Air France : l’angoissante attente face aux réductions d’effectifs

Emploi et Salaires par Elie Hiesse

© Laurent GRANDGUILLOT/REA
Article publié dans l’action Coronavirus / Covid19 - Pandémie

Invoquant la nécessité de s’adapter à la baisse durable de l’activité, la compagnie aérienne va engager de nouveaux plans de départs volontaires. Rien que dans les fonctions dites supports, 30% des effectifs risquent d’être impactés, soit le double de ce qui était prévu avant la pandémie.

Air France se tourne vers la reprise. En juin, la compagnie aérienne prévoit un programme de vols représentant 15% de ses capacités, alors qu’en avril l’activité était tombée à 2-3%. Mais le plus dur reste à venir pour ses 45.000 salariés, qui sont dans l’angoissante attente de précisions sur l’ampleur de la restructuration à venir. En contrepartie des 7 milliards de prêts consentis par l’État, le groupe s’est engagé, en effet, à accélérer le plan de transformation présenté en novembre 2019 qui prévoyait des départs volontaires.

Mi-juin, début juin, début juillet : la date à laquelle les modalités de cette restructuration seront présentées aux représentants du personnel alimentent toutes les rumeurs. Nous sommes au point mort. Il n’y a pas encore de date officielle de réunion du CSE-central (Comité social et économique central). La direction nous a dit qu’elle reviendrait vers les partenaires sociaux d’ici fin juin. En clair, elle fait encore tourner ses équipes RH sur le sujet, explique Christophe Mallogi, secrétaire général du syndicat FO Air France.

30% de suppressions de postes dans les fonctions supports ?

D’ores et déjà, des « fuites » issues du dernier conseil d’administration font état d’un nombre significatif de suppressions de postes. Rien que dans les fonctions dites support et « reproduction », non opérationnelles, la baisse des effectifs risque d’atteindre 30% des effectifs. Si c’est effectivement le cas, cela signifie un doublement du nombre de suppressions de postes qui étaient prévues par le plan de « transformation » et devaient être réalisées d’ici fin 2022. Cela porterait à 2.208 les postes supprimés. Mais la facture peut être encore plus lourde, car on ne sait quelle est la date d’échéance prévue de ce plan, commente, prudent, le militant FO.

Les personnels au sol ne sont pas les seuls concernés. Le recul des effectifs ira de pair avec la restructuration annoncée du réseau domestique, qui doit être dévoilé cet été. Elle prévoit notamment la fermeture d’un certain nombre de lignes très déficitaires (en particulier certaines des lignes interrégionales opérées par Hop pour le compte d’Air France) et la réduction de l’offre sur les villes desservies par le TGV en moins de 2h30 (Nantes, Bordeaux et Lyon).

Ce qui compte, c’est qu’il n’y ait pas de licenciements secs. La direction évoque uniquement des départs volontaires, commente David Lanfranchi, président du syndicat national du personnel navigant commercial (SNPC).

Vers une accélération des départs dits naturels

De fait, la volonté de la direction serait déjà d’accélérer les départs en retraite. Dans un récent entretien à la presse, le P-DG d’Air France-KLM, Benjamin Smith, en a précisé les modalités, au conditionnel. La première étape consisterait à proposer des plans de départs volontaires et la seconde, à offrir à ceux qui resteront dans le groupe des plans de formation et des possibilités de mutation en rapport avec nos besoins.

La restructuration du réseau domestique d’Air France menace de s’accompagnera, pour le personnel au sol, d’un certain nombre de mobilités professionnelles et géographiques imposées.

Par ailleurs, dans un contexte d’explosion attendue du chômage, le pari sur les départs volontaires que semble vouloir faire la direction pourrait tourner court. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) évalue déjà qu’il y aurait 600 000 chômeurs de plus d’ici à la fin juin. Il estime que le taux de chômage sera de l’ordre de 10% en juin, et pourrait être supérieur à 12% à la fin de l’année.

Pour Christophe Mallogi, le sujet doit être clairement posé : Si les salariés ne sont pas volontaires au départ, alors que leur poste doit être supprimé, que se passera-t-il ?.

Seule chose certaine, le groupe Air France-KLM, qui a enregistré une perte nette de 1,8 milliards d’euros au premier trimestre, anticipe des retombées encore plus désastreuses pour ses finances d’ici l’été. Et il estime que la demande de trafic ne devrait pas revenir au niveau d’avant la crise avant plusieurs années.

Depuis fin avril, la plupart des compagnies aériennes dans le monde ont annoncé des plans sociaux : 12.000 suppressions d’emplois chez British Airways, 5.000 chez SAS, 3.000 chez Ryanair, 3.450 chez United Airlines ou encore 3.000 chez Virgin Atlantic.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante