Six syndicats de personnels navigants commerciaux (PNC) d’Air France dont le SNPNC-FO appelaient à la grève du samedi 18 mars au lundi 20 mars. Le mouvement suivi par plus de 50% des personnels en capacité de se déclarer gréviste vise à la fois à protester contre l’échec des négociations du prochain accord collectif d’entreprise mais aussi à contester les conditions d’emploi que semble vouloir réserver la direction aux PNC qui seront recrutés au sein de Boost, la filiale d’Air France qui devrait voir le jour l’hiver prochain.
Depuis le 18 mars, la direction d’Air France s’emploie à minimiser l’ampleur de la grève chez les personnels navigants commerciaux (PNC). Alors que la direction estime qu’il y a 29% de grévistes, le SNPNC-FO qui a appelé à ce mouvement de protestation avec cinq autres syndicats rectifie. Il y a bien plus de grévistes : on compte de 50% à 60% de grévistes parmi les personnels en capacité de se déclarer en grève
explique ainsi Christophe Pillet, le secrétaire général du syndicat SNPNC-FO.
Après une grève d’une semaine l’été dernier les tensions sociales ne se sont pas vraiment calmées depuis. Les hôtesses et stewards de la compagnie (13 600 salariés) sont toujours en colère et même davantage. La direction d’Air France a en effet ajouté au malaise qui perdure depuis plus de deux ans un nouveau motif de mécontentement.
A la négociation difficile d’un nouvel accord collectif -négociation qui avait déjà capoté au printemps car la direction cherchait à obtenir un accord dégradé et qui plus est d’une durée de vie réduite à dix-sept mois au lieu de cinq ans- Air France a ajouté le projet de création d’une filiale pour l’instant baptisée Boost dans le cadre du nouveau plan de compétitivité Trust Together.
Le rejet de conditions low cost
Pour la direction d’Air France, les PNC devraient réaliser 7.5% d’efforts économiques sur cinq ans
via notamment une réduction des équipages et des mesures de ralentissement salarial dans le cadre d’un prochain accord d’entreprise. Selon la direction, cela permettrait de compenser l’augmentation annuelle de la masse salariale PNC d’Air France.
Parallèlement à cela, l’annonce le 3 novembre dernier de la création de la filiale Boost a exacerbé les tensions entre les syndicats de PNC et la direction. Pour cette dernière, Boost sera une filiale dédiée aux longs et moyens courriers et dotée à son lancement à l’hiver prochain de dix avions long-courrier et dix-huit moyen courrier. Boost devrait reprendre notamment quelques lignes d’Air France actuellement déficitaires.
Pour l’obtention de coûts d’exploitation réduits, la filiale prévoit de mettre largement les personnels PNC à contribution. Ainsi, ils proviendraient d’une filiale de recrutement spécifique aux conditions du marché
explique la direction. Les PNC prendraient surtout une part importante dans ces économies.
Air France estime ainsi que le recrutement d’hôtesses et stewards aux conditions Boost génèrerait 40% d’économies. L’annonce de ces conditions low cost pour les personnels de la future Boost a bien sûr augmenté la colère des PNC dans le cadre de la négociation de l’accord collectif. Négociation reprise à l’automne.
Dead line le 30 avril
Depuis, la négociation d’un hypothétique nouvel accord — le précédent devant s’achever en octobre 2016 — a viré à l’échec, pour ne pas dire au fiasco. Un texte signé par un seul syndicat (UNAC-CFE-CGC) est décrié par l’ensemble des autres dont FO qui a refusé de le parapher. Et pour cause.
Si, explique le SNPNC FO l’intersyndicale PNC (68% de représentativité) à laquelle participe FO a négocié jusqu’au 16 février
entre temps le projet Boost a pris quelques couleurs grâce à l’aval de 58% des pilotes lors d’une consultation. Dès lors, précise le SNPNC-FO, il n’était plus question pour l’intersyndicale de se rendre aux cinq dernières réunions de négociations
lesquelles n’avaient d’autre but que de crédibiliser par notre présence l’accord collectif dégradé proposé par l’entreprise et élaboré avec l’UNAC mais aussi de valider un projet Boost les yeux fermés
.
L’intersyndicale PNC a donc décidé de boycotter la négociation. Or, le 28 février, la Direction d’Air France et l’UNAC ont clos les négociations sur le nouvel accord collectif. Peu optimiste néanmoins quant à l’avenir de cet accord remarque ironiquement FO, la Direction d’Air France a demandé une dérogation à la direction générale de l’aviation civile pour appliquer de manière unilatérale les mêmes conditions de notre accord jusqu’au 30 avril 2017
.
La loi El Khomri en embuscade ?
Le 9 mars dernier puis les 11 et 13 mars l’intersyndicale dont FO a rencontré la direction et lui a fait part de la demande ferme des personnels. Seul un accord collectif non dégradé et très long (plus de cinq ans ou à durée indéterminée) pourrait faire le poids face à un éventuel Boost et ce à condition d’avoir des clauses de protection extrêmement solides vis-à-vis de Boost.
La seule « avancée » concédée par la direction a été de proposer un accord dégradé sur cinq ans au lieu de quatre fulmine le SNPNC-FO qui appelait alors plus que jamais à la grève
.
Ce 20 mars, il y a toujours zéro reprise de négociation sur un projet d’accord
regrette Christophe Pillet. La signature du texte par l’UNAC pose par ailleurs problème. En effet, par sa signature, ce syndicat qui n’est pas majoritaire peut par le seul poids de sa représentativité (établie selon les règles de la loi de 2008) initier un référendum sur le texte, dans l’entreprise, dans un délai d’un mois… Ainsi que le prévoit la nouvelle loi Travail.
Attention toutefois prévient le SNPNC-FO, le texte concernant l’accord collectif ne porte pas seulement le temps de travail des PNC. Il va bien au-delà du seul domaine du temps de travail dont s’occupe la loi El Khomri. De fait indique pour FO Christophe Pillet, si l’UNAC s’avisait de recourir au référendum, le SNPNC-FO porterait l’affaire devant la justice
. Pour l’instant explique le secrétaire général du SNPNC-FO si l’accord actuel est encore en vigueur jusqu’au 30 avril, nul ne sait ce qu’il adviendra au-delà de cette date
. FO souhaite bien évidemment que la direction ne décide pas unilatéralement d’appliquer un texte rejeté par les personnels.