Aéroports de Paris : FO combattra la privatisation jusqu’au bout !

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

ADP, Aeroport de Paris Orly. © Laurent GRANDGUILLOT/REA

Ils sont inquiets et en colère. Les salariés d’Aéroports de Paris en grève le 18 avril, à l’appel de FO notamment, contestent plus que jamais la privatisation d’ADP, projet acté par la loi Pacte adoptée le 11 avril dernier.

Si le projet de privatisation d’Aéroports de Paris a été validé par le vote de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) le 11 avril dernier, les salariés d’ADP (environ 6000 personnes) poursuivent leur combat contre cette privatisation. Ils étaient en grève le 18 avril et ont organisé des rassemblements à Orly et Roissy à l’appel des quatre syndicats de la société dont le syndicat FO-ADP.

Actuellement, l’État détient 50,63% (soit neuf milliards d’euros) du capital d’ADP. Aéroports de Paris, créé en 1947 était un établissement public détenu à 100% par l’État jusqu’en 2005 date à laquelle il est devenu une société anonyme. Le projet actuel de privatisation consiste à supprimer l’obligation qu’a l’État de détenir la majorité du capital d’ADP. Concrètement, l’engagement de l’État dans ADP pourrait être réduit à une portion congrue, voire pire.

Pour le syndicat FO-ADP (4e syndicat dans la société), cette privatisation est non seulement dangereuse mais aussi « absurde » explique la secrétaire générale, Pascale Lapierre. De 2005 à 2017, ADP a généré 3,3 milliards d’euros de dividendes dont 50% environ ont profité à l’État. C’est pour le moins non négligeable.

L’ouverture du capital a déjà fait des dégâts

De leur côté, les salariés voient de nombreux motifs d’inquiétude à cette nouvelle phase de privatisation qu’ils combattent depuis plus d’un an. Ils craignent d’être « livrés aux appétits des actionnaires avides de dividendes, au prix d’une course à la productivité et de suppression de postes ». Par ailleurs, insistent-ils, « privatiser ADP, c’est livrer le service publique aux affairistes financiers, comme ce fut fait pour Toulouse-Blagnac ».

Le groupe Vinci disposant actuellement d’une petite part dans ADP (et d’un siège au Conseil d’administration) convoite ainsi une plus grande place et y met une condition : détenir « une participation significative en capital et un rôle dans la gouvernance » déclarait récemment son P-DG à la presse. Pour la secrétaire générale de FO-ADP, cette candidature -comme d’autres- illustre la gourmandise du privé, ce qui n’a rien d’étonnant. « Vendre à Vinci revient à faire un cadeau au Capital ». Pour FO-ADP, cela montre tout le danger de la privatisation. « Vinci, cela renvoie notamment aux autoroutes dont le groupe est propriétaire… Or, chacun sait à quoi a mené la privatisation des autoroutes ! »

Le personnel d’ADP dont le statut est inspiré de celui de la Fonction publique redoute aussi « la mise en danger du statut, avec à terme la suppression des avantages sociaux acquis ». Ces craintes sont pour le moins basées sur l’expérience… « Le bilan en matière de droits collectifs depuis l’ouverture du capital d’ADP » n’a rien de fameux relèvent les salariés. « Depuis 2006 (ouverture du capital d’ADP au printemps 2006, Ndlr), les remises en cause statutaires se sont succédé ».

Bienvenue dans la sous-traitance

De la modification des avancements cadres à la « diminution drastique pour les nouveaux embauchés » du système de supplément familial de traitement (Sufa/Cofa), en passant s’insurge encore FO, par la « suppression du petit+ de rémunération des temps partiels » qui consistait à rémunérer un temps partiel de 50% à 60% de salaire… les salariés d’ADP qui par ailleurs ont vu fondre leurs effectifs (2000 emplois en moins en dix ans) ont donc déjà fait l’expérience des conséquences sociales d’une première privatisation.

Et cela continue… Ainsi actuellement, les syndicats bataillent pour défendre les droits du personnel dans le cadre d’un projet de la direction visant à modifier –vers un moins disant social bien sûr- les avancements des agents non cadres. Rien d’étonnant à ce que dès l’an dernier 88% des salariés se soient prononcés contre un élargissement de privatisation lors d’une consultation organisée par les syndicats.

« Alors que 1100 salariés d’ADP seront en retraite d’ici cinq ans, il faudrait plutôt recruter et particulièrement sur les métiers techniques, au péril de perdre un savoir-faire » indique Pascale Lapierre pestant contre la sous-traitance. « ADP sous-traite de plus en plus, y compris désormais dans le secteur des informations au public ». Ainsi, les voyageurs qui arrivent dans les aéroports parisiens sont certainement heureux d’être accueillis par de nombreux panneaux de « bienvenue à Paris », cela au nom d’ADP. Ils le seraient peut-être moins s’ils savaient qu’ADP a sous-traité ce travail d’information au secteur privé.

La privatisation déjà en préparation

Cette pratique illustre la méthode de réduction constante des moyens en vogue à ADP et depuis des années. Cela s’est matérialisé à travers les plans dits CRE, les « contrats de régulation économique » passés avec l’État. ADP en est ainsi au CRE4 ou quatrième CRE. Non-remplacement d’un salarié sur deux puis objectif général d’une baisse des effectifs… Désormais, au sein du CRE4, ADP a prévu un nouveau plan d’économies de 130 millions d’euros dont « 70 à 90 millions sont à réaliser sur la masse salariale brute, ce qui signifie que les 3/4 de l’effort environ se fera uniquement sur le dos des personnels » s’insurge FO y voyant en toute logique une sorte de préparation à la privatisation. Ce que refuse le syndicat FO.

La demande faite auprès du Conseil constitutionnel (enregistrée le 10 avril) par 250 parlementaires de diverses tendances politiques d’un référendum d’initiative partagée (RIP créé en 2008 mais jamais utilisé) peut-elle alors permettre de bloquer cette privatisation ? Alors que parallèlement des parlementaires ont saisi aussi le Conseil constitutionnel sur la conformité de la loi Pacte à la Constitution, le syndicat FO reste prudent face à ces initiatives. « Certes, cela peut mettre du baume au cœur par rapport à notre situation mais on peut y voir aussi un coup politique. Certains parlementaires qui demandent le RIP ont, en leur temps, voulu procéder à des privatisations à tour de bras » rappelle Pascale Lapierre.

Le casse-tête du RIP

La procédure du RIP (se traduisant dans le cas présent par une proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public de l’exploitation des aérodromes de Paris) est par ailleurs longue, compliquée… Pour ne pas dire un vrai casse-tête. Cela nécessite d’abord une réponse, sous un mois, du Conseil constitutionnel puis obtenir (sous neuf mois) le soutien de 10% de l’électorat (4,5 millions de personnes). Le Conseil constitutionnel doit ensuite valider cette participation pour que le parlement examine, dans un délai de six mois, le texte. Si cela ne se fait pas, le chef de l’État doit organiser un référendum.

Or, pendant toute cette procédure la loi Pacte peut être promulguée et les privatisations enclenchées. « Cette demande de RIP n’empêche pas l’État de vendre ADP » résume Pascale Lapierre qui rappelle le mandat clair du syndicat FO « combattre la privatisation par tout moyen et jusqu’au bout ! ».

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante