Aéroport de Bordeaux-Mérignac : Quand la sous-traitance devient maltraitance

Conditions de travail par Elie Hiesse

© Baptiste FENOUIL/REA

Face à la dégradation des conditions de travail depuis leur reprise par Hub Safe, les agents de sûreté de l’aéroport bordelais multiplient les actions de protestation depuis le 21 février.

Quatorze revendications toujours sur la table, déjà cinq jours de manifestation et un préavis de grève illimitée qu’ils n’entendent pas lever avant d’avoir obtenu gain de cause.

Depuis le 21 février, les agents de sûreté de l’aéroport Bordeaux-Mérignac (Gironde) ont engagé un bras-de-fer avec Hub Safe, filiale du groupe Samsic qui a repris en sous-traitance le contrôle des passagers (inspection et filtrage) fin 2018. Le préfet, qui a reçu les manifestants le 24 février, devrait engager une médiation. Mais à ce jour, les agents bordelais envisagent une sixième journée de débrayage.

La quasi-totalité des salariés mobilisée

Leur mobilisation résume, à elle seule, l’ampleur du malaise : le 21 février, 112 des 135 agents en CDI ont manifesté devant l’aéroport régional, soutenus par FO notamment. Le 25 février, ils étaient encore… une centaine à débrayer. Soit la quasi-totalité des salariés en CDI, une fois décomptés les 17 agents en arrêt de travail.

Les salariés poursuivront le mouvement tant qu’ils ne seront pas entendus. Ils exigent de la considération et des conditions de travail qui leur permettent d’exercer leur mission, martèle Laure Bua, déléguée syndicale FO, première organisation avec une représentativité de 61%. Il en va de la sécurité de tous, celle du personnel aéroportuaire et des passagers. La politique du chiffre ne devrait pas exister dans un cadre aussi crucial que celui de la sûreté.

Le minimum légal pour toute politique

Depuis que cette mission de service public a été privatisée voilà plus de dix ans, les agents bordelais subissent un changement d’employeur au gré des appels d’offre (tous les trois ou six ans). Si le transfert des acquis sociaux n’est pas obligatoire généralement, la société qui remporte l’appel d’offre fait un état des lieux des accords et des usages existants, pour en reprendre une partie. Mais, s’irrite Laure Bua pas Hub Safe, qui s’en tient au minimum légal et conventionnel.

Finis, la possibilité de fractionner en journée la cinquième semaine de congés payés, les jours pour enfant malade, déménagement, la prise en charge du jour de solidarité… Et il a fallu un an de négociations pour que les salariés, contraints de porter l’uniforme, récupèrent l’indemnité de nettoyage (17 euros par mois). Idem pour la prime de repas (6 euros par salarié) : elle n’a été rétablie qu’en novembre 2019… uniquement pour les salariés justifiant 18 mois d’ancienneté.

Jusqu’à six heures de vacation sans pause

S’y ajoute l’absence de visibilité sur les plannings. « Précédemment, nous avions un cadre fixe, sur quatre semaines, avec deux week-end travaillés. Ce n’est plus le cas. Notre planning bouge sans cesse, certes dans le respect des délais de prévenance – 7 jours pour les changements de jours, 48 heures pour les changements horaires – mais cela ne rend pas la situation plus supportable », ajoute Laure Bua.

Pis, Hub Safe refuse toute sortie de poste pendant les vacations qui durent jusqu’à six heures ! Prendre 10 minutes toutes les deux heures est pourtant essentiel pour conserver sa vigilance. La sûreté ne peut être low cost, rappelle la déléguée qui dénonce une gestion basée sur un sous-effectif permanent. Sans même compter le non-remplacement des congés maladie.

Et à cela il faut ajouter d’autres paramètres inadmissibles. Ainsi, les locaux réservés aux agents sont dans un état d’hygiène déplorable. Les sanitaires sont bouchés depuis trois mois. L’entretien, sous-traité par Hub Safe, n’est pas fait, souligne Roxane Idoudi, secrétaire confédérale chargée du développement, qui est allée soutenir les manifestants.

Médiation du préfet

Malgré la mobilisation inédite, la direction d’Hub Safe campe pour l’instant sur ses positions. Elle renvoie l’ouverture de négociations à la prochaine réunion sur les NAO, mais en la conditionnant à la levée du préavis de grève illimitée explique Laure Bua. Or Ce n’est pas tolérable. Cela fait quatorze mois que nous évoquons à chaque CSE les conditions de travail dégradées, rappelle la militante.

Le choix d’Hub Safe d’appeler des renforts de Paris, Nice et Nantes, pour remplacer les agents grévistes, a renforcé la détermination. Tous les salariés ont été choqués. Hub Safe préfère mettre la main à la poche pour faire venir du personnel plutôt que pour nous assurer des conditions de travail décentes !.

 

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante