À l’OIT, les travailleurs font face à l’offensive des employeurs contre le droit de grève

Justice par Evelyne Salamero

La Cour suprême du Canada confirme le droit de grève comme essentiel. © The Canadian Press / ZUMA / REA

À l’heure où les employeurs s’attaquent au droit de grève en remettant en cause la jurisprudence de l’Organisation internationale du travail, la Cour suprême du Canada a pris une décision qui contredit leur argumentation.

La bonne nouvelle nous vient du froid. Le 30 janvier, la Cour suprême du Canada a invalidé une loi de la province Saskatchewan (ouest du pays) qui limitait le droit de grève dans les services publics, la jugeant inconstitutionnelle. Le plus haut tribunal canadien a ainsi constitutionnalisé le droit de grève comme élément essentiel de la liberté d’association et du processus de négociation collective. Les syndicats des autres provinces canadiennes, notamment le Québec, se sont immédiatement saisis de cette décision. Bien au-delà du Canada, elle ne pouvait pas mieux tomber dans un contexte marqué par une attaque concertée contre le droit de grève, fait sans précédent, à l’échelle internationale.

Le groupe des employeurs au sein de l’OIT (Organisation internationale du travail) a lancé sa charge en 2012, remettant en cause des décennies de jurisprudence interne selon laquelle le droit de grève est garanti par la convention 87 sur la liberté syndicale, au motif que celle-ci ne l’évoque pas explicitement. La jurisprudence émane du comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts de l’OIT chargés de contrôler l’application des normes dans les différents pays. C’est donc tout le système normatif et le mécanisme de contrôle d’application des normes de l’OIT que les employeurs remettent en question.

Les employeurs bloquent le recours à la Cour de justice internationale

Leurs armes depuis trois ans : le blocage et le chantage. En juin 2014, ils ont ainsi refusé d’examiner les cas de violations graves des normes fondamentales de l’OIT dans 19 pays, au motif que le groupe des travailleurs n’a pas accepté des conclusions séparées. Cela aurait en effet permis aux employeurs de réaffirmer leur désaccord avec celle des experts de l’OIT qui, en 2012, confirmait que le droit de grève découle de l’application de la norme 87 sur la liberté syndicale.

En novembre 2014, les employeurs ont cette fois refusé que la question soit renvoyée devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour un avis consultatif, mécanisme pourtant prévu par la Constitution de l’OIT. Une prochaine réunion tripartite est prévue en février sur « l’existence d’un droit de grève en vertu de la convention 87 » et ses modalités dans les législations nationales. Un rapport en sera fait au conseil d’administration de mars 2015, lequel aura encore la possibilité d’adopter le recours à la Cour de justice internationale. Face à un tel enjeu, le mouvement syndical a décidé de se mobiliser et la CSI (Confédération syndicale internationale) a appelé à une journée mondiale d’action ce 18 février 2015.

Quelques clés


Selon la convention 87, « les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit (…) d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action », et « les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal ».

« Le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention n°87. » (Paragraphe 523 du recueil de décisions du Comité de la liberté syndicale).

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante