ladie pour le premier et pour un accident du travail pour le second. Durant ces arrêts de travail, ces deux salariés ont posé des heures de délégation. Leur employeur refusant de payer ces heures, les deux salariés ont saisi le conseil de prud’hommes. Ce dernier avait fait droit aux demandes des salariés, relevant que l’arrêt de travail ne suspend pas les mandats et que les heures de délégation avaient été prises en dehors du temps de travail. Saisie par l’employeur, la Cour de cassation casse le jugement du conseil de prud’hommes dans la mesure où celui-ci n’a pas constaté l’existence d’une autorisation du médecin traitant d’exercer le mandat pendant l’arrêt de travail.

La Cour de cassation reconnaît que seul le médecin traitant est à même d’évaluer la capacité physique du salarié à exercer son activité de représentant du personnel. Faute, pour le représentant du personnel, de justifier d’une autorisation du médecin traitant d’exercer son mandat, il s’expose au risque de perdre le bénéfice des indemnités journalières et de ne pas pouvoir prétendre au paiement par l’employeur des heures de délégation déposées.

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Notes

[1Membre d’une institution représentative du personnel (IRP). Salarié, élu ou désigné pour représenter ses collègues auprès de l’employeur. Dispose d’heures de délégation pour remplir sa mission.

[2Formation de la Cour de cassation réunissant des magistrats appartenant au moins à trois chambres. Réunie lorsqu’une affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres. Permet ainsi d’éviter ou de résoudre des jurisprudences divergentes.

[3Initiales indiquant le mode de publication d’un arrêt en cassation. P : dans le Bulletin de la Cour de cassation, B : dans celui d’information bimensuel, pour informer rapidement les magistrats, R : dans son Rapport annuel, indiquant une forte portée doctrinale, et I : sur Internet. La mention PBRI indique ainsi une haute importance.

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