Air France : FO vigilant sur l’emploi

Actualités par Elie Hiesse

Aéroport de Paris Charles de Gaulle, terminal T1. © Laurent GRANDGUILLOT/REA

La brutale décision des États-Unis de fermer ses frontières aux passagers en provenance des 26 pays européens de l’espace Schenghen, pour un mois à partir de ce vendredi, va priver Air France-KLM d’une importante part de son activité.

Plus de 120 vols hebdomadaires annulés d’un trait, avec des conséquences en cascade sur les trajets en correspondance ! La brutale décision des États-Unis de fermer ses frontières aux vols en provenance des 26 pays européens de l’espace Schenghen, pour un mois à partir de ce vendredi 13 mars au soir, va priver Air France-KLM d’une très importante source de revenus, évalué par certains spécialistes à près de 20% de son chiffre d’affaires.

Elle réduit à néant la stratégie adoptée par la compagnie qui avait redéployé ses avions et ses équipages sur les vols jusqu’alors épargnés par la chute des réservations, consécutive à la pandémie du nouveau coronavirus. Jusqu’à présent, malgré la suspension le 30 janvier de la desserte de Pékin, Shanghai et Wuhan, soit 26 vols hebdomadaires, l’activité a été maintenue grâce au redéploiement sur les axes préservés. La direction nous a toujours assuré que tout serait mis en œuvre pour qu’il y ait le moins d’impact possible sur l’emploi, commente David Lanfranchi, président du syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) FO, particulièrement vigilant depuis janvier sur le respect du droit de retrait. Il a été géré en bonne intelligence.

Vers des mesures de chômage partiel ?

Mais la crise prend désormais une toute autre dimension. La compagnie, qui avait redéployé ses capacités notamment sur l’axe Amérique du Nord, mais aussi l’Afrique, les Caraïbes et l’Océan Indien, se retrouve face à une perspective sombre.

Mi-février, la direction évaluait déjà que la crise aurait un l’impact de l’ordre de 200 millions d’euros sur le résultat d’exploitation Air France-KLM, et jugeait être dans une situation d’urgence économique qui peut (…) rappeler de précédentes crises, telles que celle du 11 septembre, ou encore la crise financière de 2008. Pour mémoire, cette dernière a été le point de départ d’une longue descente aux enfers marquée par sept années de pertes financières consécutives et une incessante restructuration par le biais de plans de départs volontaires (PDV). En 2019, année « normale », le groupe a dégagé un bénéfice net de 290 millions d’euros, en baisse de 31%.

Dans un mail aux salariés, en février, la direction avait déjà annoncé sa décision de serrer les boulons, d’abord en limitant les embauches aux seuls besoins opérationnels indispensables. Elle y expliquait aussi vouloir agir sur le levier de la réduction du temps de travail. Depuis, elle a proposé aux salariés volontaires d’anticiper leurs congés, de prendre des congés sans solde, d’utiliser leurs droits acquis ou de travailler à temps partiel ou à temps alterné.
Elle risque aujourd’hui de devoir en passer par des mesures plus drastiques, tel que le recours au chômage partiel.

Des coupes sombres dans les effectifs au sol étaient déjà prévues

L’accentuation de la crise intervient alors que la situation sociale s’est de nouveau tendue, le 27 février, suite à la présentation de l’évolution des effectifs pour les trois prochaines années. Un hasard du calendrier : la réunion du comité social et économique central (CSE-C) sur le sujet de la gestion prévisionnel des emplois et compétences (GPEC) était prévue de longue date. Les perspectives sont salées. Air France, qui a déjà supprimé près 11 000 emplois en dix ans en enchaînant six PDV, prévoit une nouvelle baisse des effectifs de 1 500 personnes d’ici à fin 2022, uniquement des personnels au sol, par le biais des départs en retraite qui ne seront pas tous remplacés. Sur le papier, le calcul est « simple » : d’ici fin 2022, 3 800 départs sont prévus et 2 300 recrutements. Le transporteur français, qui salariait 41 230 salariés fin 2019, estime ses besoins à 39 720 fin 2022.

Reste que, dans la composition de l’emploi, l’addition est lourde pour le personnel au sol qui perdra 1 770 postes (-7%), particulièrement pour les fonctions « support » qui perdront 950 postes (-13%). Les recrutements concerneront quasi-exclusivement pilotes, hôtesses, stewards, agents de maintenance.

FO conteste la méthode

Les directions se succèdent mais les plans d’économie restent invariablement construits sur des coupes sombres dans les effectifs au sol, déplore Christophe Mallogi, secrétaire général du syndicat FO Air France, pour qui cette stratégie est une erreur. La direction refuse de mesurer à sa juste valeur la plus-value apportée par le personnel au sol. De nouveau, elle se focalise sur l’aspect coûts, en mettant de côté les impacts négatifs d’une telle réduction des effectifs, notamment le mécontentement client. Le représentant FO et l’ensemble des élus du CSE-C ont voté à l’unanimité une expertise sur cette stratégie, et ses impacts sur l’emploi.

FO conteste aussi la méthode employée. La baisse annoncée des effectifs ne s’appuie pas sur un seul projet, mais une myriade de réorganisations sur lesquelles nous n’aurons pas de vision consolidée. Ces réductions de postes et ces recrutements devant se faire au fil de l’eau, il sera difficile de mesurer leurs impacts sur les organisations du travail et la surcharge de travail pour les salariés restants, constate le militant FO qui alerte sur les dangers de cette attrition silencieuse. Il faudra attendre, fin mars, pour en savoir plus. Des précisions sur les métiers et fonctions concernés doivent être présentées par la direction fin mars. D’ores et déjà, FO a prévenu que la crise conjoncturelle lié au coronavirus ne doit pas être l’occasion d’alourdir l’addition.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante