Air France : Reprise de négociation pour l’accord collectif Personnel navigant commercial

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Rassemblement 5 Octobre 2015 Siège Air France. © SNPNC FO

Sur fond de tensions sociales au sein de la compagnie, la direction d’Air France et les trois syndicats représentatifs des personnels navigants commerciaux dont le SNPNC-FO ont repris le chemin de la négociation ce 24 août avec pour objectif de bâtir le prochain accord collectif des hôtesses et stewards.

Les hôtesses et stewards (13 600 salariés dans la compagnie) espèrent que la direction saura entendre cette fois leurs revendications dans le cadre du prochain accord qui doit régir leurs conditions de travail, leurs carrières et rémunérations.

Rien n’est moins sûr. Entamées au printemps, les discussions piétinent pour l’instant. La direction ne semble pas vouloir entendre la grogne des PNC déplore FO. La récente grève qui, du 27 juillet au 2 août dernier, a été massivement suivie (60% à 70% de grévistes) a montré cependant à quel point le malaise social persistait au sein d’Air France.

Ce 24 août, la première rencontre de négociation a consisté à établir seulement le calendrier et la méthode qui seront adoptés pour la suite des discussions. Reste donc à débattre en profondeur du prochain texte d’accord tandis que celui actuellement en vigueur expire, en principe, le 31 octobre.

Accord prolongé jusqu’en février 2017

Jusqu’en juillet, avant la grève, la direction proposait de mettre en place un prochain accord quasiment identique et d’une durée limitée à 17 mois au lieu d’un accord d’une durée de trois à cinq ans. En contrepartie, elle promettait de ne pas procéder à un plan de départs volontaires jusqu’en 2018. Pour les syndicats un accord d’une durée de vie aussi courte, donc peu protecteur, n’était pas acceptable.

Les choses ont évolué. La direction a décidé unilatéralement de maintenir l’accord collectif actuel jusqu’en février 2017, le temps de négocier le suivant. Cette position a été confirmée ce 24 août. Pour la direction, ce délai devrait permettre aussi d’intégrer au prochain accord les données du projet industriel du groupe Air-France-KLM que le nouveau P-DG, Jean-Marc Janaillac devrait dévoiler en novembre.

Récemment, la direction envisageait aussi de scinder les négociations afin d’aboutir d’une part à un accord à durée indéterminée qui porterait sur les carrières et certaines règles de rémunérations et d’autre part à un autre qui resterait lui à durée déterminée et porterait sur les autres règles.

Un climat social tendu

Quoi qu’il en soit, cette reprise des négociations se tient dans un climat social pour le moins tendu. Fin septembre, quinze salariés d’Air France passeront en effet en justice, accusés d’avoir commis des actes de violence le 5 octobre 2015.

Ce jour-là, les salariés (PNC, personnels au sol, pilotes) avaient manifesté spontanément leur colère contre le projet de 2 900 suppressions d’emplois annoncé par la direction lors d’un comité central d’entreprise.

Dans le cadre de cette affaire, le licenciement de plusieurs salariés ne participe pas davantage à apaiser les tensions dans la compagnie.

Ces paramètres viennent donc s’ajouter à la difficulté rencontrée depuis le printemps par les syndicats de négocier les caractéristiques du prochain accord collectif PNC. Dès les premières discussions, la direction s’était employée en effet à refuser la quasi-totalité des revendications des hôtesses et stewards.

Or, pour les syndicats, « les revendications sont plus que raisonnables au vue de la situation financière de l’entreprise ». Lors de la grève en juillet, les syndicats ont rappelé aussi les « 220 millions d’économies et de productivité réalisés entre 2013 et 2015 (plan Transform 2015, Ndlr) par les PNC, entraînant la suppression de plus de 2 000 postes et permettant le redressement de la compagnie ».

Menaces sur les conditions de travail

Ces derniers mois, la Direction envisageait néanmoins « de nouvelles baisses des compositions d’équipages, au mépris de la sécurité et de la sureté à bord » s’indignaient les syndicats fustigeant un possible recul des conditions de travail.

La direction proposait par exemple de réduire le nombre de PNC à trois contre quatre actuellement sur une « très grande majorité des vols longs et extra longs » effectués sur les Airbus A319.

De leur côté, les syndicats dont le SNPNC-FO rappellent que les hôtesses et stewards sont déjà « épuisés par la densification du service et l’augmentation des cadences. L’explosion des arrêts maladies et des risques psychosociaux en témoigne ».

En guise de dernière provocation, cet été, à l’issue de la grève et en amont de l’ouverture des négociations sur l’accord collectif, la direction a stigmatisé à plaisir le coût de la grève évaluée selon elle à 90 millions d’euros.

L’entêtement de la direction a un coût

Les syndicats ont immédiatement retourné l’argument du coût de la grève sur les finances de la compagnie. Un poids tout relatif en effet.

Il équivaut au financement d’un accord collectif d’une durée de 4,5 années. Accord qui aurait pris en compte immédiatement les revendications des PNC rétorquent les syndicats, renvoyant ainsi la direction aux conséquences de son entêtement à ne pas entendre la grogne des personnels depuis des mois.

Face à une direction qui persiste à mettre en avant le coût de cette récente grève, les syndicats multiplie les mises en perspectives. Ainsi soulignent-ils, l’amélioration à hauteur de 580 millions du résultat d’exploitation d’Air France au premier semestre 2016 équivaut par exemple au coût que pourrait avoir un accord collectif pendant 28 ans.

Autre comparaison ? Le recul de 300 millions de la dette de la compagnie au premier semestre 2016 équivaut lui au coût de 15 années d’accord collectif…

Bref, indiquent en substance les syndicats de PNC, il y a du grain à moudre pour concevoir un accord collectif de qualité.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante