Elle s’appellera Joon a annoncé ce 20 juillet la direction d’Air France dévoilant ainsi le nom de sa compagnie filiale à bas coûts, moyen et long courrier, qui verra le jour à l’automne. Jusque-là Joon n’était qu’un projet dénommé Boost dans le cadre du plan de compétitivité présenté en novembre 2016 par Air France et intitulé Trust Together (confiance ensemble). Le projet Boost rebaptisé Joon est le fer de lance du plan Trust Together.
La nouvelle compagnie vise « une clientèle de jeunes actifs, les millennials (les 18-35 ans) qui placent le numérique au cœur de ses modes de vie ». Mais elle a surtout l’objectif -en réduisant ses coûts d’exploitation- d’assurer des lignes Air France jusque-là déficitaires. Depuis près d’un an, ce projet est à l’origine de conflits multiples entre la direction d’Air France et les personnels, pilotes et personnels navigants commerciaux (PNC).
Les pilotes ont finalement approuvé le projet Boost
Le 17 juillet dernier, via un référendum soumis à ses adhérents, le syndicat majoritaire des pilotes, le SNPL, dont l’avis était requis pour mettre en œuvre le projet, a notamment approuvé le projet de la Direction. Les pilotes ont il est vrai obtenu un statut unique. Concrètement qu’ils volent pour Air France ou pour la compagnie Joon, ils garderont les mêmes avantages.
L’accord collectif qui a mobilisé
L’attitude de la Direction d’Air France vis à vis des personnels navigants commerciaux (PNC) est en revanche beaucoup moins complaisante. Depuis quelques mois, les PNC se trouvent ainsi face à un double problème : par son mode de gestion des emplois, la compagnie filiale Joon pourrait constituer à terme une menace pour les emplois PNC d’Air France. A travers un texte d’accord Air France prétend apporter des garanties à ses PNC … Pas si simple. Déjà approuvé par deux syndicats de PNC, le texte d’accord fait actuellement l’objet d’une consultation des adhérents FO jusqu’au 24 juillet.
La consultation des adhérents porte aussi sur le texte d’un prochain accord collectif (qui régit les conditions d’emploi et de rémunérations). Depuis des mois les hôtesses et stewards FO négocient avec difficulté un texte alors que le précédent accord a pris fin en octobre 2016. Si celui-ci a été prolongé dans les mêmes termes à travers une Note de la Direction –ce qui a permis de préserver les garanties des PNC- cette situation ne satisfait pas toutefois les personnels qui demande un accord en bonne et due forme. Par ailleurs ils ont dû batailler ferme et mener deux grèves pour amener la Direction à abandonner son projet de limiter la durée de vie de l’accord à dix-sept mois contre cinq ans.
Le texte négocié qui induirait un accord de 5 ans et deux mois est certes loin d’être parfait indique le SNPNC-FO. Toutefois alors que le précédent accord (d’une durée de trois ans et demi) induisait des mesures d’économies à hauteur de 220 millions, le texte actuellement soumis à la consultation n’envisage « que » douze millions d’économies. Le texte apporte aussi quelques garanties souligne FO. Ainsi, la Direction a dû s’engager sur l’absence de départ contrant d’ici 2022. L’accord acte aussi l’embauche de 500 PNC en CDI. Bien sûr indique le syndicat FO des PNC cela « ne compense pas les 1300 départs naturels prévus sur cette période » de cinq ans.
Un coût inférieur de 40%
Alors que ces deux textes d’accords –Boost et accord collectif- devaient être soumis à la signature jusqu’au 11 juillet « FO a refusé de subir le calendrier de l’entreprise qui par ailleurs publiera ses résultats semestriels le 28 juillet. Des résultats qui ont toutes les chances d’être bons » explique David Lanfranchi, le Président du SNPNC-FO. Ces perspectives de nouveaux bons résultats rendent d’autant plus indigestes aux PNC le projet de la Direction en ce qui concerne Joon.
En effet indique David Lanfranchi, « selon le projet, cette compagnie qui comptera un millier de PNC réalisera des économies massives grâce au poste des emplois PNC ». Les économies ont été chiffrées à 65 millions par an précise le militant. « Le projet Boost vise en effet à ce que le coût d’un emploi de PNC en termes de salaire et de productivité soit inférieur de 40% à celui d’un emploi de PNC chez Air France. »
Concrètement, les salaires et les conditions de travail des PNC de chez Joon seront nettement inférieurs à ceux en vigueur chez Air France. La compagnie historique compte 12 500 hôtesses et stewards, la moyenne d’âge de ces personnels ne cesse de grimper (aujourd’hui 45 ans en moyenne) au fil notamment des départs ayant eu lieu depuis 2012 (plus d’un millier entre 2012 et 2015) dans le cadre des différents plans.
Garanties insuffisantes
Or, la progression dans la carrière -autrement dit l’ancienneté- prend sa part dans cette masse salariale. La compagnie Joon par les conditions d’emploi qu’elle réserve à ses PNC et par une « probable montée en charge de ses activités » pourrait alors concurrencer les emplois PNC d’Air France craint le syndicat FO.
Il remarque ainsi qu’au sein de l’accord (à durée indéterminée) Boost « il n’y a aucune garantie sur le non-transfert de lignes Air-France » vers la nouvelle filiale. « L’accord n’offre aucune garantie quant à l’embauche de PNC français remarque encore FO.
Par ailleurs, si la direction d’Air France s’est engagée à limiter le nombre d’avions chez Joon et promet une « impermutabilité » (chacun chez soi) des PNC d’Air France et de Joon « ces dispositions ne sont pas suffisamment protectrices » insiste FO.