Neuf mois tout juste après la vente de leur usine au groupe américain Sonoco par le fonds d’investissement KPS Capital, les salariés du site Sonoco de Laon (Aisne) ont appris leur licenciement. L’usine, qui fabriquait jusqu’à présent des couvercles de boîtes de conserve, devrait fermer en janvier 2026, entraînant dans sa chute 115 des 128 emplois qu’elle comptait. C’est l’histoire d’une débâcle industrielle, cela alors que les lignes de production ne sont même pas en déficit.
Notre usine dégage un bénéfice stable
, indique ainsi David Alexandre, délégué syndical FO, majoritaire sur le site. Sur l’année 2025, celle-ci a dégagé un profit opérationnel après paiement des charges (Ebitda) de près de 11 millions d’euros. Indubitablement, l’entreprise est rentable – simplement, elle ne l’est pas assez aux yeux de son actionnaire. La direction renvoie à la compétitivité et argue de la concurrence asiatique.
Des délocalisations en Italie et Hongrie
Malgré des résultats qui sont loin d’être négatifs, c’est toujours la même justification : le coût du travail serait trop élevé en France, la rentabilité trop faible ou trop lente à venir,
En effet, si un tiers des lignes de production de l’atelier doit être transféré dans l’usine de Nantes (Loire-Atlantique), le reste sera délocalisé en Italie et en Hongrie. Le site de Laon sera transformé en plateforme logistique du groupe Sonoco, où resteraient les rares salariés non licenciés.
Les travailleurs se doutaient bien que quelque chose se tramait. En juin, nous avons posé des questions qui sont restées sans réponse, mais on a bien senti l’embarras de la direction
, relate David Alexandre. Avant même le rachat par Sonoco, les choix stratégiques du fonds KPS Capital n’auguraient rien de bon : peu d’investissements dans l’usine et des départs non renouvelés. De 160 il y a trois ans, on est passé à 128 salariés.
On aurait pu croire que passer des mains d’un fonds d’investissement à celles d’un industriel était une bonne nouvelle, mais c’est bien Sonoco qui a porté le coup de grâce à l’usine.
Obtenir un accompagnement jusqu’à la retraite
Après une grève d’une journée, à l’initiative de FO, les salariés ont fait savoir dans leur majorité qu’ils ne souhaitaient pas mener une longue mobilisation. Laquelle forcément auraient impacté douloureusement les salaires. Les indemnités de licenciement sont calculées sur la dernière année de salaire, donc si on fait une longue grève qui échoue, vous imaginez l’impact
, explique David Wlodarczyk.
Dans ce contexte compliqué, le syndicat FO entend veiller à ce que les salariés du site obtiennent les meilleures mesures possibles dans le cadre de ce PSE. Ainsi, David Alexandre n’entend pas se contenter d’indemnités supralégales. La moitié des salariés ont plus de 55 ans, 40 salariés ont plus de 57 ans.
Le délégué syndical veut donc avant tout obtenir des efforts significatifs du groupe Sonoco en matière d’accompagnement jusqu’à la retraite et de reclassements pour les plus jeunes.
Pour ceux qui approchent des soixante ans apprendre un nouveau métier, c’est perdu d’avance
, estime le militant. Il craint que certains salariés voient s’envoler leur droit à un départ à la retraite dans le cadre du dispositif « carrière longue », car seuls quatre trimestres de chômage peuvent être comptés comme trimestres cotisés. Il veut donc obtenir des mesures d’accompagnement individuelles ou par catégories d’âge pour éviter toute précarisation des salariés.
Un effet boule de neige chez les sous-traitants
Du déroulé des événements, David Alexandre garde un sentiment de trahison
. L’impact du PSE est loin de se limiter aux 115 salariés directement concernés. La casse sociale industrielle entraîne toujours un effet boule de neige. Leurs familles, bien sûr, mais aussi les sous-traitants qui dépendaient de l’entreprise seront lourdement touchés. Le patron des salariées sous-traitantes qui travaillent sur le site leur a déjà dit qu’il ne pourrait pas les reclasser, rapporte le délégué syndical. Elles risquent de partir avec le minimum légal.
À l’échelle du bassin d’emploi, les dégâts menacent de se faire sentir. C’est un coup assez dur pour le Laonnois. Sonoco était l’une des dernières grosses entreprises industrielles du secteur
, rappelle David Wlodarczyk. On vit dans un monde où ne compte que le profit, déplore David Alexandre. Quand on parle à la direction, on a l’impression de négocier une voiture. Mais non, on négocie pour nos vies !
