Air France : l’intersyndicale rappellera la revendication salariale au nouveau patron

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

© Denis ALLARD/REA

Près de quatre mois après la démission de l’ancien P-DG d’Air France-KLM, le conseil d’administration du groupe franco-néerlandais a nommé un canadien au poste de directeur général. M. Benjamin Smith, actuellement un des cadres dirigeants d’Air Canada, entrera en fonction en septembre et percevra plus de quatre millions d’euros, soit une rémunération plus de trois fois supérieure à celle de son prédécesseur. Depuis février, Air France refuse en revanche d’entendre la revendication salariale des personnels de la compagnie (salariés au sol, navigants commerciaux et pilotes) ce qui a entraîné quinze journées de grèves. Pour l’intersyndicale à laquelle participe FO et qui se réunira le 27 août, il est nécessaire de concevoir dès cette rentrée des actions qui permettent « d’obtenir la fin du blocage des salaires ».

D’ores et déjà, ils ont averti qu’ils n’oublient pas « les enjeux sociaux auxquels M. Benjamin Smith devra faire face… ». Ils, ce sont les personnels navigants commerciaux FO d’Air France (SNPNC-FO) qui ont livré leur première réaction le 16 août dernier à l’annonce par le conseil d’administration du groupe Air France-KLM de la nomination en tant que « directeur général exécutif » du groupe Air France-KLM de M. Benjamin Smith. Ce canadien de 46 ans est actuellement membre de la direction d’Air Canada.

M. Benjamin Smith qui devrait entrer en fonction en septembre recevrait une rémunération de l’ordre de 4,25 millions d’euros par an, c’est-à-dire plus de trois fois que ce que percevait l’ex P-DG M. Jean-Marc Janaillac. Ce dernier avait démissionné le 4 mai dernier suite aux résultats de la consultation des personnels sur l’ultime proposition salariale faite par la direction après quatre mois de conflit. Le personnel de la compagnie demande en effet une augmentation générale et substantielle des salaires en 2018. De février à juin, ce conflit que la direction a refusé de résoudre a entraîné quinze journées de grèves.

En mai, le personnel d’Air France a ainsi rejeté à 55,44% la proposition de la Direction consistant en une revalorisation minime des salaires et une modération salariale sur trois ans. Composée d’une dizaine d’organisations dont FO (pour les navigants commerciaux et les personnels au sol) l’intersyndicale demandait de son côté une hausse générale des salaires à hauteur de 5,1% pour 2018. Une augmentation devant participer à résorber la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation et au gel des salaires depuis 2012.

FO appelle à la décence…

Depuis le départ du P-DG, Mme Anne-Marie Couderc a assuré l’intérim sans toutefois disposer de pouvoirs exécutifs. Alors que les personnels d’Air France demandent toujours l’ouverture de négociations sur les salaires, la nomination d’un nouveau « patron » pour Air France était donc attendue depuis le mois de mai, les salariés voyant dans l’arrivée d’un nouveau dirigeant la possibilité de résoudre, enfin, le conflit social.

Fin juin l’intersyndicale avait décidé ainsi de lever le préavis de grève annoncé préférant attendre la nomination d’un nouveau dirigeant de plein droit pour relancer des négociations avec la direction. Le 14 juin, Mme Couderc avaient annoncé de son côté quelques mesures relatives aux conditions de travail. Mesures bien loin de contenter les salariés en demande d’avancées salariales. Mme Couderc soulignait alors que la « première mission » du futur patron d’Air France « sera de régler la question des salaires ».

La fin du malaise social à Air France -et notamment sur les salaires- n’est toutefois pas acquise. Ainsi souhaitant la bienvenue au directeur général, les hôtesses et stewards FO indiquent qu’ils ont « pris bonne note du niveau de rémunération qui sera sensiblement aligné sur celui des autres dirigeants des compagnies européennes. Il sera donc décent de suivre la même logique dans la résolution du conflit NAO (négociations annuelles obligatoires sur les salaires, Ndlr) en cours ».

Le 16 août encore, en amont de la décision prise par le conseil d’administration, l’intersyndicale stigmatisait elle les « huit mois d’errance sans dialogue (entre la direction et les syndicats, Ndlr) puis sans gouvernance ».

Des actions dès la rentrée

Le conflit sur les salaires a éclaté en effet en février à l’occasion de la négociation NAO (négociation annuelle obligatoire) pour 2018. La direction de la compagnie a décidé unilatéralement de conserver les termes de l’accord issu de la NAO et signé le 1er février par deux syndicats (CFDT et CFE-CGC). Or plusieurs autres syndicats dont FO (affichant à eux tous une représentativité de plus de 50% des suffrages aux dernières élections professionnelles) ont contesté l’accord en question portant une proposition salariale en forme d’« aumône ». L’accord est donc devenu caduc.

Malgré cela et jusqu’en avril dernier, la direction a refusé de rediscuter des salaires estimant que la demande des syndicats d’une augmentation générale à hauteur de 6% était « déraisonnable » et susceptible de mettre la compagnie en difficulté. Les syndicats rappelaient, eux, les efforts fournis de longue date par les salariés, lesquels ont subi les conséquences des différents plans de compétitivité notamment au plan d’une suppression massive d’emplois et du gel des salaires. Ils soulignaient aussi la pertinence de la revendication au vue des bons résultats d’Air France-KLM. Pour 2017, le groupe affiche en effet un bénéfice en hausse de 42% à 1,488 milliards d’euros.

La direction décidait toutefois de maintenir sa proposition salariale pour le moins insignifiante, soit une augmentation de 0,6% au 1er avril 2018 et de 0,4% au 1er octobre. Si au printemps, quelques rencontres avec les syndicats – et dans le contexte du mouvement de grève- ont amené la direction à réviser légèrement à la hausse sa proposition salariale, celle-ci jugée toujours très insuffisante, a été rejetée par l’intersyndicale… Puis par les salariés ainsi que l’a signifié clairement le résultat de la consultation.

A l’aube de cette rentrée sociale et de l’arrivée du nouveau directeur général, les personnels d’Air France rappellent que leur revendication salariale perdure. L’intersyndicale qui se réunira le 27 août prochain indique qu’elle cherchera à « déterminer les actions qu’elle mènera dès la rentrée afin d’obtenir la fin du blocage des salaires qu’elle dénonce depuis des mois ».

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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