Adapei 72 : FO ne lâche rien

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

Dans l’attente de la convocation de leur direction par l’Agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental, obtenue à l’issue de leur mobilisation du 18 juin à l’appel notamment de FO, les salariés de l’Adapei 72, association sarthoise d’aide aux personnes en situation de handicap mental, restent mobilisés. Retour sur un conflit hors-normes : six mois de grèves tournantes pour défendre leurs conditions de travail.

Tant que nous n’aurons pas toutes les informations sur la gestion de l’Adapei 72, en clair la réalité des chiffres, FO refusera de s’asseoir à la table des négociations, martèle Alain Billeau, délégué FO de l’Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales (1.300 salariés, dont 200 CDD et intérimaires) qui accompagne dans la Sarthe 2.100 enfants et adultes.

Des éclaircissements sont attendus de la convocation, probablement en septembre, de leur direction par l’Agence régionale de santé (ARS) et le conseil départemental, financeurs de l’association. Elle a été obtenue le 18 juin, à l’issue de la dernière manifestation des salariés à l’appel de l’intersyndicale, dont FO, après… six mois de grèves tournantes dans les 48 établissements, à raison de deux grèves par semaine les premiers mois !

C’est une première victoire, mais nous n’allons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous prévoyons des actions fortes dès septembre, annonce le militant FO, soutenu par l’UD FO de la Sarthe, notamment sur la logistique. Dans les manifestations, on ne voit que FO, toujours en tête avec véhicule, sono et drapeaux !.

Malaise généralisé face à la gestion de l’Adapei 72

La manifestation des salariés, le 18 juin dans les rues du Mans, a été décisive, bien que ne réunissant que 150 salariés (plus de 10% des effectifs). Les rangs étaient moins fournis que lors de la première mobilisation, le 29 janvier, avec plus de 300 salariés. C’est logique après six mois de grèves, avec tous les incidences financières. La présence à nos côtés des parents d’usagers a été très remarquée, commente Alain Billeau.

Si la direction n’a pas reçu de délégation de salariés, l’ARS l’a fait, inquiète de l’enlisement du conflit et du nombre élevé de réquisitions du personnel qu’elle doit rédiger (à la demande du préfet), du fait des grèves, pour assurer un encadrement minimum dans les établissements.

Nouveauté, et signe d’un malaise généralisé, deux collectifs de parents avaient rejoint ce 18 juin les salariés, pour leur exprimer leur soutien. Eux aussi s’interrogent sur la gestion de l’Adapei 72. Ils veulent de la transparence, comme les salariés, explique le DS FO. Parmi leurs interrogations légitimes, le fait que le conflit soit passé sous silence auprès des familles adhérentes à l’Adapei 72 et au sein du conseil d’administration où elles sont représentées.

Opacité sur la situation financière

Le rapport d’orientation de l’Assemblée générale 2021 (qui se tenait ce même 18 juin) n’en fait pas mention : au contraire, il y est question d’un dialogue social enfin renoué et (d’) un climat social apaisé. Et les raisons de la colère des personnels (…) ne sont pas expliquées, écrit, dans un communiqué, l’un des collectifs de parents. Pire, il n’est pas fait mention de difficultés financières ni dans les documents de l’AG 2020 ni dans les rapports financiers de l’AG 2021, qui restent très positifs, s’étonne-t-il.

C’est, pourtant, au motif de déficits récurrents en 2019 et 2020 (respectivement de 400.000 euros et 100.000 euros selon les déclarations publiques de la direction), et de budgets publics plus contraints, que l’Adapei 72 a annoncé sa décision, fin 2020, de revoir l’accord sur le temps de travail en vigueur depuis 1999.

Son projet prévoit une augmentation de l’amplitude horaire quotidienne, de 13 à 15 heures, soit le maximum autorisé. Sur le papier, cette amplitude permettrait à un même salarié d’assurer le lever des résidents à 7 heures du matin et leur coucher à 22 heures. Il supprime aussi les quinze jours de congés dits trimestriels accordés aux 500 éducateurs travaillant au pôle adulte (soit trois semaines de congés supplémentaires par an, en sus des cinq semaines de congés payés, NDLR), ce qui a mis le feu aux poudres.

Ce qui est en jeu, c’est la qualité de l’accompagnement au quotidien

Selon la direction, ces trois semaines de congés représenteraient l’équivalent de 43 postes, qu’elle n’est pas en mesure de remplacer, en raison des difficultés financières et de recrutement. Sauf que, rappelle Alain Billeau, le déficit n’a jamais été annoncé en CSE (comité social et économique). On l’a appris par la presse. A notre connaissance, les budgets publics 2020, ceux du conseil départemental et de l’Agence régionale de santé, ont été maintenus et reconduits en 2021. Il n’y a donc pas de raisons valables.

Quant à la compensation proposée, une prime d’assiduité de 600 euros brut par an, elle est un leurre pour le militant. Le projet prévoit, en effet, qu’elle serait diminuée de 5% pour chaque jour d’absence, congé-maladie compris. Si on ajoute les frais de déplacement domicile-travail et de garde d’enfants, pour quinze jours de travail supplémentaires, on aboutit à une perte de pouvoir d’achat, commente le militant FO.

Ce qui est en jeu, c’est la qualité de l’accompagnement au quotidien face à un public difficile. Ces trois semaines de congés supplémentaires, les salariés en ont réellement besoin pour se ressourcer, poursuit-il. Et ils sont leur unique avantage : à l’Adapei 72, il n’y a pas ni 13e mois ni prime ni même de journée enfant malade. Sans compter le niveau de salaire : un moniteur d’atelier en ESAT (établissement et service d’aide par le travail) débute au Smic et termine, en fin de carrière, à 1.800 euros net.

Un dialogue social faussé depuis le début

A l’opacité sur la situation financière, s’ajoute l’absence totale de concertation. La direction a d’abord utilisé la fenêtre des négociations annuelles obligatoires (NAO), fin 2020, pour tenter de faire passer une partie de ses propositions, 20% du projet. Nous avons failli nous faire piéger. La direction avance masquée. Le dialogue social est faussé depuis le début, dénonce le DS FO.

Face à la demande de retrait du projet, exigée par les syndicats et les salariés, la direction a ensuite préféré dénoncer l’accord RTT pour, a-t-elle écrit, débloquer la situation ! Ce faisant, elle a enclenché un compte-à-rebours : faute de nouvel accord dans les quinze mois, le code du travail et la convention collective s’appliqueront. Et elle a informé les représentants du personnel, de sa décision, au détour de questions diverses en fin de CSE !, précise Alain Billeau.

Une action judiciaire engagée par le CSE

Le CSE a aussitôt engagé une action judiciaire contestant les conditions de cette dénonciation. Pour faire la lumière sur la situation financière, il a lancé un droit d’alerte économique, puis un droit d’alerte sur les risques psycho-sociaux. La direction, par son intransigeance, a détruit en quelques mois les valeurs associatives.

Les salariés ne comprennent pas son attitude, constate Alain Billeau. Quant aux syndicats, ils refusent d’engager les négociations, ouvertes le 2 avril. Une action judiciaire est en cours, explique Alain Billeau.

Dans ce bras-de-fer, la récente commande par la direction d’un rapport sur l’absentéisme à un cabinet-conseil interroge. En creux, cela signifie qu’elle n’a pas de chiffre sur l’absentéisme, alors qu’elle motive la révision de l’accord RTT par la nécessité d’augmenter la présence des personnels dans les établissements. Cela prouve bien qu’elle agit sans connaître la réalité de terrain et du travail des salariés, martèle le DS FO. En définitive, conclut-il, leur mobilisation a levé des lièvres sur la gestion financière et des recrutements, même si ce n’était pas l’objectif. Réponse en septembre.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération