ErDF, désormais rebaptisée Enédis, filiale à 100% d’EDF, assure environ 95% de la distribution d’électricité en France. Mais les 5% restants qui concernent tout même 3 millions de consommateurs répartis dans 2 500 communes, sont assurés par des entreprises locales : régies directes (services municipaux) ou indirectes, sociétés d’économie mixtes locales, société d’intérêt collectif agricole pour l’électricité (SICAE).
Elles emploient environ 7 000 salariés au total.
Certaines, outre la gestion du réseau de distribution, assurent également la fourniture d’électricité. De tailles très diverses, elles peuvent employer de 5 à 1 000 salariés chacune et en totalisent environ 7 000. On en compte beaucoup dans le Sud-Ouest et le Nord-Est du pays. Électricité de Strasbourg, l’une des plus importantes dont EDF est l’actionnaire majoritaire, compte 980 salariés. Mais dans le Tarn, par exemple, ce sont deux petites Régies qui distribuent et fournissent en électricité et en gaz la ville de Carmaux et ses environs.
Pourquoi les appelle-t-on des entreprises non nationalisées (ENN) depuis 1946 ?
Au lendemain de la guerre, la loi de 1946 a nationalisé plus d’un millier d’entreprises privées distributrices d’électricité mais a prévu un régime dérogatoire pour celles qui appartenaient déjà aux communes. C’est en effet dès le début du XXe siècle que ces dernières, constatant que les entreprises privées qui édifient les premiers réseaux électriques délaissent les zones rurales au profit des zones urbaines pour des raisons de rentabilité, décident de prendre les choses en main et d’organiser elle-même le service public de fourniture et de distribution d’électricité sur leur territoire. La loi de 1946 confirme d’ailleurs que ces Entreprises Non Nationalisées (ENN) doivent assurer une mission de service public. Leurs salariés sont couverts par le statut national unique des industries électriques et gazières, comme les agents de la grande entreprise publique née de la nationalisation, EDF-GDF.
L’ouverture à la concurrence des années 2000
Les délégués FO de cinq des plus importantes ENN étaient présents au congrès de la fédération FO Energie et Mines, du 30 mai au 3 juin, à Tours : Electricité de Strasbourg, de Metz, de Grenoble, Soregies pour Poitiers et enfin Seolis et sa filiale Geredis pour le département des Deux Sèvres, dont le délégué FO, Christophe Breuillat, est intervenu à la tribune.
Séolis est un bon exemple du retour du secteur privé sur le devant de la scène, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence dictée par les directives européennes depuis les années 1990.
Jusqu’en 2008 le SIEDS (Syndicat intercommunal d’énergie des Deux-Sèvres) prenait en charge à la fois la gestion des réseaux (entretien et extension) et la fourniture (la vente) de l’électricité. Mais le gouvernement, sous l’impulsion de Bruxelles, a obligé tous les opérateurs (EDF et les ENN) à préparer la séparation des activités de distribution (gestion du réseau),qui restent du domaine public, de la fourniture, la vente, désormais ouverte à la concurrence. La Régie du SIEDS disparait donc, remplacée par la société d’économie mixte Seolis. Le SIEDS abandonne ainsi la gestion directe au profit d’une gestion déléguée. Seolis créée une filiale, Geredis Deux-Sèvres, pour gérer le réseau de distribution.
L’équilibre du réseau et les acquis des salariés en danger
Christophe Breuillat a tenu à souligner à la tribune la solidarité entre les délégués de toutes les ENN. Il explique pourquoi : « nos entreprises travaillent de plus en plus en concurrence les unes avec les autres, une concurrence de plus en plus exacerbée depuis la fin des tarifs réglementés de vente aux gros clients, les entreprises. Aujourd’hui, pour gagner des parts de marché certaines baissent le prix de vente au point qu’il devient inférieur au coût de production et pour compenser, la variable d’ajustement est bien sûr toujours la même : nos emplois, nos droits, nos salaires ». Il soulève un autre problème. La loi de 1946 avait créé un Fonds de péréquation de l’électricité (FPE) pour que les entreprises gestionnaires du réseau de distribution excédentaires puissent aider les déficitaires, et assurer ainsi un équilibre du réseau sur l’ensemble du territoire national. Le coût d’exploitation en zone rurale où il faut couvrir beaucoup de kilomètres pour peu de consommateurs n’a en effet rien de comparable avec celui d’une zone urbaine. Mais le FPE a été réformé en 2004 et 2014 et son fonctionnement actuel, dénonce Christophe Breuillat, ne tient plus suffisamment compte de cette réalité et ne permet donc plus une réelle péréquation. « L’équilibre du réseau est véritablement en danger aujourd’hui », alerte-t-il.