Elle devait fêter ses 120 ans l’année prochaine : l’usine Givaudan-Lavirotte de Lyon (Rhône), fondée en 1906, est placée en liquidation judiciaire depuis le 24 février. 51 emplois sont impactés. Pour la direction de l’entreprise de chimie, l’explication des problèmes rencontrés est à chercher dans le déficit de commandes. Je savais qu’on traversait un grand coup dur, mais pas de là à fermer
, raconte Stéphane Lélard, délégué syndical FO du site.
Des signes avant-coureurs se sont bien sûr fait sentir. Autrefois, le chimiste fabriquait des sels minéraux à destination de produits nutritionnels, cosmétiques et pharmaceutiques. Entre-temps, Givaudan-Lavirotte a été racheté en 2011 par le groupe Isaltis, lui-même devenu filiale de Macco Organiques en 2018. Ne restent aujourd’hui dans les chaînes de production qu’un dérivé de calcium et un dérivé de magnésium à destination de la nutrition (lait maternisé, compléments alimentaires). Givaudan-Lavirotte a perdu les cosmétiques à la suite d’une séparation de l’activité, puis l’accréditation pour les produits pharmaceutiques leur a été retirée faute d’une sécurité sanitaire suffisante dans les installations.
Délocalisations d’activités au Canada et en République tchèque
Je pense que les choix stratégiques n’étaient pas bons, estime Stéphane Lélard. On ne pouvait pas se permettre de perdre et le cosmétique et le pharmaceutique. La direction avait fait des investissements en pharma, qui n’ont donc jamais servi, puis dit qu’on allait compenser les 24% de commandes en pharma par de la nutrition.
Deux arrêts de la production, respectivement de quatre et trois mois, pour cause de canalisations vétustes à remplacer, n’ont pas arrangé le tableau.
Ça fait des années que des alarmes sont tirées,
Macco Organiques a d’ores et déjà prévu de faire fabriquer ces substances dans d’autres usines lui appartenant, au Canada et en République tchèque.
Les industriels font absolument ce qu’ils veulent
D’où la colère, mais aussi l’espoir, qui habitent encore le groupe FO local – seule organisation syndicale représentative sur le site de Givaudan-Lavirotte. Si Macco veut garder les produits, c’est bien qu’il y a un marché
, pourquoi alors n’être pas passé par un redressement judiciaire et la recherche d’un repreneur, interroge Stéphane Lélard. La direction oppose l’idée que l’usine serait vétuste, trop vieille.
Ce placement en liquidation, C’est purement scandaleux. C’est un exemple parfait de ce qui conduit à la perte de l’emploi industriel dans le pays
, estime Xavier Boiston, qui dénonce une mise en faillite caractérisée, pour ne pas avoir à assumer les responsabilités d’investissement
et y voit une volonté de laisser crever ce site
. C’est, explique le militant, une pratique aujourd’hui répandue chez certains industriels, qui font en sorte que leurs filiales ne puissent plus produire aux coûts qui les intéressent
. Le secrétaire de l’UD, qui prête main forte au syndicat FO du site, y voit un exemple saisissant
des écueils de la politique industrielle française. Comme d’autres, cette entreprise a été gavée d’argent public pendant des années. Mais derrière, les industriels font absolument ce qu’ils veulent. Personne ne contraint les actionnaires à quoi que ce soit.
Le combat de FO contre un PSE au rabais
Macco Organiques entend donc laisser derrière lui 51 demandeurs d’emplois supplémentaires, et un site chimique à dépolluer. Une journée d’action s’est tenue le 20 février, durant laquelle les salariés de Givaudan-Lavirotte ont pu sentir toute la solidarité des militants FO de la région et des autres travailleurs du secteur de la chimie. Aujourd’hui, la production continue jusqu’à écoulement des stocks,
À ce stade, les salariés craignent un PSE au ras des pâquerettes
. Après plusieurs réunions avec la direction, Stéphane Lélard constate que pour l’instant, l’enveloppe n’est pas épaisse : une prime de 4 000 euros net par employé
. Le délégué syndical se bat donc pour obtenir des contrats de sécurisation professionnelle (CSP), ouvrant des droits à une allocation de sécurisation professionnelle (ASP) en attendant de retrouver un travail. Mais le syndicat reste avant tout mobilisé pour tenter de sauver les emplois, dans l’attente du jugement du tribunal de commerce.