Administrations déconcentrées de l’Etat : des DDI au climat social délétère

Service Public par Valérie Forgeront

Décidément le climat social dans les Directions départementales interministérielles (DDI) créées en 2010 ne s’arrange pas. En février 2017, FO Hebdo dressait un bilan morose de la situation des agents dans ces structures fourre-tout. Dévoilé récemment, le bilan social des DDI pour 2016 montre que la dégradation des conditions de travail va crescendo. Plus les effectifs fondent comme neige au soleil, plus la pression exercée par la hiérarchie sur les agents se renforce. La charge de travail augmente, des temps de congés sont perdus, il y a de plus en plus de maladies et d’accidents, le budget formation dégringole, les systèmes de prévention sont défaillants, le nombre de sanctions disciplinaires est en hausse… Le nombre de mouvements sociaux aussi relève FO, syndicat majoritaire dans ces entités territoriales englobant moult services déconcentrés de l’État.

Présenté en décembre dernier aux syndicats lors d’un comité technique, le bilan social des DDI pour 2016 n’a rien de réjouissant. Le climat social au sein de ces directions départementales interministérielles semble se dégrader toujours davantage. Créées en 2009 dans le cadre de la Réforme de l’administration territoriale de l’État/RéATE et ouvertes depuis le 1er janvier 2010, les DDI répondent à la philosophie de fusions des services prônées par la RGPP (révision générale des politiques publiques) lancée en 2007.

Syndicat majoritaire au sein de ces structures territoriales qui regroupent chacune plusieurs compétences ministérielles, FO s’inquiète de la détérioration des conditions de travail des agents. Une détérioration qui ne doit rien au hasard. La nouvelle édition du bilan social pourrait se résumer ainsi indique FO : qui suis-je, dans quel État (territorial) j’erre ? Le trait d’humour ne masque cependant pas la colère des personnels.

Au premier rang des motifs d’exaspération, la fonte des effectifs. L’an dernier, en février, FO soulignait déjà une perte dramatique d’effectifs dégradant les conditions de travail et compliquant la réalisation des missions… La situation est pire désormais. Les effectifs sont passés de 42 977 agents dans les DDI à la fin 2010 à 28 760 agents titulaires à la fin de 2016. Concrètement ils ont été réduits d’un tiers en six ans.

14 000 agents en moins en six ans

Rien que sur une année les effectifs ont reculé de 2%. Cela signifie la disparition de plus de 550 agents en un an et de plus de 14 000 agents depuis la fin 2010… et ce sans compter le coup de rabot appliqué au 1er janvier 2010 lors de la mise en place de RéATE 1 rappelle FO.

Malgré les nombreuses missions affectées aux DDI (rattachées au Premier ministre et placées sous l’autorité des préfets de départements), les moyens ne suivent pas. Le raisonnement appliqué est la bonne vieille raison budgétaire. Avec les perspectives tracées par la loi de finances pour 2018 concernant les différents ministères alimentant les DDI, cela n’est pas près de s’améliorer !
Les 230 DDI et 8 DDD (les directions départementales déléguées intégrées à la direction régionale et départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale/DRDJSCS) voient donc leurs « effectifs physiques » disparaître s’alarme le syndicat rappelant qu’il alerte sur ce problème depuis des années.

Des directions à la carte

Malgré cette fuite des moyens en termes d’effectifs, les missions des DDI demeurent. Il suffit d’ailleurs d’observer les intitulés de ces directions pour s’en convaincre.

Il existe ainsi des directions départementales des territoires (DDT), des Directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) pour les départements ayant une bordure littoral, des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), des Directions de la protection des populations (DDPP) et enfin des Directions départementales de la cohésion sociale de la protection des populations (DDPPCS) lesquelles ont fusionné les DDTM et DDCS dans les départements de moins de 400 000 habitant où là où il y a des « enjeux particuliers ».

Dans chaque département il y a donc une DDT ou une DDTM, il y a aussi une DDCS et une DDPP ou une DDPPCS. Bref chaque département ne dispose ni du même nombre ni de la même configuration de DDI.

Un fourre-tout de compétences et de missions

Ces directions départementales regroupant les compétences d’anciennes directions ministérielles rassemblent des agents venant de différents secteurs. On compte ainsi des agents des ministères des Affaires sociales, de l’Economie et des Finances, de l’Agriculture, de l’Ecologie, de l’Intérieur mais aussi des services du Premier ministre. FO remarque que comparé à 2011 le poids du ministère de l’Intérieur a doublé en termes d’effectifs en 2016.

Quel est en termes d’effectifs l’évolution du poids de chacune de ces directions spécialisées ? Si en 2011, les DDT et DDTM (l’une ou l’autre est implantée dans chaque département) représentaient 70% des effectifs de l’ensemble des DDI, elles ne représentent plus que 63%. La seule DDI à enregistrer une légère progression est la DDPP (direction de la protection des populations) mais bien loin de compenser les baisses dans les autres DDI souligne FO.

La formation des agents en net recul

Y a-t-il une différence de répartition des catégories de personnels (cat A, B et C) entre 2011 et 2016 ? Oui. Les effectifs de catégorie C sont en net recul. Cette catégorie représentait 34% des effectifs en 2011, elle ne représente plus qu’à peine 26%.

Le bilan social note aussi la hausse de la représentation des agents de catégorie B (passant de 40% en 2011 à 49.44% en 2016). Mais est-ce lié aux plans de requalification ou plutôt à la suppression des postes de catégories C ? interroge malicieusement FO.

Autre paramètre étudié par le bilan social, l’âge des agents. L’âge moyen dans ces directions de services déconcentrés de l’État est de 50 ans. Par ailleurs quasiment 37% des personnels ont plus de 55 ans souligne FO s’inquiétant de ce vieillissement. Que font les ministères en matière de primo-affectation pour les DDI ? Attendent-ils que la source se tarisse pour fermer les portes des DDI ?

Le bilan social pointe d’autres problèmes tout aussi liés à l’insuffisance des moyens mis en œuvre dans les DDI. Ainsi la formation des agents accuse un net recul en 2016 révèle le bilan social incluant qui plus est dans son étude les plans de formations obligatoires notamment à destination des personnels d’encadrement.

Toujours moins de moyens de fonctionnement

La baisse du budget moyen de formation par agent (emploi temps plein) est ainsi de 21% sur un an en 2016 s’indigne FO. Seulement 60% des agents de DDI étaient couverts par un plan de formation en 2016 contre 66% en 2015.

Les DDPP (directions de la protection des populations) descendent en un an d’un taux de couverture de 91% à un taux de 76%. Les DDCS (direction de la cohésion sociale) elles d’un taux de 48% à 36%.

Autre signe du problème des moyens accordés aux DDI, le recul des dépenses de fonctionnement rapportées à chaque agent (emploi temps plein). Ces dépenses ont diminué de 8,8% sur un an (2015-2016). Et cela même remarque FO, alors que le périmètre du programme (BOP 333) relatif aux moyens mutualisés des administrations déconcentrées englobe davantage de postes de dépenses depuis sa création en 2011.

Maladies et accidents en forte augmentation

Selon un mode de calcul différent de celui effectué dans le cadre du bilan social, ce recul des dépenses de fonctionnement pour les seules DDI pourrait apparaître plus marqué encore analyse FO-DDI. Le bilan social prend en effet toujours en compte les directions régionales et départementales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale/DRDJSCS. Or pour ces DRDJSCS la valeur des dépenses de fonctionnement par emploi temps plein est supérieure à la moyenne des DDI…

Face à cette situation de moyens dégradés, les conditions de travail des agents se détériorent au fil des années. Quelques chiffres du bilan social 2016 traduisent le phénomène. Le nombre d’accidents de services/travail (541 en 2016) a augmenté de 4,4% sur un an.

La part des arrêts de plus de trois jours a progressé de 10,3% entre 2015 et 2016 remarque encore FO notant que cela traduit a priori des accidents plus graves. Ce que confirment tableaux et courbes du bilan social. Les accidents de trajet ont augmenté eux de 12,3% sur un an.

Des temps de congés perdus

Plus largement, le bilan social indique que le taux d’absentéisme pour raison de santé ou nombre moyen de jours d’absence pour raison de santé par agent suivi par la DGAFP (administration de la fonction publique) au titre de la prévention des risques psychosociaux a augmenté. Il est passé de 14,97 jours en 2015 à 16,27 jours en 2016. Ces arrêts englobent les congés de maladie ordinaires, les congés longue maladie, les congés de longue durée, les maladies professionnelles, les accidents du travail ou de trajet.

En 2016, 12 912 agents (contre 12195 en 2015) ont été concernés par un congé maladie ordinaire pour une absence moyenne de 20 jours (contre 19 jours en 2015).

Quant-aux maladies professionnelles, leur indice de fréquence (pour 1 000 agents) est passé de 1,37 en 2015 à 1,53 en 2016. L’indice de fréquence des accidents de trajet (pour 1 000 agents) est passé lui de 4,95 en 2015 à 6,02 en 2016.

Le bilan révèle aussi un phénomène de nombre de congés perdus –0,18 jour pour les femmes et 0,19 jour pour les hommes–, et ce, souligne FO, malgré le nombre grandissant de comptes épargne temps.

Le bilan n’évoque pas le nombre d’heures écrêtées chaque année regrette FO notant que cet indicateur permettrait cependant de démontrer la nécessité à recruter et le travail dissimulé.

Le nombre de mouvements sociaux illustre le malaise

Autres signes des dysfonctionnements et du malaise social au sein des directions départementales s’indigne FO, huit DDI sont sans assistant ou conseiller de prévention, d’autres n’ont réuni aucun CHSCT en 2016 tandis que 49 DDI en convoqué quatre dans l’année. Pour FO, il serait nécessaire que le bilan puisque apporter des explications sur ces situations anormales.

Le rapport reste aussi silencieux sur la montée en flèche en 2016 du nombre de sanctions disciplinaires remarque FO. On comptait ainsi neuf avertissements en 2014 puis dix-sept en 2015 puis vingt-deux en 2016. Quant au nombre de blâmes, ils sont passés de huit en 2014 à 18 en 2016.

Enfin signe du mécontentement général parmi les agents, le nombre de mouvements sociaux dans les DDI est très important. En 2016 on recense 5 108 jours non travaillés pour rappelons-le 28 770 agents précise FO.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante